C’est une mauvaise nouvelle pour les uns et une bonne nouvelle pour les autres. HSO, importateur Brilliance pour l’Europe, vient de déposer le bilan. Un destin qui rappelle celui de China Automobile Deutschland. Malheureusement, à l’instar de ce dernier, HSO était d’emblée condamné.
Une mauvaise stratégie
En matière d’exportation, il existe deux stratégies: celle du « planté de drapeau » et celle des « petits pas ».
– Le « planté de drapeau » fut la stratégie des Japonais. A savoir s’attaquer tout de suite aux marchés d’importance: les Etats-Unis et l’Europe. Le problème, c’est que faute d’expérience, l’amateurisme et l’improvisation règnent. D’où des difficultés pour installer une marque et percer.
Prenons le cas de Datsun/Nissan USA. Dés 1959, les constructeur Japonais s’installait aux Etats-Unis. Mais pendant près d’une décennie, les deux vice-présidents, Yutaka Katayama et Soichi Kawazoe (basés respectivement en Californie et dans le New Jersey) en sont réduit à faire du porte-à-porte auprès des immigrés Japonais et des anciens soldats US stationné au Japon! Et ce n’est qu’à la fin des années 70 que les ventes décolleront.
– Les Coréens privilégièrent la stratégie des « petits pas ». Avant d’arriver en Europe de l’ouest, Hyundai, Kia et Daewoo se firent les dents au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Europe Orientale pendant une quinzaine d’années.
Ils profitèrent de ce délais pour gagner en maturité. Aussi bien dans la construction automobile, que dans la manière de vendre des véhicules. Et en moins d’une dizaine d’années, malgré la crise Asiatique, les Coréens purent s’imposer en Europe.
HSO a choisi la stratégie du planté de drapeau. Certes, par rapport à Jonway/UFO, Landwind ou Shuanghuan, Brilliance était, vers 2006, le plus sérieux des constructeurs Chinois voulant venir en Europe. Il faut néanmoins se souvenir que Brilliance ne produit des voitures que depuis 2001 (cf. la Zhonghua ci-après) et qu’à ce jour, il exporte dans très peu de pays.
En plus, Brilliance n’est qu’un poids-moyen du marché Chinois.
Enfin, si les importateurs japonais ont pu patienter, c’est parce qu’ils avaient de petites structures et qu’ils disposaient de l’appui financier des constructeurs. Or, HSO est une société indépendante de Brilliance et elle avait de grandes ambitions: s’implanter dans une demi-douzaine de pays Européens (dont la France) et disposer de plusieurs centaines de points de vente.
La différence entre mettre en vente et vendre
D’après les experts, il est toujours possible d’imposer une nouvelle marque dans deux secteurs:
– les cabriolets et roadsters. La clientèle a tendance à plus pardonner à un joli cabriolet (cf. le succès des roadsters Anglais dans les années 50-60.)
– les low-cost (NDLA: je sais que ce terme fait hurler l’un de nos rédacteurs; je suis désolé pour lui.) Si vous n’avez pas beaucoup d’argent, vous ne faites pas le difficile. Si l’on vous propose un véhicule relativement solide pour un prix cassé, vous foncez (cf. la Dacia Logan.)
Justement, on attendait des Chinois qu’ils présentent des voitures bas de gamme.
La grande méprise, c’est que Brilliance est un constructeur premium. Au lieu de proposer des citadines à 3 000€, HSO vendait des berlines BS4 à 16 000€. Dans cette gamme de tarif, l’acheteur a déjà amplement le choix. 16 000€, ce n’est pas du low-cost; l’aspect « image de marque » prend de l’ampleur et l’acheteur ne veut pas partir à l’aventure avec une Chinoise inconnue.
Et le premium Chinois n’est pas le premium Européen. La finition des BS4 et BS2 était honnête. Les lignes signées Giugiaro étaient agréables. Par contre, sous le capot, on trouvait de poussifs moteurs essence d’origine Mitsubishi. Le pire étant le 2,4l 130ch de la BS6 et ses 237g de CO2. Brilliance prépare actuellement des moteurs plus nerveux et plus prodigue en CO2, mais encore une fois, HSO a encore voulu mettre la charrue avant les bœufs.
BMW et l’ADAC m’a tuer
Gamme inadaptée, image de marque plutôt négative, ambitions démesurées… HSO était mal parti. Le lobby des constructeurs Allemands l’a achevé.
Il y a les salons de l’auto où comme par hasard, il n’y avait plus de place libre pour Brilliance.
La presse Allemande avait tendance à associer un essai de BS4 avec un reportage sur les voitures copiées Chinoises. De quoi créer la confusion chez le lecteur.
Et il y eu enfin le crash-test de l’ADAC, où l’organisme a retiré un peu vite les étoiles de la BS4.
En bref, le mot d’ordre était: « Brilliance fabrique des copies de BMW et ce sont des cercueils roulants. »
Quid de Brilliance?
HSO aurait vendu cette année « plusieurs centaines » de véhicules. A peine quelques millième du chiffre du constructeur Chinois.
Par contre, HSO était l’un de ses principaux débiteurs. Cela fera autant d’argent envolé définitivement et Brilliance n’avait pas besoin de cela en ce moment.
Lorsque Malcolm Bricklin avait pris en main Chery en vue de le représenter aux Etats-Unis, il lui avait fait redessiner plusieurs modèles par Giugiaro et Pininfarina. Le deal Chery/Malcolm Bricklin fit long feu, mais le constructeur profita des modèles redessinés.
HSO avait envoyé ses ingénieurs chez Brilliance, pour qu’elles progressent en terme de finition et de sécurité. Mission accomplie et désormais, les Brilliance ont progressé.
Vera-t-on des voitures Chinoises en France?
La leçon des faillites de China Car Deutschland et de HSO, c’est qu’on ne peut pas vendre n’importe quoi, n’importe comment.
Martin Motors est le dernier de ces aventuriers indépendants. Il lui manque une vraie relation privilégiée avec un constructeur pour pouvoir réellement s’implanter quelque part.
BYD, ChangFeng, Chery, Geely et Great Wall se sont rendu compte que les marchés occidentaux étaient beaucoup plus compliqués qu’ils n’avaient l’air. Ils ont repoussé leur projet au diable vauvert, d’autant plus que le marché Chinois affiche une croissance insolente.
Chery, premier constructeur « pur » et premier exportateur Chinois, utilise la technique des petits pas.
A court terme, le seul constructeur Chinois motivé est MG/Roewe. La Roewe 550 (ci-après) pourrait être vendue en Europe sous le nom de « MG 6 ». Reste à savoir si elle sera réellement assez compétitive pour convaincre.
Plus généralement, il faut laisser du temps au temps. L’automobile Chinoise commence seulement à se structurer. Importer une marque dont l’avenir à moyen-terme n’est pas garanti (ce qui est le cas de Brilliance) serait une folie. Si Le Blog Auto avait existé en 2003, nous aurions adressé un satisfecit à ChangHe (en toute bonne foi): l’expérience d’un partenariat avec Suzuki, une citadine signée Pininfarina, des exportations en Russie et au Mexique… Pourtant, aujourd’hui, ce constructeur vient de disparaitre.
Laissons les constructeurs Chinois progresser, produire des voitures plus abouties et en plus grand nombre.
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