Ce que redoutaient Argentine et Indonésie devient désormais réalité : alors qu’à la mi-octobre, la Commission européenne laissait entendre qu’elle envisageait de taxer très sévèrement les producteurs argentins et indonésiens de biodiesel pour cause de dumping, l’Union européenne va dès mercredi mettre en œuvre des mesures de cet ordre pour une durée de cinq ans.
Le but est selon les termes officiels de « défendre l’industrie européenne du biodiesel contre les pratiques déloyales des producteurs argentins et indonésiens ».
Les pays membres de l’UE se sont ainsi mis mis d’accord pour appliquer des taxes anti-dumping d’environ 24,6% sur le biodiesel argentin et de 18,9% sur le biodiesel indonésien, se conformant aux préconisations de la Commission européenne établies au terme d’une enquête de 15 mois.
Le porte-parole du commissaire européen en charge du Commerce, Karel De Gucht, a tenu à préciser que si l’UE était certes ouverte aux exportations argentines et indonésiennes, ses membres ne devaient « pas rester les bras croisés et tolérer des distorsions concernant les matières premières ».
En retour, l’Argentine, premier producteur mondial de biodiesel a d’ores et déjà dénoncé une mesure absolument arbitraire, considérant qu’il s’agissait là avant tout d’une volonté protectionniste de l’UE. Toout en ajoutant que ces nouvelles taxes pourraient donner un coup fatal à son industrie déjà fort mal en point, Buenos Aires a également laissé entendre qu’elle porterait plainte devant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) dès l’entrée en vigueur des taxes anti-dumping.
En octobre dernier, le ministère argentin des Affaires étrangères avait quant à lui estimé que la motivation première de l’UE était de protéger son « industrie sur-dimensionnée et incapable d’affronter la concurrence ».
Le président de la Chambre argentine des biocarburants (CARBIO), Luis Zubizarreta, considère pour sa part que ces mesures porteront non seulement préjudice à l’industrie argentine – qu’il qualifie d’ « efficace et compétitive » et » dotée de prix attractifs » – mais que les consommateurs européens en subiront également le contre-coup, via la hausse du prix du diesel qui devrait en découler.
En octobre, la CARBIO avait déjà affirmé qu’une telle mesure serait « prohibitive pour les exportations (de biodiesel) et ferme(rait) les portes du marché européen à l’Argentine ». Ajoutant que selon elle, le projet envisagé par Bruxelles était basé « sur des arguments fallacieux et des calculs de rentabilité artificiels ».
En mai dernier, Bruxelles avait imposé des taxes provisoires de 6,8% à 10,6% sur les importations en provenance d’Argentine et de 0% à 9,6% en ce qui concerne celles d’Indonésie, affirmant que ces pays vendaient leur production en dessous du prix de revient. Mesures qui, selon la filière, avait eu pour conséquence de faire chuter les exportations argentines de 75% par rapport à 2012. En guise de réaction, l’Etat argentin avait saisi l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur le sujet.
Mais au final, le conflit qui impacte aujourd’hui la filière bio-diesel trouve son origine dans la décision prise par le gouvernement de Cristina Kirchner en vue de nationaliser sa filiale YPF-Argentine, contrôlée par l’espagnol Repsol. En guise de représailles, l’Espagne avait arrêté d’importer du biodiesel d’Argentine. Réduisant ainsi de manière drastique les débouchés des producteurs, la moitié de leur production étant exportée jusque là dans la péninsule ibérique. L’UE dans sa globalité représentant 90% des débouchés à l’exportation de cette filière.
Rappelons que l’Argentine est le premier producteur mondial de biodiesel, fabriqué à base d’huile de soja, avec une production de 2,5 millions de tonnes en 2012 (d’une valeur de 1,8 milliard de dollars), dont 1,6 à l’export. Arrivent en suivant l’Indonésie et la Malaisie, avec un biodiesel à base d’huile de palme.
Sources : AFP, Actu-environnement