C’est en voyant une GT-R garée aux côtés d’un Juke qu’ils auraient eu l’idée… Heureusement que le collègue en Pixo ce jour là s’est trouvé une place plus loin, la tâche aurait été sinon un peu plus ardue. En même temps, marier l’atypique SUV compact à la supersportive maison n’apparaissait pas comme une idée moins saugrenue. Mais quelle mouche les a piqués chez Nissan à Cranfield pour réaliser ce projet fou ? Au final, bien leur en a pris, car nous autres on se régale…
Sous les projecteurs du hall du NTC-E, tout beau, tout propre, cet espèce de dinosaure aux faux airs de Casimir détonnait déjà par son allure. Mais le voir sous le soleil, en pleine rue aux côtés de supercars comme une Ferrari 458, une Lamborghini LP560-4 et une SLS, très franchement on a envie de rigoler. Toutefois, hilare on ne le resta pas très longtemps. En effet, nous allions en prendre les rênes. Un seul mot d’ordre, bêtise interdite sous peine de froisser de la tôle… et l’égo ! Nissan nous avait prévenus, ils se servaient ce jour là de leurs deux Juke-R pour tourner une vidéo promotionnelle, il ne fallait donc pas se rendre responsable de la destruction des véhicules.
On se remémore alors les données techniques du monstre. Rien de plus simple, il suffit de regarder celles de la GT-R de 1ère génération, à quelques unités près. Un V6 suralimenté de 480 chevaux environ, un 0 à 100 km/h oublié en moins de 4 secondes, une vitesse maxi de plus de 250 km/h… Le premier réflexe: essayer de chercher un élément de comparaison dans le segment. Il n’y en a pas, et même en regardant du côté des énormes ML 63 AMG, Cayenne Turbo, BMW X6 M et consorts, la mesure parait difficile à tenir. Le moment se veut donc rare, on s’apprête à cravacher un alien aux performances démoniaques.
Histoire de se mettre encore plus dans l’ambiance, un passage par le vestiaire est obligatoire. Il faut se casquer, au cas où… Une tenue d’homme grenouille aurait été plus appropriée en cas de chute dans l’eau, vu le tracé qui court le long de la marina ou se serrent les yachts de luxe. Du coup, on se prend rapidement pour ce qu’on n’est pas : un pilote. Ce sentiment se voit renforcé en montant dans la voiture, car on ne met pas la ceinture dans ce Juke-R, on s’harnache ! Plus précisément, ils s’y mettent à deux pour s’assurer que je ne respire plus. Très excité, mais aussi un peu sous pression, on attend le feu vert. Un dernier rappel des consignes, et c’est parti !
A peine lancé, deux choses retiennent immédiatement notre attention. La première, la position de conduite tout à fait inhabituelle malgré l’ambiance compétition distillée par l’arceau visible et les harnais. En hauteur, on appréhende assez facilement les dimensions de ce bébé pas comme les autres et par conséquent la piste, malgré un montant A pénalisant pour la vision. Le second élément qui interpelle par rapport à une GT-R : le bruit. Mettez cette dernière à côté du Juke-R, et le coupé paraitra timide comparé à l’échappement démonstratif du SUV. Ce ronflement participe grandement d’ailleurs au plaisir de la conduite du Juke.
La première boucle se fait à allure modérée, pour saisir les subtilités de la voiture et aussi de ce tracé parfaitement inadéquat, revêtu essentiellement de pavés glissants où normalement déambulent des piétons à la recherche de la quiétude du rivage. Pas de drapeaux jaunes à l’horizon… dès la seconde entame on force l’allure. Evidemment c’est la claque, on enfonce la pédale de droite, et il s’arrache avec fougue. Une sensation sensiblement identique à celle de la GT-R, on s’en doutait, mais avec des mouvements de caisse plus marqués malgré les liaisons au sol adaptées du coupé. Les instructeurs ne nous ont pas mentis, la poussière rend le terrain légèrement glissant et les premiers freinages appuyés rappellent… l’excellent calibrage de l’ABS.
Pour le reste on s’amuse ! Le Juke passe son temps à s’appuyer et tressauter sur ses appuis, sans pour autant faillir en tenue de route. Les baquets de course et les harnais ne sont pas superflus, car avec la sellerie de base du catalogue, on serait déjà passé du siège de gauche à celui de droite au premier virage. Indéniablement, la facilité de conduite (électronique aidant) pousse à en faire toujours plus, tenir l’accélérateur plus longtemps, freiner encore plus fort et plus tard, élargir ses trajectoires. Et puis, on se dit qu’on passerait peut-être même bien la 4ème au bout de la courte ligne droite. Surprise: ce Juke-R se débrouille assez bien sur un tracé aussi étriqué que celui-ci. Il s’extirpe des virages à 90° comme un avion, freine bien droit et permet une inscription assez précise dans ces petites courbes. A vrai dire, je ne suis absolument pas convaincu qu’une GT-R à l’empattement plus long s’en sortirait mieux sur ce mini-circuit. Malheureusement pour nous, le temps mis à disposition touchait déjà à sa fin. Tant mieux, les murs commençaient à se rapprocher dangereusement lors du dernier passage…
L’expérience ne se terminait pas là. Nissan n’a pas de complexe, et c’est avec le même esprit décalé qu’ils ont eu pour la création du Juke-R, qu’ils décidèrent de le faire courir contre 3 supercars. Et pourquoi pas ? Après tout, ses performances n’ont pas à rougir face à ses adversaires du jour qu’étaient les Mercedes SLS, Ferrari 458 et Lamborghini LP560-4. Suite à un tirage au sort, il se trouve que nous allions participer à cette course, mais cette fois-ci dans le baquet de droite. Le constructeur estimait en effet que malgré mes bons temps à la Playstation, il serait plus judicieux de laisser Lucas Ordonez au volant. Déjà parce qu’il met tout le monde d’accord à la console, mais aussi parce qu’en sortant de la Nissan GT Academy, il a obtenu avec ses équipiers le titre ILMC en LMP2 l’an passé. Avec un tel pedigree, je me suis incliné sans rechigner.
Encore sous le choc de mes tours au volant du Juke-R, je ne savais pas ce qui m’attendait en tant que passager de Lucas Ordonez. Une fois bien attaché à mon siège, l’Espagnol met tous les paramètres électroniques sur « Race ».Dès le départ, je me rends compte de l’écart qui sépare son pilotage… de ma conduite. Etrangement, les palmiers et autres murets qui bordaient le tracé m’apparaissaient plus petits, et moins près quand j’étais derrière le cerceau. L’homme en jouant des dérives et des freinages en travers, arrivait sans difficulté à faire danser les quelques 1 800 kg de l’animal, avec une facilité déconcertante.
Heureusement, pour minimiser l’humiliation, il n’y avait pas de chronos à comparer avec le sien. En une seule occasion, lors de la seconde boucle, nous avons cru sentir le nez de la Gallardo se rapprocher, à cause d’une sortie d’épingle (pardon Lucas) que l’on pouvait qualifier de ratée. Quand bien même les supercars derrière se seraient montrées plus véloces, le tracé et le pilotage d’Ordonez ne leurs laissaient de toutes façons pas l’ombre d’une chance. Il faut dire qu’une touchette aurait fait désordre entre un modèle construit à deux exemplaires et des supercars à 200 000€ pièce environ. Question sensations, on en a pris plein les yeux, les oreilles, et les vertèbres… Qu’il est agréable de se faire bousculer dans un shaker pareil, secoué par un barman de ce calibre. Ca relève du sadomasochisme, toutefois on se serait bien vu jouer les copilotes pendant longtemps encore. On ne s’attendait pas à ce que tous ces pilotes prennent des risques inconsidérés pour prouver la valeur de leurs machines dans cette course, destinée à faire la promotion du Juke-R et par élargissement de Nissan. Il n’empêche qu’ils ne se sont pas ménagés pour donner du spectacle, mais aussi pour ne jamais se laisser décrocher.
http://www.youtube.com/watch?v=3ZbffdYDpKgMême s’il n’y a pas vraiment d’enseignements à tirer de cette course, cela a suffit pour démontrer la qualité de la greffe réussie des organes de GT-R dans ce SUV pas comme les autres. On regrette d’ailleurs que le Juke-R n’ait pas d’avenir commercial. Que les aficionados de cette déclinaison démoniaque se rassurent, un Juke préparé dans les ateliers de Nismo pourrait faire son apparition prochainement.