Mercredi, le C.E. de l’usine Renault de Sandouville a officialisé la mise à mort de la Vel Satis « avant la fin de l’année ». Ce n’était pas vraiment une décision inattendue. Seules 339 Vel Satis ont trouvé preneur en France, au 2e trimestre 2009 (contre 636 au 2e trimestre 2008.) Et la production à Sandouville était de 5 à 10 voitures par jour. A titre de comparaison, l’Avantime avait été sacrifiée parce que sa production était tombée à 15 unités quotidiennes.
La Vel Satis avait tellement de handicapes que cela en deviendrait comique.
1. Un style difficile
La tâche des designers de Renault était ardue. La Safrane avait souffert notamment d’une ligne trop conservatrice.
La firme au losange voulait donc cette fois un design original. Le premier dossier de presse s’intitulait d’ailleurs « le haut de gamme pensé autrement ».
Effectivement c’était très original. Par rapport à une Peugeot 607, la Vel Satis est plus large de 34 centimètres et plus haut de 12 centimètres. Et puis il y a ce décrochement vertical à l’arrière.
Au final, elle ressemble davantage à un gros break, voir un monospace, qu’à une berline statutaire.
Le seul autre constructeur à avoir fait un tel choix stylistique à ce niveau de gamme fut Opel, avec la Signum. Pas vraiment un exemple de réussite.
2. Un homonyme gênant
Au moment du lancement de la Megane, Renault a du affronter les plaintes de parents qui avaient appelé leur fille « Megan ». Ils disaient qu’ils ne savaient pas que ce prénom existait.
Officiellement, Vel Satis est l’acronyme de « vélocité » et « satisfaction ». De plus, cela rappelle phonétiquement les dénominations des Renault des années 30.
Il faudrait tout de même qu’ils fassent un petit tour sur Google après chaque sélection d’un nom!
Ils auraient ainsi découvert Vel Saties, chef Étrusque du IVe siècle avant J.C. Vel Saties est connu dans le monde de l’archéologie car c’est le plus ancien leader dont il subsiste un portrait en pied (ci-dessous.)
Vel Saties était un mystique (à un niveau « Paco Rabannesque ».)
En plus, il était sanguinaire. Il a ainsi fait décorer son tombeau avec une scène de la guerre de Troie: Achille transperçant le cou d’un prisonnier Troyen avec son glaive.
Enfin, Vel Saties se promenait avec une toge décorée de très jeunes guerriers nus en train de danser et de jouer de la flûte.
Bref, il était difficile de faire pire comme homonymie.
3. Avantime, la fausse jumelle
Le « coupéspace » de Matra fut une belle épine dans le pied de Renault. Présentée au salon de Genève 1999, elle ne fut produite que 2 ans plus tard. Du coup, elle arriva en concession peu avant la Vel Satis (printemps 2002) et l’Espace IV (automne 2002.)
D’aucun confondaient Avantime et Vel Satis, même si la première avait une génération de retard. Renault en était un peu responsable: au salon de Paris 1998, il avait présenté un concept-car 2 portes monocorps baptisé « Vel Satis ».
Au point que lors du premier essai de la Vel Satis, Auto-moto déclara grosso modo: « La Vel Satis est une Avantime 4 portes et le futur Espace sera une Avantime break. »
D’où la plus grande confusion lorsqu’au printemps 2003, Matra décida (quasiment tout seul) de torpiller l’Avantime. Dans certains article de presse, on pouvait voir « Renault arrête l’Avantime » et en guise d’illustration, une photo de la Vel Satis!
4. Une fiabilité mise en cause
Les Françaises, a fortiori les hauts de gamme, sont volontiers accusées de ne pas être fiables.
Même Google s’y met:
Début 2005, un automobiliste prétend que son régulateur de vitesse s’est bloqué à 200km/h alors qu’il roulait sur l’A71.
Les constructeurs Allemands ont progressivement équipé leurs voitures d’équipement électroniques. A contrario, Renault s’y est mis presque du jour au lendemain. D’où des bugs suite à des problèmes de comptabilité électro-magnétique.
De plus, la clientèle n’était pas forcément rompue à l’utilisation du régulateur de vitesse ou au démarrage sans clef. D’où des comportements inadaptés en cas de soucis.
Un magazine automobile paraissant le mardi et volontiers démagogique s’est engouffré dans la brèche. Il publia de nombreux témoignages (plus ou moins crédibles) mettant en cause l’électronique des Renault.
Le constructeur répondit par une stratégie désastreuse, en terme de communication. Il traita les témoins (qui étaient également des clients Renault) d’idiots et nia le moindre problème… Tout en conseillant aux propriétaires de Vel Satis d’éviter de téléphoner lorsque le véhicule roule.
Ce qui n’est guère rassurant. En plus, cela poussa les acheteurs potentiels vers la concurrence. Personnellement, je travaillais à l’époque pour un constructeur premium Allemand. De nombreux propriétaires de Renault venaient nous voir avec des interrogations et lors des essais, nous leur répondions pour une boutade: « Mettez le cruise control; Et maintenant, je vais passer un coup de téléphone… Regardez, il ne se passe rien. La vitesse ne monte pas à 200km/h, contrairement à ce qu’il se passerait en Vel Satis! » En général, à la fin de l’essai, ils repartaient en disant: « Finalement, elle ne sont pas si mal, ces voitures de [insulte germanophobe]! Je ne vais peut-être pas acheter une Vel Satis… »
5. Un manque d’ambition
Les hauts de gamme Français n’ont pas toujours été déconsidérés. Pas besoin de remonter jusqu’au Delahaye ou au Bugatti. Il faut se souvenir qu’au début des années 80, la R20 était l’accessoire indispensable du cadre dynamique.
Puis, il y a eu une lente érosion chez les CSP+ et les CSP++. Au point que celui qui est stigmatisé, ce n’est plus celui qui roule dans une voiture étrangère, mais celui qui roule dans une voiture Française.
Renault aurait pu tenter de s’acharner sur la Vel Satis et essayer de rectifier le tir.
A contrario, le constructeur donne l’impression de l’avoir abandonnée et de se contenter d’en solder quelques unes aux sociétés de Grande Remise. A titre d’exemple, dans le site presse du constructeur, l’article le plus récent remonte à 2006.
Quant à Renault GB, ils ont carrément éliminé la Vel Satis du catalogue depuis le lifting de 2005.
6. Aucun avenir
La Vel Satis aurait du disparaitre en 2008. Renault préféra privilégier le lancement de la Megane.
Sa remplaçante sera produite en Corée du Sud, par Samsung-Renault. Notez qu’au Moyen-Orient, la grande berline SM5 est déjà vendue sous le nom de « Renault Safrane ».
Après le Koleos, cela fait une Renault « made in South Korea ». Ce n’est guère réjouissant pour les employés des usines Françaises, alors que Samsung s’apprête à lancer un dérivé de Megane 4 portes.
Heureusement, comme l’aurait dit Reiser, il y aura toujours des clients qui ont la foi:
P.S.: Merci à Lee pour son aide pour le titre. Pour info, 안녕 se lit « An-Nyeung » et signifie « Adieu ».