Il y a une dizaine de jours, nous vous présentions la Hacker de 999Motorsports. L’importateur se vantait de son rapport poids/puissance: 130ch pour 750kg. Dans les années 70, Lotus faisait encore plus fort: 130ch pour 710kg! Et en plus, vous pouviez l’immatriculer et rouler sur route avec!
La période 1965-1975 représente l’apogée de Lotus.
En F1, le constructeur domine et il s’offre même le luxe de doubler brièvement Ferrari, en terme de palmarès. A Indianapolis, ils s’imposent une seule fois, mais après eux, toutes les formule Indy auront un moteur central arrière.
Sur la route, il devient un vrai constructeur. Les succès sportifs lui apportent une certaine notoriété; de quoi émerger parmi les 1001 artisans d’outre-manche.
Terminée, l’époque où chaque client se déplaçait à Cheshunt et définissait les paramètres de sa voiture avec le père Chapman, autour d’une pinte! Désormais, Lotus possède un réseau de concessionnaire et il exporte sur le continent!
Après l’Elite et l’Elan, Colin Chapman veut un petit coupé sportif à moteur central arrière.
Le maitre-mot, c’est l’efficacité: poids minimal et masses concentrées entre les deux essieux. D’où un châssis-poutre sur lequel est monté une carrosserie en fibre de verre (heureusement, on a échappé au tout-plastique comme sur la fragile Elite.)
L’Europe apparait en 1967 et elle est exclusivement vendues à l’export (afin de ne pas cannibaliser les ventes d’Elan sur l’ile.) Les premiers modèles sont aussi radicaux avec sièges et vitres fixes.
Face aux deux best-sellers de Lotus (Elan et Seven), l’Europe/Europa passe presque inaperçue. L’Elan est la voiture d’Emma Peel; la Seven, celle de Numéro 6. Peut-être que si l’Europa avait été la monture d’un personnage de série TV…
En théorie, l’historique est simple. Chapman craint d’être trop dépendant de Ford (qui fournit aussi son rival Lola.) Du coup, il se tourne vers Renault. Ainsi, l’Europe sort en 1967 avec un 1600 de R16.
L’Europa de 1970 serait une version « 2.0 », plus civilisée, avec le 1600 double-arbre des Cortina Lotus et Elan.
Puis c’est l’Europa Special, en 1973, avec un moteur poussé à 130ch et une boite 5.
Néanmoins, il existerait une Europe pour le seul marché Britannique équipée d’un 1600 Ford simple-arbre.
Par ailleurs, beaucoup d’exemplaires sont modifiés a posteriori. Ainsi, l’exemplaire du jour est une Europa de 1970 prévue pour le marché US (dite « Federal »), mais reconditionnée et avec un moteur poussé à 130ch (mais toujours en boite 4.)
Microcosmos
L’Europe/Europa, c’est un profil extrêmement élancé. Elle affiche un cx de 0,29. Eh oui, avec trois francs six sous, en 1967, Colin Chapman et John Fraying firent aussi bien que l’armée d’ingénieurs de Nissan pour la Leaf!
Elle me rappelle les Eleven/15 (mais avec un toit et en plus carré): une voiture au ras-du-sol avec des ailes avant proéminentes, un capot arrière quasiment au niveau du pare-brise et un porte-à-faux arrière réduit.
Notez que celle-ci possède des catadioptres latéraux, version Federal oblige.
S’il fallait résumer la ligne de l’Europe/Europa en un chiffre, ce serait 1,07m. C’est sa hauteur.
J’ai fait poser le propriétaire à côté, juste pour que vous avez une idée de ce que cela représente. Et il peut en témoigner: son Europe passe sous les barrières de péages!
Pour autant, l’Europe/Europa est bien proportionné, car tout est à l’échelle.
Par exemple, côté pneus, elle dispose de roulettes de 185/70 (les Europe sont en 155/70!)
Being light
A l’arrière, vous trouvez donc le 1600 Lotus-Ford.
L’espèce de bac à linge est un coffre d’appoint. Pour des raisons évidentes, mieux vaut éviter d’y mettre des surgelés…
Si vous n’aimez pas ce coffre, pas de souci: il s’enlève en un tournemain!
Un gros plan sur les deux carbus Stromberg. Certaines voitures sont équipées de Dell’orto.
L’Europe se contentait d’une bombonne de 35l, en guise de réservoir. Ce qui était un peu juste. Face aux protestations de clients, Lotus y a rajouté un deuxième réservoir.
La consommation serait autour de 8-10l aux 100km.
A l’avant, un autre mini-coffre, la radiateur et une roue de secours.
Vive le sport!
S’insérer dans l’habitacle est un morceau de bravoure: imaginez un kart avec un toit!
C’est bas, mais il y a de la place. Notez la séparation centrale, qui correspond à la poutre du châssis.
La planche de bord témoigne des origines artisanales du constructeur. Face aux protestations des clients concernant, ils y ont intégré à la va-vite des vitres électriques et une ventilation.
Côté position de conduite, on se croirait dans une monoplace: vous avez les talons au niveau des fesses et vos jambes sont dans une espèce de boite à ciseaux. Les pédales sont très rapproché (ils ont pensé au talon-pointe.)
Le volant est assez gros, mais avec une jante trop fine.
La boite est issu de la R16 (un héritage de l’Europe.) Le petit levier est un autre témoignage de l’esprit compet’.
La grille est très particulière: la 1 est en face, la 2 est à sa place, la 3 est sur la droite, au fond et la 4 est quasiment en face de la 1! En résumé, c’est comme si vous passiez la 3, la 2, la 5, puis la 4!
Cette voiture possède des ceintures de sécurité d’époque et elles ont un rôle avant tout symbolique. Eh oui, c’est la sécurité version 1970…
Au démarrage, le moteur fait un très beau bruit. Ca change des dCi!
En ville, les SUV manquent de vous rouler dessus et sur les dos d’âne, le plancher frôle le bitume.
Par contre, elle attire les regards et elle a un gros succès auprès des jeunes filles!
Son terrain de jeu préféré, c’est les petites routes. Tout concours à en faire une excellente attaquante: position de conduite idéale, direction très précise (et très directe) et des rapports qui s’enchainent bien (dés qu’on a imprimé le mode d’emploi de la boite.) C’est un vrai régal et elle en redemande toujours plus.
Dans le « moins bien », il y a les suspensions dignes d’un kart et surtout les freins inexistants (alors qu’ils n’ont que 730kg à ralentir.)
Une autoroute? Aucun souci d’insertion dans le trafic: elle abat le 0-100km/h en 7,2 secondes! On se retrouve vite en 4, néanmoins elle se reprend sans problème. A vitesses « pas du tout raisonnable », le 1600 fait des vocalises, ça sent l’essence et surtout, il commence à faire chaud dans l’habitacle!
Conclusion
Une monoplace avec un deuxième baquet, un toit et une plaque d’immatriculation: voilà un résumé de l’Europa.
Le « light is right » prend tout son sens et c’est une belle claque face à toutes les citadines soi-disant sportives…
Son propriétaire l’utilise au quotidien depuis 5 ans. Personnellement, j’y verrai plutôt une deuxième voiture; un joujou pour se défouler sur circuit ou lors d’un rallye.
Les Lotus, c’est avant tout un esprit « chaps ». Chaque propriétaire fait parti d’une grande famille et à la fin de la journée, on refait le monde au pub…
L’autre bon point, c’est qu’elle est relativement facile à vivre. Le moteur est linéaire et les réactions sont saines. Après, faut se rappeler que le moteur est à l’arrière…
Et si vous en vouliez une?
Une Europa en excellent état ne vaut pas plus de 20 000€. L’Europe/Europa est née avant la période « biodégradable ».
Comme toute Anglaise, toutes les pièces se trouvent (d’autant plus que nombre d’éléments sont repris de la grande série.) Mais pour la mécanique, il faut passer par un spécialiste.
De par son côté artisanal, nombre d’exemplaires ont été modifiés et la notion « d’état d’origine » est toute relative. Ensuite, évidemment, comme avec toute sportive, il faut faire attention aux voitures accidentées et bricolées ensuite…
Un grand merci à Pierre S. pour son accueil, sa gentillesse et le prêt de sa voiture (décidé la veille de l’essai!)
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