Galop d’essai : Mansory Gronos

Le Mercedes Classe G, ou Geländewagen pour les intimes, est un dinosaure dans le paysage automobile actuel : apparu en 1979 pour une utilisation sous les drapeaux de l’armée ouest-allemande (et de notre côté du Rhin sous le nom de Peugeot P4), le mastard de Stuttgart est devenu au fil des années un produit de luxe qui affole les mirettes de riches clients de plus en plus nombreux. Face à l’explosion de la demande, la marque à l’étoile a pondu des versions AMG délirantes (40% des ventes totales de Classe G) et certains préparateurs poussent les potentiomètres de la folie pour grignoter une part du gâteau. A l’occasion du Top Marques Monaco 2014, Mansory et la société de location AAA Luxury nous ont offert la possibilité de prendre les commandes du Gronos, une proposition (infiniment) musclée du Mercedes Classe G.

Quoi ma gueule ?

Grand habitué des coups de bistouri sauvages ou de la fibre de carbone mal tissée, Mansory semble avoir pris conscience des critiques du public pour ses dernières créations. Mais il ne déroge pas à sa ligne de conduite générale pour autant et sa création sur base de Mercedes Classe G n’a rien d’une oie blanche. Le bouclier avant est retravaillé et accueille désormais des feux diurnes, les blocs optiques sombres s’enfoncent dans une arcade profonde et le capot est aéré pour faire respirer la mécanique. Les ailes généreusement tirées font apparaitre un marchepied cachant les sorties d’échappement latérales. La partie arrière reste assez sobre par comparaison avec un bouclier percé, des feux spécifiques et un aileron de toit. Hormis ces quelques gimmicks, le Mansory Gronos impressionne surtout par sa carrosserie en fibre de carbone réalisée dans les fours à autoclave du préparateur suisse. Aucune information n’a été communiquée sur la perte de poids engendré mais nul doute que la masse totale doit toujours être éléphantesque. En revanche, la fibre tissée donne au 4×4 du caractère et une gueule qui pourrait faire craquer un Dark Vador en quête de navette terrestre.

L’habitacle, qui a abandonné toute idée de rusticité avec les années, affiche sans retenue son extravagance. La présentation est digne d’une limousine et l’équipement y est pléthorique. La sellerie cuir est cousue avec délicatesse, quelques éléments en carbone poussent aux quatre coins et, particularité de notre modèle d’essai, du cuir de crocodile ou de serpent recouvre le volant et l’accoudoir central. Etant d’un goût très particulier, cette combinaison n’est fort heureusement pas fournie en standard. Mais tous les caprices peuvent être entendus par Mansory à condition d’avoir un portefeuille bien garni. Pour le reste, le conducteur peut retrouver les compteurs AMG à jante chromée, l’écran GPS, la multitude de boutons rétro-éclairés, le système Hi-Fi haut de gamme accouplé à des écrans DVD à l’arrière. Seule l’étroitesse de la planche de bord typique de l’époque ou le bruit produit par la fermeture de la porte viennent trahir l’âge du tout-terrain.

Que le couple soit avec toi

Dès l’éveil de la mécanique, le Mansory Gronos impressionne, sinon terrifie : au premier tour de clé, le gros V8 5,5 l bi-turbo préparé les sorciers d’Affalterbach se vautre sur ses silent-blocs, faisant trembler la coque du 4×4 alors que la ligne en inox grogne. Le cataclysme produit laisse sans voix l’assistance alors que le conducteur se sent naître malgré lui un sourire d’une oreille à l’autre. En revanche, la banane prend une tout autre forme lorsqu’il s’agit de manœuvrer le mastodonte. Les jantes de 23 pouces, les voies élargies de 20 mm et la direction d’époque augmentent le rayon de braquage déjà aéronautique sur un G63 AMG de base. Fort heureusement, la position de conduite surélevée permet de jauger les distances à l’avant alors qu’une caméra permet de visualiser ce qu’il se passe derrière. Et lancer le Gronos n’arrange rien : en ligne droite, et ce malgré une assistance de la direction, le système à vis est d’une fainéantise sans nom. Le train avant lourd met pas moins d’une seconde à réagir après sollicitation du volant. Comprenez par là qu’il faut anticiper la courbe pour palier à ce temps de réponse sans fin, un peu comme sur un bateau. A cela s’ajoute un freinage complètement aléatoire et un centre de gravité haut perché qui vous oblige a revoir l’ensemble de vos notions physiques et temporelles. Grand Tourisme ? En quelque sorte. Sportif ? Non catégorique, à moins d’avoir des velléités kamikazes.

Déjà affolant en sortant de chez AMG, le Mercedes Classe G devient complètement délirant après un passage chez Mansory. Les nouveaux organes internes, les systèmes d’admission et d’échappement revus et la calibration du calculateur permettent au 5,5 l bi-turbo d’envoyer 840 ch et 1 000 Nm (couple bridé électroniquement) à la boite 7G-Tronic Plus ! A chaque accélération, le châssis échelle séparé et les deux ponts rigides jettent l’éponge bien avant l’intervention de l’ESP : ça se tord, ça tremble, ça hurle et, surtout, ça vous tasse violement dans le siège, pendant que la boîte devient dingue et que les Ultrac Vort 305/30 de chez Vredestein font office de fusibles. Du côté des chiffres, Mansory annonce un 0-100 km/h en 4,5 secondes et une vitesse de pointe parfaitement optimiste de 270 km/h. Il faudrait avoir les organes reproducteurs taillés dans le même métal que le V8 pour vouloir tenter de garder le cap du frigo roulant à cette vitesse.

A des allures plus raisonnables, comme celles dictées par le trafic monégasque, le Mansory Gronos est plutôt à l’aise. La boîte canalise l’écurie et grimpe les rapports avec douceur mais il arrive parfois qu’elle ne sache choisir le bon rapport. Mais compte tenu de la quantité de couple disponible en bas du compte-tours, le Gronos peut avancer sans mal, une fois les violents soubresauts passés.

Contrairement à ce que qu’indiquent les images, tout n’est pas si noir avec cet engin. Il y a un tout petit peu de vert : la bestiole pense aussi à l’environnement et/ou au budget carburant ! Mercedes lui a offert un Start & Stop et annonce des consommations en baisse de 13 % par rapport au Classe G55 AMG. C’en serait presque touchant, c’est surtout comique : l’ordinateur de bord affiche tranquillement une consommation moyenne de 25 l/100km.

Inutile donc indispensable

Dérivé de Cronos, roi des Titans aussi connu sous le nom de « l’Avaleur », le Gronos porte fièrement son patronyme : son look décalé, son caractère bien trempé et sa sonorité d’outre-tombe font dresser les poils sur les bras et, parallèlement, suffisent à satisfaire les boulimiques d’égocentrisme. Mansory pousse la folie du G63 AMG encore plus loin en osant mettre 840 ch sur un châssis vieux de trente ans, qui n’encaissait qu’une centaine de chevaux à l’origine. Son truc, c’est plutôt les autoroutes ou plus communément les rues des beaux quartiers du sud de la France, de Russie ou du Moyen-Orient plutôt que d’aller crapahuter entre les branches ou dans la boue jusqu’en haut des roues.

En définitive, si un Mercedes Classe G63 AMG n’est pas l’engin le plus utile au monde, le Mansory Gronos est complètement superfétatoire. Les 840 ch permettent de terroriser tout ce qui roule ainsi que les occupants dans un inconfort le plus total malgré les luxueuses petites attentions. La conduite est similaire à la navigation en eaux agitées, les escapades tout-terrain sont à oublier et son utilisation quotidienne est impensable. Mais ce Classe G dopé est tellement hors-normes et inutile qu’il en devient sympathique et pour tout dire indispensable. Il faudra en revanche s’alléger de quelques 750 000 € (un peu plus si vous voulez poser le postérieur sur du cuir d’autruche du Kenya) pour vous offrir un exemplaire…

+

Gueule effrayante

Moteur explosif

Sonorité dantesque

Complètement loufoque

Comportement pas vraiment rassurant

Consommations déraisonnables

Prix élitiste

Mansory Gronos
Moteur
Type et implantation V8 32 soupapes – biturbo
Cylindrée (cm3) 5461 cm3
Puissance (ch) à tr/min 840 ch
Couple (Nm) à tr/min 1000 Nm
Puissance fiscale (cv) 46 cv
Transmission
Roues motrices Intégrale
Boîte de vitesse Automatique à 7 rapports
Châssis
Freins Disques ventilés 375 mm (av) et 330 mm (ar)
Jantes et pneus 305/30 23
Performances
Vitesse maximale 270 km/h
0 à 100 km/h 4,5 s
Consommation
Cycle mixte 13,8 l/100 km (donnée Mercedes G63 AMG)
CO2 322 g/km (donnée Mercedes G63 AMG)
Dimensions
Longueur 4673 mm
Largeur 1 855 mm
Hauteur 1 938 mm
Empattement 2 850 mm
Voies AV / AR 1 501 mm
Volume de coffre 480 / 2 250 l
Réservoir 96 l
Poids en ordre de marche 2 550 kg donnée Mercedes G63 AMG)

La galerie photo de cet essai (crédit photos : Soufyane Benhammouda/Leblogauto) :

Galop d’essai : Mansory Gronos 1

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