Dire que Taxi apporta un bol d’air frais, c’est un euphémisme.
Mal parti
Selon les critères de la comédie française des années 90, Taxi aurait du être un flop.
Luc Besson était le réalisateur chéri des années 80-90. Ensuite, il a voulu être producteur. Il a d’abord produit ses propres films (Atlantis, Nikita…) puis il a voulu produire des « comédies populaires », allant de bide en bide (d’ailleurs, ces films ont mystérieusement disparu de sa fiche sur Imdb…) Pourquoi en aurait-il été différent avec Taxi ? D’autant qu’il a confié la réalisation à Gérard Pirès. Réalisateur de célèbres pubs TV des années 80 (la 205 GTI sur un lac gelé, c’était lui), cela faisait 10 ans qu’il n’avait plus touché une caméra. D’ailleurs, il a fini par se brouiller avec Besson et c’est Gérard Krawczyk (un « auteur » devenu yesman d’Europa Corp) qui acheva le boulot.
Côté acteurs, point de Reno-Clavier ou de Lindon-Timsit. Sami Naceri, Frédéric Diefenthal et Marion Cotillard sont de parfaits inconnus. A la limite, les cinéphiles connaissaient vaguement Naceri. Il est apparu dans Raï, premier et dernier film « normal » de Tabatha Cash, et dans Bouge, un « véhicule » pour l’éphémère popularité d’Ophélie Winter. Mais pas de quoi déplacer les foules.
En prime, Taxi donnait la part belle au rap français. Or, en 1998, c’était encore les années Hit machine. Trois ans après La haine, le rap se limitait à un public restreint. Un film familial avec une telle B.O., c’était un sacré pari.
Vent de fraicheur
Le scénario est typique des « buddy movies » US : le blanc-bec et la « minorité visible », que tout sépare. Soit Emilien, le jeune policier droit dans ses bottes et Daniel, le jeune chauffeur de taxi débrouillard. L’un est ultra-timide et coincé (donc gaffeur), l’autre a l’exubérance et la tchatche de la té-ci.
Ensemble, ils doivent coincer une bande de voleurs de voitures. Daniel, pris en grand excès de vitesse, collabore avec la police contre son gré : c’est ça ou perdre son permis. Le film enchaîne scènes d’action et gags. Les 86 minutes passent comme une lettre à la poste et le final est haletant.
Les voitures
La scène d’introduction est une véritable orgie de deux roues motorisés. Ensuite, les vraies stars, ce sont la Peugeot 406 (le fameux taxi) et les Mercedes 500 E.
Et bien sur, pas d’effets spéciaux ! Les courses-poursuites s’enchaînent et sont autant de prétexte pour froisser de la tôle… Comme à l’époque du spot 205 GTI, Michel Julienne assure les cascades. Parmi les cascadeurs, on trouve Philippe Alliot, Henri Pescarolo, Jean-Louis Schlesser (qui jouera son propre rôle dans Taxi 2.)
Notez par ailleurs que la ville de Marseille est un personnage à part entière du film.
Conclusion
Taxi est incontestablement dans le haut du panier du film de genre. Besson fait la synthèse entre le buddy-movie US (comme les premiers films d’Eddy Murphy), le polar franchouillard (les films de Bebel) et les BD de Franquin (notamment Les Pirates du Silence, avec ses voitures omniprésentes.)
A priori, Peugeot n’était pas impliqué. Ce fut pourtant une très belle pub pour la 406.
Hélas…
Le problème, c’est n’est pas Taxi en soi, ce sont ses suites. A priori, le film n’aurait pas dû en avoir. D’ailleurs, à l’époque, il n’y avait pas de tradition française de la « sequel ». Mais un film qui a fait 6 millions d’entrée, ça serait dommage de ne pas en profiter, non ? Besson fit tourner Taxi 2, jurant que c’était fini-fini, parce qu’il n’est pas un profiteur… Ce qui ne l’empêcha pas de faire un Taxi 3, un Taxi 4 et un remake US. Forcément, l’idée originale a perdu de son originalité. D’autant plus que les scénaristes étaient plutôt paresseux, se contentent de reprendre les mêmes gags d’un film à l’autre. Et plus question d’apparaitre gratuitement ! Besson devint adepte du placement-produit pour financer ses films. Et la discrétion n’était pas son fort…
Depuis Samy Naceri s’est surtout connaître pour ses frasques extra-cinématographiques. Fréderic Diefenthal a eu du mal à exister au-delà de Taxi. Quant à Marion Cotillard, elle a décroché un Oscar pour La vie en rose et un razzie pour sa mort dans Batman Rises.