La plupart des « conducteurs du jour » sont des voitures des années 70 et 80. Jusqu’ici, la doyenne était une Facel-Vega. Désormais, elle est battue par cette Traction. Et pas n’importe quelle Traction, vu qu’il s’agit d’une 15cv-six H (1954-1955), dernier avatar de la lignée. Personnellement, je ne suis pas très Citroën, mais là, impossible de résister… Comme d’habitude, cette voiture fut surprise non pas dans un musée, chez un concessionnaire ou dans une concentration, mais bien en pleine rue. La plaque nous indiquait d’aller qu’elle n’était pas chez elle et on ne peut qu’applaudir le propriétaire qui ose se déplacer avec un tel véhicule de collection.
La Traction est apparue en 1934. André Citroën, client régulier des casinos, a tenté un « all-in ». Le développement de cette voiture a pompé les fonds de la marque, d’autant plus que les clients ont eu vent du nouveau modèle et qu’ils l’ont attendu, boudant la Rosalie. L’accueil est mitigé. Les fameux clients sont un peu effrayés devant tant d’innovations et par les problèmes de jeunesse du modèle. C’est un bad beat.
Le principal créancier de Citroën, Michelin, récupère les commandes du constructeur. Il interrompt l’étude de la 22cv, jugée trop couteuse. Elle servira pourtant de base à une Traction luxueuse, mais moins ambitieuse, la 15cv-six (1939.) Cette même année, le PDG, Pierre Boulanger, débute les études de la VGD (véhicule de Grande Diffusion, future DS.) André Citroën ne connaitra jamais la 15cv-six ou la VGD/DS: très diminué après le naufrage de son entreprise, il meurt d’un cancer en 1935.
Stylistiquement, la Traction n’a pas connu de révolution au cours de sa carrière. D’ailleurs, dans les films sur la seconde guerre mondiale, il n’est pas rare de voir des Traction d’après-guerre.
En revanche, l’aficionado aura repéré les indices: clignotants sur les flancs, malle bombée, deux feux à l’arrière et les suspensions affaissées (trahissant l’hydropneumatique.) Pas de doute, c’est une 15cv-six H de 1954/1955. « H » car elle inaugure la fameuse suspension, revue ensuite sur la DS. La légende dit qu’en 1950, les ingénieurs l’ont timidement proposée à Robert Puiseux, le PDG, parmi d’autres innovations et qu’il l’a d’emblée acceptée. Il s’en est donc fallu de peu pour que la marque au chevrons n’ait pas cette suspension qui fait son identité!
Du reste, pour le summum de la production Française du milieu des années 50, la 15cv-six H est extrêmement discrète. On est loin des Américaines, leurs ailerons, leurs chromes et leurs couleurs de crèmes glacées…
A l’époque, les employés de Citroën sont inquiets. La « reine de la route » a du plomb dans l’aile, surtout la 15cv-six. La Fregate et la Vedette lui ont donné un coup de vieux. La guerre, puis la mort de Pierre Boulanger ont retardé le lancement de la VGD. Et par peur qu’à l’instar de ce qui s’est passé en 1934, la rumeur d’un nouveau modèle n’entraine un attentisme de la clientèle, Citroën fait un black out total. Même les ouvriers et les concessionnaires en sont réduit à « radio moquette » et à ce que publie l’Auto-Journal.
Il faut enfin noter que ce sera la dernière Citroën 6 cylindres avant longtemps. Le gros 2,9l 77ch ne tenait pas sous le capot de la DS. Le 6 cylindres à plat envisagé vers 1952 fit long feu.
En 1960, le distributeur Autrichien fait rentrer au chausse-pied (et à la disqueuse) le bloc d’une « quinze » dans une DS19. Puis il faudra attendre 1970 et la SM, avec son V6 Maserati. Et la suivante, la XM V6, n’arrivera qu’en 1989…
A titre personnel, j’aime 1 000 fois mieux voir une ancienne rouler que de la voir cloitrée dans un musée. Mais forcément, lorsqu’on prend le volant d’une voiture bientôt sexagénaire, on risque ceci:
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