Rétro F1 1970 : Lotus révolutionne (encore) les F1
par Nicolas Anderbegani

Rétro F1 1970 : Lotus révolutionne (encore) les F1

La F1 entame au début des seventies sa révolution: les sponsors affluent, la médiatisation prend son envol avec la télévision et la liberté donnée aux ingénieurs promet un festival d'audace et d'innovations en tous genres. Un jeu auquel Lotus était souvent le plus fort. Mais en toile de fond de ce fabuleux spectacle, une ombre mauvaise planait encore et toujours : celle d'une sécurité déficiente et d'une mort qui guettait souvent au coin de chaque virage.

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Lotus, le coup d'avance

Dans la quête perpétuelle de performance, la Formule 1 a souvent été le terreau d’innovations techniques. Lotus a longtemps incarné cette course à l’innovation et à l’audace, même si cela n'a pas toujours été récompensé à sa juste valeur : En 1968, c’est l’apparition des ailerons sur les Lotus 49B à Monaco qui créé la sensation, même si les débuts sont délicats, et même dangereux avec des accidents en série. Néanmoins, Graham Hill remporte le titre cette année-là. En 1969 par contre, Chapman essaie d’imposer la transmission intégrale avec la Lotus 63 mais c’est un immense bide, qui l’oblige à revenir aux Lotus 49 et à tirer un trait sur la saison. En 1970, Lotus est bien décidé à reprendre le titre, qui a été conquis l'année précédente par Jackie Stewart et Tyrrell. Chapman a réussi à conserver non sans mal le pilote autrichien Jochen Rindt, l’étoile montante de la F1. Certes, l’écurie britannique commence la saison avec l’increvable 49 mais elle réserve une nouvelle surprise au paddock. A Jarama, sa dernière création fait sa première apparition: la Lotus 72A.

Les observateurs sont stupéfaits par la modernité de cette voiture, qui introduit des évolutions majeures dans l’histoire des monoplaces. La ligne en forme de coins, qui permet d’optimiser le flux d’air et l’appui au sol, est sensiblement différente par rapport aux rivales plus arrondies. Le changement le plus radical vient de la position du radiateur : traditionnellement placé à l’avant (qui donnait à toutes les F1 cette « bouche » arrondie sur le museau) , il est est remplacé par deux radiateurs latéraux, placés sur des pontons rivés de part et d'autre de la partie arrière de la coque, afin d'améliorer la répartition des masses. Un changement aérodynamique et stylistique majeur, qui reste encore la norme aujourd'hui. A cela s’ajoutent d’autres innovations moins visibles, comme les freins avant « in board », c'est-à-dire désolidarisés des roues afin de limiter le poids non-suspendu et des suspensions munies de barre de torsion. L’empattement a été allongé et, détail non négligeable, des pneus spécifiques plus légers ont été développés par Firestone.

Le début d'une longue carrière

Certes, la 72A, le modèle de base, essuie les plâtres. Le 2e pilote Lotus, John Miles, sert comme souvent de cobaye et déplore de nombreux soucis de freins sur les modèles 72A et 72B. Il faut attendre le 5e grand prix de la saison, aux Pays-Bas, pour que Jochen Rindt troque définitivement la 49 au profit de la version C de la 72, qui a été enfin fiabilisée et rectifiée au niveau du freinage. Et à partir de là, la machine à gagner se met en route. Rindt gagne consécutivement les grands prix des Pays-Bas, de France, d’Angleterre et d’Allemagne. C’est le début d’une saga incroyable, qui mènera la Lotus 72 jusqu’en 1975 avec un record de participations pour un même modèle, 20 victoires et plusieurs titres mondiaux. Mais au GP d’Espagne 1970, nous n’en sommes pas encore là. Jochen Rindt est sceptique. Lotus peut lui offrir la meilleure arme pour vaincre, mais la fiabilité et la sécurité des monoplaces anglaises sont aléatoires. Ses relations avec Chapman s’en ressentent d’ailleurs…et que dire de la sécurité en dehors des voitures ?

Fiasco sportif et sécuritaire

Le Grand prix d’Espagne 1970 a d’abord été un fiasco des autorités sportives - et un monument d’amateurisme -  puisque dix pilotes ont été qualifiés d’office en raison de leur « réputation » (!) et que le nombre exact de partants n’était pas connu à l'issue de la séance qualificative ! Le dimanche, le jour de la course, la CSI (ancêtre de la FIA) annonce que seuls 17 pilotes sont retenus, mais les organisateurs espagnols font pression pour le pilote local engagé, Alex Soler-Roig, soit sur la grille de départ, en faisant circuler une pétition parmi les équipes pour que les non-qualifiés soient repêchés. Au final, les 4 pilotes non-qualifiés se présentent sur la grille de départ…avant d’être évacués manu militari par la police !

Puis, dès le 1er tour, Jackie Oliver perd le contrôle de sa BRM et vient percuter dans l’épingle, de plein fouet, la Ferrari de Jacky Ickx qui se disloque et s’embrase immédiatement à cause des réservoirs perforés. Le belge est prisonnier des flammes mais les commissaires positionnés aux alentours ne sont pas pourvus d’extincteurs ni n’osent s’approcher de la carcasse livrée au feu ! Par miracle, Ickx parvient à dégrafer son harnais et, à l’aveuglette, se jette dans l’herbe.

C’est avec une lance à incendie finalement qu’un commissaire parvient à éteindre les flammes sur sa combinaison. En le plaçant sur une civière ensuite, un autre commissaire manque de l'étrangler, car il essayait de lui retirer son casque sans avoir retiré la jugulaire…Le belge s’en tire sain et sauf, mais le drame a été évité de peu. Un  incident qui pousse les pilotes, sous l’égide de Jackie Stewart, à alerter une nouvelle fois les instances sportives sur les déficiences en matière de sécurité. Il faudra malheureusement encore plusieurs drames pour que les choses bougent, enfin…

Images : wikimedia, Lotus, pinterest, reddit

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La F1 entame au début des seventies sa révolution: les sponsors affluent, la médiatisation prend son envol avec la télévision et la liberté donnée aux ingénieurs promet un festival d'audace et d'innovations en tous genres. Un jeu auquel Lotus était souvent le plus fort. Mais en toile de fond de ce fabuleux spectacle, une ombre mauvaise planait encore et toujours : celle d'une sécurité déficiente et d'une mort qui guettait souvent au coin de chaque virage.

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