Allez, n'ayons pas peur des mots, on avait jamais connu un tel niveau d'intensité en Formule 1 depuis le duel Prost/Senna. La rivalité Hamilton/Rosberg a été forte, mais pas à ce point sur et en dehors de la piste. Pilotage à la limite, batailles tendues, accrochages et polémiques, guerre des mots, opposition de caractères, rebondissements du début à la fin et jusque dans le dernier tour, tous les ingrédients ont été réunis pour faire de 2021 un millésime explosif et inoubliable, même si certains aspects, qui seront évoqués dans un article ultérieur, ont de quoi agacer.
TOP PILOTES/EQUIPES
Max Verstappen et Red Bull, la rage de vaincre
10 poles, 10 victoires, 18 podiums, 652 tours en tête : oui, les stats de Max Verstappen sont celles d'un grand champion du monde de F1, en dépit des circonstances chanceuses qui lui ont permis de coiffer le titre à Abu Dhabi. Très régulier, psychologiquement imperturbable, le néerlandais n'a pas commis de fautes, excepté dans un GP d'Arabie Saoudite brouillon, et a produit sur l'ensemble de la saison une prestation ébouriffante de vitesse et d'agressivité. En dépit d'un pilotage parfois très border line, il a bousculé les codes et a secoué le panier, que cela plaise ou non, comme l'ont fait Senna, Schumacher et...Hamilton en leurs temps.
Verni sur le dernier GP, n'oublions pas qu'il a aussi perdu gros dans le crash de Silverstone, l'abandon à Baku alors qu'il avait course gagnée ou le strike de Bottas à Budapest. Verstappen est arrivé à maturité pour entamer, peut-être, son règne. Il peut aussi remercier Red Bull, qui a été souvent au top dans les stratégies, les arrêts aux stands et a eu l'intelligence de mettre de côté sa filière pour recruter un solide n°2, Perez, qui a fait globalement le job pour épauler son leader et perturber Mercedes. L'écurie autrichienne, bénéficiaire de l'évolution règlementaire sur les fonds plats, a fait fonctionner à merveille sa synergie avec Honda, dont les efforts ont enfin payé (le "GP2 engine" est bien loin !) pour offrir au constructeur nippon un départ en beauté.
Honda, un départ en beauté
Abnégation, travail, le constructeur japonais termine de la meilleure des façons une aventure qui a débuté calamiteusement avec McLaren en 2005. Contrairement au départ fin 2008 la "queue entre les jambes", Honda peut être fier du parcours accompli avec Verstappen, 30 ans après son dernier sacre qui avait été obtenu avec Senna. Le moteur a fait d'énormes progrès et a permis à Red Bull de défier Mercedes. Et de plus, Honda continuera d'accompagner Red Bull dans sa mutation en "motoriste" à partir de 2022.
Lewis Hamilton et Mercedes, l'empire va contre-attaquer
Certains disent que la plus belle saison de Senna dans son pilotage fut 1993, où il s'est pourtant incliné face à Prost. Peut-on dire que Hamilton a été au sommet de son pilotage cette année ? Oui et non. Il a commis quelques erreurs inhabituelles, comme à Imola et Bakou, signe d'une pression inédite, mais il a réussi à revenir dans le match quand la situation semblait tourner nettement à l'avantage de Verstappen, et sa fin de saison a été éblouissante. Sa chevauchée fantastique au Brésil restera dans les mémoires ! Hamilton a franchi la barre des 100 victoires, ne l'oublions pas et a rendu coups pour coups à son jeune et intrépide rival.
L'anglais avait fait la différence sur la piste à Abu Dhabi, et fut sur le point d'être au sommet de l'Olympe avec 8 titres, jusqu'à 5 tours de l'arrivée et cette "satanée" Safety-Car. En 2008, le dernier tour lui avait offert un rebondissement pour le titre, là ce fut l'inverse. A-t-il songé à prendre sa retraite sur un ultime sacre ? La rumeur a couru, mais vu le dénouement de cette saison, nous pourrions retrouver en 2022 un Hamilton très revanchard ! C'est sans doute dans le combat en piste, roues contre roues, que le pilote Mercedes devra réussir à muscler son jeu et à faire évoluer ses habitudes, pour contrer Verstappen qui n'a absolument pas froid aux yeux quand il s'agit de l'attaquer.
Mercedes a été bousculée dans ses certitudes, mais le constructeur décroche tout de même son 8e sacre consécutif chez les constructeurs, du jamais vu ! Malgré les efforts mobilisés pour 2022, l'écurie allemande a encore trouvé les ressources pour revenir dans le match dans le dernier tiers de la saison. On constate toutefois que, dans le contexte d'une adversité inédite, la belle mécanique s'est grippée et que les stratégies de course n'ont pas été aussi inspirées qu'auparavant.
Sergio Perez, une recrue décisive
Dans l'équation ayant permis le titre de Max Verstappen, Sergio Perez figure en bonne place. Red Bull a compris que son pilote leader avoir besoin d'être épaulé par un n°2 solide, pugnace et expérimenté. Malgré quelques coups "en dedans", notamment en qualifications, le mexicain a été à plusieurs reprises décisif pour permettre à Red Bull de de mettre en oeuvre une stratégie à même de perturber Mercedes et Hamilton : que ce soit en France sur des stratégies décalées ou dans ses résistances épiques et des batailles viriles face à Hamilton en Turquie et à Abu Dhabi, Perez a rempli sa mission.
Carlos Sainz et le renouveau de Ferrari
Certains le voyaient en "porteur d'eau" de Charles Leclerc, mais l'espagnol termine devant le monégasque au championnat, grâce à une dernière course parfaitement exécutée. Moins rapide intrinsèquement que son équipier, l'espagnol a compensé par un pilotage solide régulier ainsi qu'une intelligence de course qui lui ont permis de tirer profit de plusieurs opportunités, avec 4 podiums à la clé. On peut saluer aussi sa faculté d'adaptation, puisqu'il a déjà connu 4 écuries en 6 ans de carrière. Affable, très corporate, Sainz Junior est résolument une très bonne recrue pour la Scuderia...et une menace pour Leclerc ?
Ferrari a repris du poil de la bête après une saison 2020 cauchemardesque et décroche une belle 3e place constructeurs. La voiture et le moteur ont nettement progressé - pas toujours les stratégies - mais souhaitons que le cheval cabré revienne dans la course au titre avec le nouveau règlement. Elle peut s'appuyer sur un duo de pilotes qui fonctionne bien.
Lando Norris et la résurrection de McLaren
La fin de saison de McLaren a été poussive et la bataille pour la 3e place a été perdue contre Ferrari, mais les oranges reviennent de loin, quand on pense à la situation de l'équipe trois ou quatre ans plus tôt. Sur la première moitié de la saison, surtout avec Norris, la McLaren a souvent réussi à se mêler à la bataille Mercedes/Red Bull. Avec sérieux, méthode et sérénité, Woking est revenu dans le cercle des top teams et a renoué avec la victoire à Monza. Lando Norris est indéniablement l'une des valeurs sûres du futur. Son début de saison a été éblouissant et ce n'est que dans un pêché de jeunesse et d'inexpérience qu'il a vu la victoire lui filer entre les doigts à Sochi. Il n'a que trois saisons dans les jambes et sera à surveiller en 2022, évidemment.
Fernando Alonso et Esteban Ocon, les deux font la paire
Beaucoup ont grincé des dents à l'annonce de son retour : pilote vieillissant, difficile à gérer, etc. Le premier 1/4 de la saison a été celui de la remise en route et des doutes, puis le double champion du monde a trouvé ses marques et prouvé, à 40 ans, qu'il avait encore toute sa hargne et sa vista , aussi bien dans la gestion des pneus, l'intelligence de course que le sens de l'attaque. Sa défense héroïque contre Hamilton à Budapest, son départ et sa gestion des gommes au Qatar sont autant de morceaux de bravoure à lui créditer. On note aussi l'évolution positive de sa personnalité. L'expérience et l'âge aidant, Alonso a été un véritable "team-player". Son optimisme, son positivisme et sa relation saine avec Ocon ont été également des boosts importants pour l'équipe.
Esteban Ocon s'en tire aussi avec les honneurs. Pas facile d'être le coéquipier d'Alonso. Après un gros passage à vide en début de saison, le français a travaillé dur et a réussi quasiment à se mettre au niveau de son équipier. Il fait jeu égal avec lui en qualifications (11-11) et doit encore trouver un petit "plus" en course. N'oublions pas les progrès réalisés par le français, qui a décroché une victoire certes très opportuniste mais nerveusement éprouvante à Budapest. Pour sa première saison sous les couleurs du A fléché, Alpine certes ne progresse pas par rapport à Renault en 2020, mais, vu la "douche froide" que furent les premiers GP de l'année, le bilan est au final assez satisfaisant : Avec un moteur n'ayant pas évolué et un développement limité, Alpine conserve sa 5e place, a gagné une course et démontré de belles choses en maîtrise stratégie et dans la gestion des arrêts aux stands.
Pierre Gasly, en attendant mieux
En apportant 110 des 142 points inscrits par Alpha Tauri qu'il porte à bout de bras, Pierre Gasly a prouvé une nouvelle fois qu'il a toute sa place dans la constellation des nouvelles étoiles de la F1, aux côtés de Verstappen, Leclerc, Norris et Russell. Très rapide, très performant en qualifs, il a parfois pêché par précipitation sur certains départs mais son rythme et son pilotage ont été globalement très satisfaisants. Le français mérite une place dans une équipe plus relevée. Il faudra guetter d'ici 1 ou 2 ans, du côté de Mercedes ou McLaren, allez savoir.
George Russell, prêt à bondir
Rentrer à 4 reprises en Q3 avec une Williams donne une idée du bonhomme ! Ses 2e et 3e places aux qualifications en Belgique et en Russie resteront comme des exploits. L'anglais va pouvoir enfin, on l'espère, déployer tout son talent avec une monoplace de haut niveau en 2022, mais devenir l'équipier de Lewis Hamilton doit être appréhendé avec résolution !
FLOPS PILOTES/EQUIPES
Valtteri Bottas et la stratégie Mercedes
Le finlandais a sorti une vraie "masterclass" en Turquie, mais à part ça...C'est peut-être un peu dur, mais malgré sa 3e place au championnat, c'est un Bottas assez terne que l'on a vu en 2021. Contrairement aux années précédentes, Bottas n'a jamais titillé Hamilton, même en début de saison, car le niveau de lutte était sans doute trop élevé. Toujours rapide certes, encore pas verni en certaines circonstances (cette crevaison au Qatar...), Bottas a aussi produit de belles gaffes (ce strike en Hongrie) et surtout n'a quasiment pas pesé en piste dans les stratégies de Mercedes pour contrer Red Bull, même si le Finlandais a senti, à plusieurs reprises, quand son équipe se prenait un peu les pieds dans le tapis. Trop tendre dans les duels, il n'a jamais pu aider Hamilton en gênant Verstappen et lui a carrément "ouvert" la porte en Russie. Il n'a pas été capable de jouer le rôle que Perez a endossé avec Red Bull, en étant aux abonnés absents à Abu Dhabi. Sans doute avait-il déjà la tête ailleurs ?
La meilleure action de l'année pour Valtteri ?
Yuki Tsunoda
Le japonais sauve les meubles à Abu Dhabi avec un weekend parfait, devant son chef de file Pierre Gasly. Mais le reste de la saison a été bien compliqué. Le premier GP à Bahrein, terminé dans les points avec un dépassement sur Alonso, a fait illusion mais le soufflet est très vite retombé. Beaucoup d'erreurs et de tôle froissée carbone éparpillé, sans oublier un caractère plutôt désagréable. Il se voit infliger aussi un 21-1 en qualifications. Il faudra hausser nettement le niveau l'an prochain, car le docteur Marko n'est pas réputé pour sa patience.
Aston Martin Racing
Pour sa première saison en "vert", Aston Martin Racing, ex-Racing Point, est l'une des très grosses déceptions. Pénalisée également par le changement règlementaire sur le fond plat (le karma du "copiage" de la Mercedes ?), la monoplace n'a jamais été vraiment dans le coup, à de rares exceptions près. Sebastian Vettel a fait du mieux qu'il pouvait, avec une 2e place à Bakou et une autre bêtement perdue en Hongrie sur un problème de consommation d'essence. L'ancien quadruple champion n'a quand même plus le mordant d'avant, alors que son équipier Lance Stroll a été assez transparent sur l'ensemble de la saison.
Kimi Raikkonen, l'année de trop chez Alfa "Rameo"
Si Iceman a porté Alfa Romeo en 2019, cette année ce fut vraiment la saison de trop. Nettement moins rapide que par le passé (13-7 pour Giovinazzi en qualifs) - le Finlandais est le premier à le reconnaître - il a aussi eu beaucoup de déchets en course, avec des touchettes ou des bévues un peu gênantes, comme son contact avec Giovinazzi dans la ligne droite de Portimao, trop occupé à regarder son écran...Kimi a répété à l'envie qu'il était heureux d'en finir, et ça s'est vu en piste avec une nette baisse de niveau et de motivation.
C'est une sortie par la petite porte, mais cela n'enlève rien à sa belle carrière. Alfa Romeo est aussi une déception, la voiture n'ayant que très peu évolué sur l'ensemble de l'année. Les quelques opportunités ont souvent été gâchées par de mauvaises stratégies, de la malchance ou des bévues d'Antonio Giovinazzi, un pilote certes rapide mais trop inconstant en course pour faire la différence. Au final, Alfa termine derrière Williams...
Nicholas Latifi
Non, son crash d'Abu Dhabi n'y est pour rien. Mais le canadien aura bien du mal à justifier son volant autrement que par les deniers du père. Certes, il a progressé par rapport à 2020 et a marqué ses premiers points, mais la comparaison avec Russell fait quand même très mal. L'an prochain il se mesurera au revenant Albon et devra se muer en chef de file pour Williams.
Haas...
L'écurie "américaine" n'est clairement pas au niveau et la voiture n'a absolument pas évolué de toute l'année. Qui plus est, elles furent confiées à deux débutants ! Mick Schumacher écrase Nikita Mazepin en qualifs (20-2) mais le fils de Michael a aussi commis beaucoup d'erreurs, sans doute imputables en partie, il est vrai, aux "qualités" de sa monture. Quant à Nikita Mazepin, s'il a réussi à se calmer et à commettre moins de bourdes qu'en début de saison, il n'a pas franchement le niveau requis, comme en attestent ses performances en qualifs et en course. Mais, papa est riche.
Mi-figues mi-raisins
Daniel Ricciardo
La victoire à Monza est-elle un arbre qui cache une forêt ? L'australien perd 7 à 15 en qualifications contre Norris et a souvent subi les évènements. L'adaptation à la McLaren a été visiblement plus compliquée que prévu et nous n'avons pas vu en piste le Ricciardo habituel, qui attaque en vrai "racer". Il faudra remonter la pente en 2022, car la jeune génération a très faim.
Charles Leclerc
Le monégasque termine la saison devancé par son nouvel équipier Carlos Sainz. Les deux s'entendent bien, mais Leclerc n'a pas réussi à imposer son leadership, la faute parfois à un manque de réussite mais aussi à une gestion de course moins réfléchie que Sainz. Pas toujours verni, le monégasque est certes ultra rapide - avec un rythme de course souvent supérieur à Sainz - et il a frôlé la victoire en Angleterre, mais ça ne suffit pas. Il a aussi commis plus de fautes que son équipier, dont une aux qualifs de Monaco qui lui a peut-être coûté un sacre à domicile. L'abandon avant le départ à Monaco restera l'un des crève-cœurs de l'année, mais Leclerc s'était mis dans le pétrin tout seul en crashant sa Ferrari à la piscine la veille. Il mérite d'avoir une monoplace compétitive et de se battre aux avant-postes !
Conclusion
Finalement, quoi que l'on puisse penser de ce qui s'est passé dans la confusion des derniers tours, c'est peut-être ce qui va donner à la saison de F1 2022 tout son sel. Sur un 8e titre, qui nous dit que Hamilton n'aurait pas finalement annoncé sa retraite ? Là, vu les circonstances, on peut espérer retrouver l'an prochain un Hamilton qui a la "rage" assoiffé de revanche, comme il le fut en 2017 après son échec contre Rosberg. Et Verstappen va devoir assumer un nouveau statut, le tout sur fond de nouvelle donne règlementaire. Pas mal ! Liberty Media, Netflix et compagnie se frottent déjà les mains...