Souvenirs, souvenirs: Formule 1

Il est bien sur impossible de résumer 62 ans de F1 en 30 images et un quelques lignes. Il y aura d’autres galeries de F1 à l’avenir, pour mettre en valeur les hommes et les voitures injustement oubliées aujourd’hui.

Un angle rarement évoqué, c’est la politique. On a l’impression qu’aujourd’hui, avec la pression des sponsors, des médias et d’une certaine écurie en « F », l’aspect sportif devient presque secondaire en F1.

En fait, sport automobile et négociations d’arrières-boutiques sont consubstantiels.

En 1894, Le petit journal organise le Paris-Rouen, toute première course automobile de l’histoire. Le marquis de Dion s’impose, mais on le déclasse, au motif que sa voiture ne répond pas aux « critères esthétiques ». De Dion, furieux, s’en va fonder l’Automobile Club de France. La première décision de l’ACF est d’organiser une course, le Paris-Deauville.

En 1899, James Gordon-Bennett songe à une espèce de coupe du monde du sport automobile. Chaque pays est représenté par 2 voitures. Le pays vainqueur accueille l’épreuve l’année suivante.

En 1905, la France remporte la Coupe Gordon-Bennett pour la deuxième année consécutive. L’industrie automobile française domine le monde et les candidats pour fournir les 2 voitures de 1906 se bousculent. L’ACF décide de créer une épreuve sans limite de voitures par pays. C’est le Grand Prix [de France]. C’est la fin de la Coupe Gordon-Bennett et l’ACF agit en toute impunité: le promoteur de la Coup, c’est lui! Ainsi, le dindon de la farce, c’est James Gordon-Bennett.

La formule du Grand Prix plait et elle est d’emblée copiée en Italie, en Grande-Bretagne et en Allemagne. L’AIACR (une émanation de l’ACF) essaye de créer une réglementation commune et un calendrier cohérent. L’AIACR a une vocation universelle, mais les Etats-Unis ont l’AAA. Les relations entre AIACR et AAA alternent des phases d’amitiés et de rivalités.

Dans les années 30, les régimes fascistes veulent montrer qu’ils sont les plus forts. Ils mettent sur pied des compétitions internationales. Ainsi, en 1931, à l’initiative des Italiens, puis des Allemands, l’AIACR crée un championnat d’Europe des Grands Prix. Sans surprise, les Italiens, puis les Allemands s’imposent dans ce championnat sur mesure.

Néanmoins chaque Grand Prix continue de faire sa loi. Ainsi, en 1936, l’ACF décide que le Grand Prix de France se courra en « sport » (où seuls les constructeurs français sont présents.)

En 1946, l’AIACR et l’AAA se rencontrent. Faute d’argent et de temps, les courses reprendront avec des machines d’avant-guerre. Mais lesquelles? L’AIACR veut pousser les Alfa et Maserati à moteur 1,5l à compresseur. L’AAA pense plutôt aux roadsters à moteur Offenhauser 3,0l à compresseur.

Donc, chacun édite un règlement bâti pour ses chouchous. L’AIACR devient FIA. En 1950, Alfa Romeo force l’organisateur à créer le Championnat du monde des conducteurs, ancêtre de la F1. Enzo Ferrari boycotte le premier Grand Prix et il laisse les Alfa courir entre elles. En 1952, la FIA veut mélanger F1 et F2. Tous les constructeurs partent, sauf Ferrari, qui obtient ainsi un nouveau statut.

Dans les années 60, les écuries anglaises se multiplient et elles ont donc d’autant plus de poids auprès de la FISA (division sportive de la FIA.) Jugeant les F1 1,5l trop petites, elles font du lobbying pour le retour au 3l, en 1966. En 1968, comme les pneus coutent de plus en plus cher, elles organisent un nouveau lobbying pour autoriser les sponsors extra-sportifs sur les carrosserie.

La FISA a alors tendance a écouter celui (ou ceux) qui crient le plus fort. Puis arrive Jean-Marie Balestre. Homme à poigne, ils impose ses vues. A la même époque, Max Mosley et Bernie Ecclestone s’autoproclament meneurs des écuries anglaises et créent la FOCA.

Les Anglais sont partisans de l’effet de sol et d’une médiatisation à outrance de la F1. Les « continentaux » apprécient plutôt les turbo et se montrent légalistes vis-à-vis de la FISA de Balestre. Le clash est inévitable. La FOCA monte la « World Federation of Motorsport » et annonce son propre calendrier pour 1981. Néanmoins, très vite, FISA et FOCA se rendent compte qu’ils se tiennent mutuellement: aucun des deux n’a assez de concurrents pour organiser son propre championnat. La paix est signée en 1981, avec les Accords Concorde (car signés au siège de l’ACF, place de la Concorde.) Néanmoins, Ecclestone a négocié un siège de bras droit de Balestre. Il s’impose comme intermédiaire vis-à-vis des écuries, des circuits et des TV.

On pense que FIA/FISA et FOCA ont fait la paix. A la surprise en générale, en 1991, Mosley se présente aux élections de la présidence de la FIA… Et il gagne. Le tandem Mosley-Ecclestone cadenasse la F1.

L’époque est à la multiplication des petites écuries, au financement plus ou moins louche. Fin 1996, Ecclestone s’en prend à elles: augmentation de la caution pour s’inscrire au championnat, numerus clausus et minima de qualifications. Ca tombe bien, car les constructeurs débarquent en F1. Bientôt, quasiment chaque écurie dispose d’un moteur client.

Avec la montée en puissance du pay-per-view, les droits TV flambent. Mosley signe un contrat léonin à FOCA TV, qui vend ses droits à Leo Kirsch. Mais la formule fait un flop et le magnat allemand est ruiné. Du coup, les droits de la F1 vont aux créanciers de Kirsch, des banques. C’est inacceptable pour les constructeurs. Ils s’unissent une première fois au début des années 2000 et menacent à leur tour de créer un championnat parallèle. Ecclestone commence par déposer tous les noms potentiellement utilisables (GP1, Premier Formula, etc.) Puis il joue la montre: un à un, les constructeurs se retirent de la F1 et l’association perd de la puissance.

On pense la tandem Mosley-Ecclestone indestructible, tant ils sont complémentaires. Pourtant, en 2008, Mosley est éclaboussé par une affaire de mœurs. Les constructeurs veulent le départ du président. Ceux qui peuvent le destituer, ce sont les automobiles club. Ecclestone fait la tournée des automobiles-clubs du Moyen-orient, ainsi Mosley obtient un vote de confiance. En échange, il démissionne en 2009 et place Jean Todt (qui a la confiance de ces automobiles-clubs) pour le succéder. Ari Vatanen est poussé par les écuries pour être candidat à la présidence. Néanmoins, Todt est élu sans problème.

En 2008-2009, Honda, Toyota et BMW abandonnent la F1. Il y a un vrai risque de réduction du plateau. Du coup, Ecclestone redécouvre les vertus des petites équipes! Un premier appel d’offres pour un nouvelle équipe est lancé. Prodrive s’impose, mais il renonce peu après. Un deuxième appel d’offres, pour trois équipes cette fois, est ouvert. Lotus Racing, Manor et HRT le remportent.

Aujourd’hui, le gros dossier concerne le passage aux V6 hybrides et le plafonnement des budgets. Les écuries se sont de nouveau réunies, sous la bannière de la FOTA. Au plus fort de la guerre FIA-FOTA, Ferrari menace de quitter la F1. Depuis, plusieurs écuries sont sorties de l’association. Côté FIA, de toute façon, depuis la quasi-faillite du motoriste PURE, le projet de V6 hybride semble repoussé sine die.

Crédits photos: Ferrari (photo en une et photos 27 et 29), Fiat (photos 1, 3 et 10), Mercedes (photos 2, 21 et 23), Pirelli (photo 4), Lotus (photos 5 et 10), Honda (photos 6 et 16), Ford (photos 7, 8, 9, 13, 15 et 20), Renault (photos 12, 18, 19, 24 et 28), BMW (photos 14 et 22), Lamborghini (photo 17), Red Bull (photos 25 et 26) et McLaren (photo 30.)

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