Tony Fernandes, c’est un peu le Samy Naceri des tribunaux de commerce britanniques ! Il y a d’abord eu le procès avec Lotus, celui avec Force India et maintenant, il est en procès avec les nouveaux propriétaires de Caterham F1 !
Résumé des épisodes précédents…
Début 2014, Tony Fernandes en avait assez de Caterham F1. Après trois saisons, l’équipe n’a pas marqué le moindre point. Pire : elle pointe au onzième rang (le seul qui ne donne pas droit aux remboursements de la FIA.) Ce « serial entrepreneur » voulait passer à autre chose. Plus prosaïquement, il a beaucoup dépensé pour le Caterham Group (développement à l’international, conception de nouveaux modèles, écuries de F1, de GP2 et parrainage de pilotes…), alors que les recettes sont restées stables.
Fernandes a eu beau démentir, il a fini par vendre (partiellement ?) à la mystérieuse société Engavest, fin juin. Colin Kolles serait derrière le rachat.
Le nouveau propriétaire
Des écuries qui changent de main, cela arrive tous les quatre matins ! Mis à part Ferrari, McLaren et Williams, toutes les écuries ont changé au moins une fois de propriétaire ces 10 dernières années… Et au moins 2 fois de propriétaire ces 15 dernières années ! Le record était pour Mercedes GP (ex-Tyrrell, ex-BAR, ex-Honda F1 et ex-Brawn GP) La FIA impose une caution faramineuse à tout nouvel arrivant ; mieux vaut donc racheter une structure existante et n’en garder que la licence.
Le web nous informe que Engavest est une société créée en 2005. Elle s’appelait « Dragon Global Entertainement » jusqu’en mars dernier et elle possède un capital ridicule de 100 000 francs suisses (83 000€ ; de l’argent de poche en F1.) Officiellement, elle aide les entreprises d’e-commerce a récupérer des impayés. Son nom n’apparait nulle part. Fait curieux pour une entreprise tournée vers l’e-commerce, elle n’a pas de site web (elle a juste acheté le domaine « engavest.com » en juillet.)
Pour autant, l’opacité est de mise en F1. Tout n’est que société-écran et comptes off-shore. Ce qui est plus étonnant, c’est la méthodologie de rachat. D’ordinaire, après l’opération, le patron effectue une conférence de presse où il annonce un projet sportif ronflant (et un nouveau nom.) Là, Christijan Albers (disparu des radars depuis le naufrage de Spyker F1) se présente comme un simple porte-parole des nouveaux actionnaires. Kolles est invisible. L’équipe conserve le nom, les couleurs et les pilotes. Rien n’est annoncé pour 2015. Elle procède juste à des changements à la marge (renvoi d’Alexander Rossi, rupture des ponts avec la Caterham Academy et Caterham Racing -GP2-.) Et bien sûr, l’ancien équipe dirigeante est écartée.
Plat de spaghetti
Début septembre, après seulement 2 mois, Albers démissionna. Manfredi Ravetto, encore moins bavard que l’ex-pilote de F1, prit sa suite.
A l’été, un groupe d’anciens employés se plaignirent de ne pas avoir été payés pendant des mois. Ils attaquèrent en justice Caterham Sports LTD (l’ancienne structure qui pilotait Caterham F1.) Début octobre, les huissiers débarquaient à Leafield -fief de l’écurie- et se servaient. Ils agissaient pour le compte de l’Export-Import Bank of Malaysia Berhad (EXIM.) A ce moment-là, l’équipe disputait le Grand Prix du Japon. D’après Ravetto, Caterham Sports LTD posséde l’usine (et ce serait elle qui payerait l’essentiel des employés.) Elle serait criblée de dettes : toujours selon lui, sans le rachat, Caterham F1 n’aurait même pas passé Silverstone. Charge aux nouveaux propriétaires de maintenir à flot Caterham Sports LTD, pour continuer a utiliser ses infrastructures.
Bien sûr, le Caterham Group a démenti cela. Selon eux, Engavest est le seul responsable de la situation financière désastreuse de l’écurie. Le constructeur a coupé tous les liens. Quant à Caterham Sports LTD, elle appartiendrait à un certain Constantin Cocojar (qui est balayeur !)
Le jour où les huissiers ont débarqué, Engavest se rebaptisait « CF1 Grand Prix Holding SA ». Un moyen de se positionner en « locataire » du site. En parallèle, elle cherche désespérément des rentrées financières. Elle a beau clamer que les huissiers n’ont pris que des « souvenirs », l’équipe ne possède guère que ce qu’elle avait dans ses valises à Suzuka. Kamui Kobayashi dut rouler à Sotchi avec une voiture visiblement rafistolée.
Le futur ?
Caterham Sports LTD s’achemine vers une liquidation. Ses biens seront dispersés. Tant pis pour EXIM et les employés. Caterham F1 vient d’éditer un nouveau communiqué officiel. Elle souligne de nouveau qu’elle n’a rien à voir avec le litige. Surtout, Fernandes ne lui aurait pas transféré toute la propriété de l’écurie. Le contrat serait rompu. CF1 aurait mandaté des avocats pour faire une médiation et éventuellement, quitter l’écurie.
A partir de là, tout est possible. Si CF1 veut poursuivre, l’idéal serait de déménager chez Kodewa (qui appartient à Kolles.) Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait plus tôt ? Manquent-ils de moyens ? Ou bien s’agit-il d’une bande d’amateurs (ce qui expliquerait pourquoi Kolles se tient à l’écart) ? A écouter les différentes parties, Fernandes resterait le seul propriétaire. Si CF1 part, il pourrait faire redémarrer l’écurie. Mais le veut-il réellement ? Peu probable : l’homme d’affaire semble avoir tourné la page. Au mieux, il cherchera à empêcher les autres de monter « Kodewa F1 ».
L’un dans l’autre, le futur de Caterham F1, au-delà de la saison 2014, semble bien sombre…
Crédit photos : Caterham