Essai rétro Porsche 356 B 1963 : la légende de Jimmy

Aujourd’hui, Le Blog Auto essaye une Porsche. Et pas n’importe quelle Porsche : une 356, le premier modèle de la marque. Avant toute chose, une historique s’impose.Prologue

Quelle est la première Porsche ? Vaste question. On peut considérer que l’ancêtre des Porsche actuelles, c’est la Typ 64  » Berlin-Roma  » de 1939. Ferdinand Porsche voulait créer une version sportive de la Volkswagen mais le parti nazi ne jugeait pas l’idée intéressante. Pourtant une opportunité se présentait pour l’ingénieur. La course Rome-Berlin-Rome devait servir de vitrine des régimes nazi et fasciste et le parcours empruntait donc les autoroutes qui faisaient leur fierté. En vue des longues lignes droites, Porsche dotait sa voiture, la Typ 64, d’une carrosserie ultra-profilée et poussait son quatre cylindres à plat issu de la Volkswagen à 40ch, de quoi atteindre 180km/h. Une vitesse, dans l’absolu, exceptionnelle en 1939, a fortiori avec un petit moteur.

D’ordinaire, les projets de Porsche étaient soit financés par des constructeurs, soit vendus une fois achevés à des constructeurs. La typ 64 ne portait aucun logo. Porsche comptait-t-il faire badger sa création au dernier moment par un tiers ? Ou bien souhaitait-il pour la première fois se lancer sous ses propres couleurs ? On ne le saura pas puisqu’avec l’entrée en guerre, la Rome-Berlin-Rome était annulée et Ferdinand Porsche se consacrait à d’autres projets…

L’histoire reprenait à la fin des années 1940 à la sortie de la guerre. D’après la légende, Ferry Porsche ne trouvait pas de voiture qui lui plaisait dans la production de l’époque, et décidait alors de construire la sienne. La 356 N°1 reprend des traits de la Typ 64, mais c’est un roadster et surtout, son moteur est central. Porsche Jr décidait de faire le tour des concessionnaires avec son prototype. Le nom de « 356 » était choisi pour assurer la continuité avec les précédents projets du bureau d’ingénierie, signifiant que cette nouvelle voiture n’était pas la première d’un constructeur novice mais au contraire le nouveau projet d’une entreprise chevronnée. Une fois qu’il eut obtenu suffisamment de précommandes, il entamait la production et c’était le début d’une grande aventure, avec la 911 en embuscade…

Catastrophe évitée de justesse

Du moins, c’est ce que dit l’histoire officielle. En fait, la 356 a bien failli être l’un des 1001 projets mort-nés de l’immédiate après-guerre, et le nom de Porsche serait alors tombé dans l’oubli. En fait la clef de voûte de Porsche, la star, c’était toujours le patriarche, Ferdinand Porsche, et dans une moindre mesure, Anton Piëch, son gendre et avocat. Or, en 1947, les deux hommes étaient toujours en prison. Quant à Ferry, il n’avait été jusque-là guère plus que « le fils de Ferdinand Porsche » et avait tout à démontrer. Et on a connu plus d’un fils écrabouillé par une telle figure paternelle… Piëch sera libéré juste à temps pour pouvoir gérer la partie juridique de la création de l’entreprise.

Les premières 356 étaient assemblées dans une ancienne scierie, dans les Alpes autrichiennes, à Gmünd. Les matériaux manquaient et en prime l’unique ouvrier-carrossier était porté sur la bouteille, ce qui n’aidait pas la productivité… Le salon de Genève 1949 était choisi pour la première grande apparition publique de la 356. Pour avoir quelque chose à montrer, Porsche décidait de faire carrosser trois prototypes par Beutler (et une quatrième voiture -non-exposée- par Waibel. )

Une fois les voitures devenues réalité, restait la question de la commercialisation. Jusqu’ici, Porsche n’avait jamais vendu quoi que ce soit aux particuliers.  Il fallait donc bâtir un réseau, l’animer, développer l’export, etc. Car personne ne viendrait jamais jusqu’au fin fond des Alpes pour acheter une voiture !

Success story

La suite tient presque du compte de fée. Carlo Abarth est la première « bonne fée ». Cet Italo-autrichien d’origine juive et proche des communistes débarquait opportunément. Cisitalia faisait un chèque en blanc à Porsche pour la conception d’une monoplace, de quoi remplir les caisses du jeune constructeur. Arrivait ensuite Max Hoffman, un autre Juif. Importateur respecté de la côte Est des Etats-Unis, il est alors le premier à vendre des Porsche outre-Atlantique. John von Neumann est son homologue en Californie. Hoffman sait ce que ses clients veulent. Il a suffisamment de poids pour forcer les constructeurs à l’écouter. Von Neumann, lui, est bien introduit à Hollywood et parmi les pilotes amateurs de Californie. Le plus célèbre de ses clients sera James Dean.

Il faut bien comprendre qu’en 1949, la 356 « Gmünd » était une révolution. D’une part, c’est la première voiture de sport à moteur arrière. De plus, grâce à sa carrosserie en aluminium, très légère et très profilée, elle atteignait d’emblée 135km/h, de quoi surclasser des voitures plus grosses.

Accessoirement, Porsche était l’un des seuls (avec MG et Jaguar) à proposer du prêt-à-porter. Les autres constructeurs de voitures de sport ne fabriquaient que des châssis nus à faire carrosser ailleurs.

Justement, dans son petit atelier, Porsche ne pouvait fabriquer en série et après 46 exemplaires décidait de déménager à Zuffenhausen avec l’intention de disposer d’une petite usine. Elle sera établie en face de Reutter, chargé de carrosser (avec de l’acier), les voitures.

Porsche change alors de dimension, au propre comme au figuré.

Auguste Veuillet, fondateur de Sonauto, fait préparer des 356 pour les 24 heures du Mans 1951. Après bien des aventures, une voiture -pilotée par Veuillet lui-même- prenait le départ et gagnait directement sa catégorie. Très vite, la 356 s’imposait comme LA voiture de course de petite cylindrée. Lake Underwood décidait de courir avec au circuit de Watkins Glen, qu’il venait de fonder, de quoi assurer une belle promotion.

En 1953, Walter Glöcker, un concessionnaire allemand, débarquait avec des voitures très modifiées. Elles ouvriront la voie à la 550 Spyder et ses descendantes (RS, RS 60, RSK, 718…) A partir, de là, les 356 se retiraient des grandes compétitions. James Dean lui-même remplacera sa 356 par une 550.

La 356 se cantonnera par la suite à la route. Porsche était perfectionniste et la 356 évoluera en permanence dès les premières phases de sa carrière. Elle se muera en 356 A (1955), puis en 356 B (1959) et enfin 356 C (1963.) Le moteur, qui n’avait plus grand chose à voir avec celui de la Volkswagen, devenait un 1,3l, puis un 1,5l et un 2,0l. Et c’est sans compter les nombreuses variantes. La 356 incarne dès le départ la philosophie de l’ingéniérie à l’allemande : pas de gonflage tout azimut ; chaque évolution est testée en profondeur avant d’être mise sur le marché. C’est aussi cela qui crédibilisera le constructeur : on sait que c’est du solide.

La demande explosait rapidement. En 7 ans, il s’est vendu 7 627 « pré-A » (soit environ 1 000 voitures par an.) En 4 années de carrière, la 356 A s’écoulait à 21 045 unités (soit plus de 5 000 unités par an.) 30 963 exemplaires de la 356 B, également vendue durant 4 ans, ont trouvé preneur (soit plus de 7 500 unités par an.) La 356 C ne se vendit qu’à 16 678 exemplaires… Mais en 2 ans (soit 8 000 unités à chaque millésime.)

Epilogue

Au début des années 60, la scierie de Gmünd est loin. Porsche est un constructeur prospère, avec une usine qui tourne à plein régime et un réseau mondial. La 356 est le premier étage de la fusée. Le décollage est réussi et il est temps d’allumer le deuxième étage, la 911.

Là encore, la partie est loin d’être gagnée : le constructeur fait de la monoculture ; comment tourner la page ? Un produit trop moderne peut faire fuir les puristes. Mais un manque d’évolution enfermera le constructeur (ce sera d’ailleurs son problème au début des années 90.) Néanmoins, Porsche transformera l’essai…

Crédit images : Porsche

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Comme au cinéma

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