L'éthanol de maïs finalement pire que l'essence ?
En matière de CO2, on considère depuis des années que l'éthanol permet de baisser les émissions par rapport à du carburant fossile. Une étude balaie tout cela.
En matière de CO2, on considère depuis des années que l'éthanol permet de baisser les émissions par rapport à du carburant fossile. Une étude balaie tout cela.
L'éthanol est un alcool primaire (C2H5-OH ou C2H6O) que l'on peut aisément obtenir par fermentation des sucres ou à plus grande échelle par distillation. Utilisé dans beaucoup d'industries, il sert à couper l'essence à base de pétrole pour obtenir différents degrés d'éthanol. Ainsi, le SP95-E5 contient jusqu'à 5% d'éthanol, le E10 jusqu'à 10%. Mais, cela va jusqu'au SuperEthanol E85 qui contient donc 85% de cet alcool.
Obtenu principalement à partir de betterave sucrières en France, ou de céréales, il provient de la canne à sucre au Brésil (avec les problèmes de déforestation qui vont avec). Aux USA, il est issu du maïs (ou corn). C'est cet éthanol issu du maïs qu'une nouvelle étude vient mettre à l'index dans la lutte contre les émissions de CO2 et plus généralement de gaz à effet de serre.
Cette étude a été publiée ce lundi, dans "Proceedings of the National Academy of Sciences" (PNAS). Elle contredit radicalement les précédentes études qui considèrent que l'éthanol agricole permet de réduire les émissions de CO2 des carburants. L'étude a été menée par le Dr. Tyler J. Lark.
En fait, l'étude s'est penchée non pas sur l'émission de l'éthanol en lui-même. En effet, on sait que l'émission est moins importante qu'un carburant fossile et surtout, c'est du CO2 dit "renouvelable". Non, l'étude s'est attachée à regarder les effets de la conversion de champs pour faire pousser du maïs spécifiquement pour l'éthanol. Il en résulte qu'il y a un effet pervers (ou caché) qui fait grimper la note CO2 de l'éthanol de maïs.
L'étude estime à 24% le CO2 émis en plus sur tout le cycle, en tenant donc en compte tout ce qui est mis en oeuvre pour faire pousser le maïs. De plus, ces cultures ont une mauvaise influence sur l'écosystème environnant. "L'éthanol de maïs n'est pas un carburant bon pour le climat" déclare le Dr. Tyler cité par l'agence Reuters.
A cela s'ajoute un autre phénomène. Le prix du maïs, du soja ou du blé ne cessent de grimper. Réserver une partie de la production pour de l'éthanol provoquera immanquablement une tension supplémentaire sur ces prix.
Evidemment, cette étude, qui va à l'encontre des précédentes ne manque pas de faire réagir. Le Président de la "Renewable Fuels Association" (association des carburants renouvelables), Geoff Cooper, souligne que l'étude se base sur des pires-cas et fait du "cherry-picking" sur les données (on prend celles qui nous arrange NDLA). Elle serait "complètement fictionnelle et erronée".
C'est pourtant l'un des axes pivots des "anti" éthanol que de souligne que l'on met en exploitation plus de surfaces agraires pour faire pousser les plantes dont on va extraire l'éthanol. Si on n'augmente pas ces surfaces, cela signifie que l'on prend sur l'alimentation humain ou animale.
Ceux que l'on appelle de façon impropre les "biofuel" ou "biocarburants" (ce sont des agro-carburants NDLA) font partis de différentes politiques nationales pour faire baisser les émissions de CO2 des carburants. Cela permet aussi d'alimenter d'autres filières en éthanol "renouvelable". Car l'éthanol est un produit très utilisé dans beaucoup de domaines, outre les boissons alcoolisées et les carburants. Citons, entre autres, le médical avec un produit que l'on connait que trop bien depuis deux ans : le gel hydroalcoolique. Mais c'est un bon solvant et il est utilisé en industrie chimique comme un élément dans de nombreuses réactions.
Alors bon ou mauvais pour la planète cet éthanol agricole ? Eh bien, comme un peu partout, tout dépend du contexte. Si on utilise un champ déjà travaillé, l'éthanol aura un bon bilan CO2. En revanche, si on convertit de la forêt, une friche, etc. alors, comme le suggère l'étude du jour, le bilan CO2 n'est pas bon. L'ajout de pesticides et autre pour améliorer les rendements ajoute au mauvais bilan.
En France, on utilise comme déjà évoqué, la betterave sucrière, ou des céréales (deux filières). Là aussi, des pour et des contre s'affrontent avec soit des études, soit des "alarmes". On peut citer le syndicat professionnel des levuriers CSFL qui accusent régulièrement la production d'éthanol à partir de betteraves de leur enlever une partie des substrats sucrés pour leur activité de production de levure.
Filière stratégique puisqu'elle permet de récupérer une partie d'indépendance énergétique, l'éthanol en France (comme ailleurs), n'a sans doute pas fini de devoir produire des études. En France, le superéthanol est "détaxé" en grande partie. En effet, la TICPE (taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques) n'est que de 11,83 € par hectolitre contre 68,29 € pour le SP95 et 66,29 pour le SP95-E10. A la pompe, cela se traduit par plus de 65 centimes d'économie par litre.
Cela explique en très grande partie l'explosion des ventes de kits de conversion au bioéthanol. Peu de constructeurs automobiles proposent des véhicules compatibles de série avec l'éthanol. Citons celui qui a l'offre la plus fournie : Ford.
Pour l'étude, c'est par ici.
Illustration modifiée par leblogauto.com
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