Souvenirs, souvenirs: on met le turbo!

Attention, cette semaine, Souvenirs, souvenirs entre dans la turbo zone!Il y a quelque temps, nous avions balayé l’historique du turbo. Pour rappel, c’est l’œuvre d’un ingénieur Suisse, Alfred Büchi. Il a d’abord conçu le turbocompresseur pour des applications industrielles. A la fin de la première guerre mondiale, on teste des avions à moteur turbo. Puis, juste avant le second conflit, Saurer essaye des cars équipés de turbo-diesel. Homme discret, Büchi ne se mettra pas en avant. Ses travaux sont en « open source », voilà pourquoi on voit apparaitre des turbos sur des applications différentes.

Dans les années 50, Büchi lui-même part aux Etats-Unis. Il y travaille avec Freightliner. Hasard ou coïncidence, c’est aussi aux Etats-Unis qu’est proposée la première voiture à moteur turbo. En 1955, il est en effet possible d’équiper sa Chevrolet d’une suralimentation. En 1962, la Corvair Monza, également de Chevrolet, propose d’emblée un turbo. Curieusement, GM ne capitalisera pas sur cette avancée. D’ailleurs, il ne la nomme pas « Corvair Turbo ».

Le fondateur du « mythe » turbo, c’est BMW. Au début des années 70, la marque a de grandes ambitions. Il s’agit de dépoussiérer son image bourgeoise et un peu austère. La marque veut s’impliquer dans la course automobile. Problème: elle n’a pas encore de mécanique vraiment puissante. En greffant un turbo au 4 cylindres de la 2002, elle obtient une solution à moindre frais. Pour « vendre » son moteur, elle commence par le mettre dans un concept-car futuriste. Puis ce sera la 2002 Turbo, en 1972, avec son mot écrit à l’envers sur le bouclier (pour apparaître à l’endroit dans le rétroviseur de la voiture qui précède) Les écologistes allemands crient à la démarche machiste. Mais cette polémique n’est pas pour déplaire à BMW, qui devient LE spécialiste de la bombinette.

A la même époque, en endurance, Porsche joue au jeu du chat et de la souris avec les législateurs. La 917 est bannie car invincible. La marque de Zuffenhausen découvre que les règlements sur la suralimentation n’ont pas bougé depuis les années 50. La 917 est expédiée outre Atlantique, transformée en spider et équipée d’un monstrueux turbo. Mark Donohue se balade en CanAm. La voiture est exclue (au grand dam de ceux qui en avaient passé commande), mais c’est trop tard : dégoûtés, les concurrents fuient la CanAm, qui s’écroule. Pour Porsche l’essai est concluant et il retourne en Europe. Avec BMW et Ford, il monte un championnat « silhouette », le DRM. Leurs Groupe 5 sont affublées d’ailerons extravagants et surtout de moteurs turbos monstrueux.

En monoplace aussi, les textes sont obsolètes. Renault aurait construit un V6 turbo dans le seul but d’enthousiasmer Elf, son sponsor potentiel. Le pétrolier est séduit par l’idée. Au point où les Martini/Renault de F2 sont renommées « Elf/Renault ». Néanmoins, en 1977, en F1, les débuts de la Renault sont calamiteux. Jean-Pierre Jabouille aura besoin de trois saisons pour s’imposer enfin. Renault ne gagnera pas de titre. En revanche, il convaincra Ferrari, puis BMW et Honda de construire à leur tour des turbos. Sur cette grille de départ du Grand Prix de France 1983, on voit bien que les turbo monopolisent la première moitié de la grille. BMW fait tester ses blocs chez Alpina. Le compteur de banc de puissance est gradué jusqu’à 1200ch, mais l’aiguille est bloquée! Gerhard Berger dira qu’à Monaco les F1 patinent jusqu’en 3ème !

C’est Audi qui apportera le turbo dans les compétitions routières. Il fait parti des innovations de l’Audi Quattro. Lancia, Peugeot et Renault répliquent avec des voitures de rallye à moteur turbo. C’est l’ère des fameuses Groupe B. Audi veut percer commercialement aux USA. Pour la course de côte de Pikes Peak, la suralimentation permet de compenser la perte de puissance en altitude. Audi et Peugeot y sont invincibles.

Ainsi en moins de 10 ans, le turbo devient incontournable dans le sport auto.

Sur la route, l’arrivée du turbo est plus timide. Dans les années 80, une deuxième génération de GTI apparait. La bagarre fait rage entre les tenants de l’injection et ceux du turbo. Pour vendre sa Uno Turbo, Fiat va jusqu’à la comparer aux Ferrari F1 ! La vogue du turbo dépasse le simple cadre automobilistique. L’époque est aux jeunes cadres aux dents longues. Le turbo, c’est d’abord un côté agressif et imprévisible. Ce sont des voitures souvent munies de logos bien voyants. Autant de caractéristiques qui correspondent bien au tempérament fonceur et exubérant des golden boys. « Mettre le turbo » entre dans le langage courant. Fabergé commercialise une eau de Cologne « Turbo » et il y a bien sur la célèbre émission de M6.

Pour les constructeurs, c’est la porte ouverte aux délires et aux refléxions. La Porsche 959 ouvre la voie aux supercars. Les généralistes se penchent sur les berlines sportives. Puisqu’il y a des citadines sportives, pourquoi ne pas créer des berlines, voir des routières sportives?

Aux Etats-Unis, on est plus réservé. Les normes antipollution asphyxient les moteurs. Les constructeurs ont bazardé les V8, trop gourmands. Pour obtenir malgré tout un peu de puissance, ils accolent des turbos à leurs 4 cylindres. C’est un flop; on ne peut pas s’improviser expert en petites cylindrées. Les constructeurs se dépêchent de faire le pied de grue du congrès, qui doit assouplir ses lois. Les V8 réapparaissent, au détriment des 4 cylindres turbo. Pour les Américains, « turbo » restera synonyme de la Malaise Era avec ses « econobox » poussives.

Le déclin du turbo est rapide et brutal. On leur reproche le fameux temps de réponse, avec la puissance qui vient trop tard (d’où de nombreux accidents.) On les accuse d’avoir une durée de vie trop courte, voir carrément d’altérer la fiabilité du bloc.

Mais là encore, le désamour va au-delà des faits objectifs. D’innovation technique, le turbo est devenu une solution de facilité, sans noblesse. Au point où BMW, premier utilisateur du turbo, se vante de ne plus en utiliser (sur ses moteurs essence, s’entend.) Le turbo, c’est les années 80, la frime. On préfère l’efficacité discrète des culasses 16 soupapes. Mercedes et Jaguar ressortent le compresseur, une technologie désuète, donc plus chic.

Les atmos reviennent en F1 et en endurance. En rallye, en revanche, les 4×4 turbo restent les voitures à battre. Les constructeurs se plaignent qu’une 4×4 turbo de route est désormais invendable. D’où la réglementation WRC, qui permet d’homologuer une 2RM atmo. Seuls Mitsubishi et Subaru s’obstineront à produire des 4×4 turbo de route.

La planche de salue du turbo sera le diesel. La demande décolle avec la crise de 1973, mais les diesel restent des mécaniques au rendement très faible. Dés 1978, Peugeot greffe un turbo à la 604 SRDT, pour qu’elle respire mieux. Dans les années 80, VW se lance dans la course à la puissance: 85ch, 90ch, 110ch, 115ch… L’injection directe et la rampe commune permettent de gagner d’autres chevaux. A chaque nouveau modèle, la presse est médusée par les performances. Le constructeur clame que sa Golf GT TDI est une vraie sportive. Audi prend ensuite le relais, avec un V6 TDI, puis un V8 TDI.

Grâce au turbo, le différentiel de puissance devient fiable avec un moteur essence de cylindrée équivalente. L’économie de carburant en plus. Le diesel n’est plus réservé aux livreurs et aux VRP. Pour prouver qu’un turbo-diesel peut être fun, Audi commercialise une version diesel de son Cabriolet! C’est le début du « tout diesel » que l’on connait encore de nos jours.

Le turbo essence connaît une traversée du désert. Il n’est plus réservé qu’à quelques sportives radicales (Audi RS, Opel Speedster, etc.) Audi, encore lui, expérimente l’injection directe essence aux 24 heures du Mans. Les premiers blocs FSI de route sont peu puissants. En revanche, avec l’ajout d’un turbo à souffle continu, on obtient un petit moteur aussi puissant qu’un gros (mais plus économe.) Il n’y a plus de temps de réponse ou de fonctionnement on/off. A l’heure des bonus/malus et des normes Euro toujours plus contraignantes pour les diesels, le turbo essence effectue donc un retour. Un retour néanmoins discret; pas question de parler de turbo sur une placide familiale. Chez Renault, c’est un « TCe », chez Ford, un « Ecoboost », chez Opel, un SiDi, etc. Si ça se trouve, votre voiture possède un 4 cylindres turbo et vous n’étiez même pas au courant…

Et en 2014, on va même revoir des turbo en F1 !

Crédits photos: Citroën (photo 1 et photo de la galerie N°16), GM (photo 2 et photos de la galerie N°1, 2, 7 et 21), Renault (photo 3 et photos de la galerie N°9 et 10), Fiat (photo 5 et photos de la galerie N°8 et 18), Ford (photo 6 et photo de la galeie N°23), Toyota (photo 7), Audi (photo 8 et 9 et photo de la galerie N°12), BMW (photo de la galerie N°3), Porsche (photos de la galerie N°4, 5, 6 et 15), MG (photo de la galerie N°11), Volkswagen (photos de la galerie N°13 et 20), Chrysler (photo de la galerie N°14), Nissan (photo de la galerie N°17), Peugeot (photos de la galerie N°19 et 24) et Subaru (photo de la galerie N°22)

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