Souvenirs, souvenirs: les V6 français

La Renault Laguna Coupé V6 235 dCi est la dernière voiture française équipée d’un V6 et vendue dans l’hexagone. De la Citroën SM à aujourd’hui, les V6 tricolores, c’est une quarantaine d’années de hauts et de bas.Retracer l’histoire des V6 français, c’est évoquer le haut de gamme français contemporain. Donc un récit plein de déceptions et d’ambitions revues à la baisse.

Le milieu des années 50 est une période funeste pour les 6 cylindres, en France. En 1955, la Citroën 15cv-six H disparaît du tarif. Quant à Talbot-Lago, dernier survivant des marques prestigieuses, il décide de s’approvisionner chez BMW et Simca à partir de 1956. La très rare Facel 6 (1964), à moteur Austin-Healey, sera l’ultime française à 6 cylindres.

Les études de DS 6 cylindres et de « grosse Panhard » resteront sans lendemain. Néanmoins, Citroën n’oublie pas son projet. Lancia, longtemps spécialiste des cylindres en « V » est l’inventeur du V6 à 60°. Avec l’Aurelia, il popularisera cette architecture, moins encombrante qu’un 6 cylindres en ligne. Ferrari prendra le relais avec son fameux V6 Dino. C’est donc de l’autre côté des Alpes que la firme aux chevrons trouvera un V6. En tant que propriétaire de Maserati, il se fait dessiner un V6 inédit par Giulio Alfieri. Alfieri crée un V6 à 90° pour bénéficier de l’outillage des V8. Ce V6 2,7l apparaîtra en 1970, sous le capot de la SM.

Les Citroënistes rêveront d’une DS V6 ou d’une SM 5 portes. Ils devront se contenter de la DS23. Par contre, on retrouvera le V6 de la SM sur la Ligier JS2 (ci-dessous) et la Maserati Merak. Hélas, en 1974, Citroën est au bord du gouffre. Le constructeur revend Maserati et il stoppe le développement de la SM.

A la même époque, Peugeot et Renault se tournent autour. Ils fondent la Française de Mécanique, en 1969. Ils songent ensuite à de grosses cylindrées. Volvo entre dans la danse et le trio crée la Société Franco-Suédoise, en 1971. Ils préparent ensemble un V6, le fameux PRV (Peugeot-Renault-Volvo.) Leur mécanique a également une ouverture à 90°. S’agit-il d’une copie du V6 Maserati ? Ou bien est-ce dû à un projet mort-né de V8 ? Le plus probable, c’est sans doute les deux ! Un moteur copié, avec en point de mire, un V8.

La première voiture à en bénéficier est la Volvo 262. Les 504 coupé et cabriolet V6 suivent peu après.  Par une douce ironie de l’histoire, le PRV entre en scène en 1974, l’année même des malheurs de Citroën. Peugeot et Renault lancent leurs premières vraies grandes berlines de l’après-guerre: la 604 et la R30. Peugeot, en pleine forme, rachète Citroën. Les fans espèrent alors une CX V6…

La firme au losange est le dernier à se lancer, mais ce sera celui qui fera le plus de promotion de « son » V6. Depuis, il construit des V6 de F2 (atmos, puis turbo.) L’A310 V6 (1976) permet de faire le lien entre la route et la compétition. L’année suivante, c’est les débuts de la F1 à moteur V6 turbo. Puis, en 1978, l’Alpine A442 gagne les 24 heures du Mans. Après des débuts chaotiques, le V6 turbo triomphe en F1. Ligier, Tyrell et Lotus l’achètent. Quant au V6 « civil », ce même Lotus l’utilise pour la DeLorean DMC 12. En matière de sport, Peugeot n’est pas en reste. La 504 coupé V6 sera l’occasion de muscler son équipe de rallye. Même si Jean Todt n’en est encore que copilote… Aux 24 heures du Mans, Michel Meunier et Gérard Welter, deux employés de Peugeot, se lancent en 1976 sous le nom de WM. En 1988, une WM à moteur V6 dépassera les 400km/h dans les Hunaudières.

En quelques années, Peugeot et Renault ont détrôné Citroën comme spécialistes du haut de gamme. La R25, qui a remplacé la R30, est LA voiture du PDG français! Peugeot réplique en 1989 avec la 605, qui envisage carrément de barrer la route aux allemandes. Quant à la futuriste XM, elle est la première Citroën V6 depuis la SM. Volvo préfère communiquer sur les 740 (4 cylindres) que sur les 760 et 780, y compris aux Etats-Unis.

Dans les années 80, le V6 est vu comme une mécanique à la pointe de la modernité. Puissant, fiable et très modulable, le PRV est l’une des mécaniques de référence. Lancia, « l’inventeur » du V6, s’offre le PRV pour la Thema. Le VR6 de Volkswagen aurait été « inspiré » par le PRV. En F1, Ferrari et TAG-McLaren s’imposent avec des V6 Turbo calqués sur celui de Renault.

Le passage aux années 90 est plus compliqué. Les 605, XM et Safrane devaient conquérir des parts de marché. En fait, elles se vendent beaucoup moins bien que les modèles qu’elles remplacent. Après des années de fiançailles, Renault et Volvo se séparent. Le constructeur suédois travaille sur un 5 cylindres. Le nouveau moteur, le PSA ES/Renault L, est donc une coproduction franco-française. Il a enfin un angle de 60°. Ce V6 apparait en 1997, sur la 406 Coupé, puis sur la 607. Alpine n’y a pas droit et l’A610 disparaît avec le V6 PRV, en 1996. Une page se tourne. C’est l’époque où les berlines du segment « C » montent en puissance (au propre comme au figuré.) D’où des 406, Xantia et Laguna V6.

Pour le fun, Renault Sport crée la Clio V6. Lotus travaille sur sa deuxième mouture. L’idée étant d’utiliser le V6 dans son projet de remplaçante de l’Esprit…

Le nouveau bloc ne vivra pas aussi longtemps que le PRV. PSA et Renault lorgnent désormais sur l’international et c’est avec des étrangers qu’ils veulent travailler. D’autant plus que leurs seuls volumes de V6 sont insuffisants pour justifier le développement d’un moteur.

Renault passe une « alliance » avec Nissan. En retour, il utilise son bloc VQ. Il apparaît dans la Vel Satis (2001), puis sur l’Espace (2003.) Les fans se consolent en se disant que c’est aussi le moteur de la 350Z. Cet accord a des conséquences sportives : Formule Renault et Open Nissan fusionnent au sein des World Series by Renault. La FR 3.5 prend le relais de la Nissan V6 et de l’éphémère FR V6.

PSA se rapproche de Ford pour construire des diesels, dont un V6. L’AJ-D V6/DT V6 (alias HDI V6) est produit par Ford, à Dagenham. Néanmoins, mis à part quelques SUV Territory, il sera pas monté sur des Ford; seuls Jaguar et Land Rover (qui font alors partie de l’ovale bleu) en bénéficieront. Le concept-car Jaguar R-D6 est la première voiture équipée de ce V6 diesel (et c’est aussi la première Jaguar diesel.) Chez PSA, on le retrouve naturellement sur les 407, 607, C5 et C6.

Les Français pensent avoir mangé leur pain noir dans les années 90. Malheureusement, les choses ne feront qu’empirer. Les Allemands ont une politique d’innovation très agressive. Les ventes de grandes berlines et de grands monospaces deviennent confidentielles. Comme Ford ou Opel avant eux, Peugeot et Renault fusionnent leurs « C » et leurs « D ». Les 508 et Latitude deviennent de facto des hauts de gamme. Mais le bonus/malus s’avère destructeur pour le « C », qui survit uniquement grâce aux flottes professionnelles.

Il y a bien longtemps que le nombre de V6 essence vendus se compte avec les doigts de la main. Maintenant, même les V6 diesel sont chahutés. PSA préfère abandonner le V6 HDI, d’autant qu’il est aujourd’hui plus ou moins lié à GM.

Des Renault équipées de V6 essence, il y en a pourtant. En course, il y a bien sûr les Megane Cup et FR 3.5. Le concept-car Alpine A110-50 (une Megane Cup recarrossée) possède également un V6. Enfin, il existe des Latitude V6 et Talisman V6, mais elles ne sont pas vendues en France…

Crédits photos: Renault (photos en une, 4, 6 et 7; photos de la galerie N°4, 5, 8, 9, 11, 16, 21, 24, 26 et 27), Citroën (photo 2; photos de la galerie N°1, 14, 25 et 28), Volvo (photo 3; photos de la galerie N°2 et 12), Jaguar (photo 5), Peugeot (photos de la galerie N°3, 7, 10, 19, 20 et 22), DeLorean (photo de la galerie N°6), Lancia (photo de la galerie N°13), Venturi (photos de la galerie N°15, 17 et 18) et Renault Sport (photos de la galerie N°23 et 29)

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