Elles n'a jamais couru, épisode 23 : DAMS GD-01
par Nicolas Anderbegani

Elles n'a jamais couru, épisode 23 : DAMS GD-01

Dans les années 80 et 90, la France était une des grandes forces en présence dans la Formule 1. Mais pour les petits indépendants, se maintenir dans la catégorie reine nécessitait une chasse permanente aux sponsors et si possible de puissants appuis politiques.

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La F1 fut en effet une affaire très politique en France. Ligier n’aurait sans doute pas perduré sans les liens que Guy Ligier entretenait avec François Mitterrand, ce qui lui assura pendant de longues années un financement conséquent d’entreprises nationales et même une installation de rêve sur le nouveau circuit de Magny-Cours. Dans le sillage de Renault et de Ligier, d'autres aventures françaises ont été tentées: AGS, Larrousse et même DAMS, cette dernière n'ayant jamais pu se présenter sur la grille de départ.

Collaboration anglaise

DAMS, fondée par Jean-Paul Driot et René Arnoux en 1988, devient rapidement une des meilleures équipes de F3000, remportant le titre en 1990 avec Erik Comas, en 1993 avec Olivier Panis puis en 1994 avec Jean-Christophe Boullion. Le rêve de DAMS est de sauter le pas vers la F1, à l’image de ce qu’a réussi l’écurie irlandaise Jordan, elle aussi issue de la F3000. Pour construire le châssis, DAMS s'associe au constructeur britannique Reynard.

Ce dernier, qui s’est taillé une solide réputation en Formule Ford, F3 et F3000, vient de faire une entrée fracassante dans le championnat CART 1994, Michael Andretti imposant la Reynard 94I dès sa première course. Dès 1989, Reynard avait planché sur une Formule 1, avec une entrée à l’horizon 1992 et une motorisation Yamaha. Ce projet était finalement tombé à l’eau, avant d’être repris par l’équipe Pacific, tandis que Reynard avait également vendu une partie de ses travaux à Benetton et Ligier pour leurs propres monoplaces.

La voiture, nommée GD-01, commence à être construite dans le courant de l’année 1994, mais les financements manquent et sont de plus en plus difficiles à obtenir. Les restrictions de la Loi Evin, la baisse des financements publics contraints par la récession économique (et déjà en grande partie captés par Ligier) ainsi que les changements règlementaires induits par la tragédie d’Imola, qui nécessitent de revoir la conception, n’arrangent pas les choses. Début 1995 néanmoins, la monoplace est quasiment achevée, ce qui coïncide avec la tentative de rapprochement effectuée par Gérard Larrousse.

Difficiles négociations

L’équipe de l’ancien double vainqueur des 24 heures du Mans est en effet exsangue financièrement. Elle sort de plusieurs années de galère et ne s’est jamais remise du « coup de Trafalgar » de son exclusion du championnat 1990 qui l’a privée des revenus des droits TV! Comme par hasard, ce déclassement avait permis à…Ligier d’intégrer le top 10 et d’éviter les préqualifications. Dans les années qui s’ensuivent, les emmerdes « volent en escadrille » comme disait Jacques Chirac, lequel avait souvent appuyé son ami Larrousse. Notre collègue Thibaut l’a parfaitement raconté dans un précédent épisode…Incapable de produire sa monoplace (l’équipe, basée à Signes, ne dispose pas d’une usine propre et Ford n’est pas enclin à fournir un moteur sans la garantie d’être payé…) Larrousse cherche donc un fournisseur.

Lola est approché, mais le contentieux précédent (Lola n’a pas été payé pour les châssis des saisons 1990 et 1991) rend toute nouvelle entente inenvisageable. Les négociations sont donc entamées avec Jean-Paul Driot pour une éventuelle association Larrousse-DAMS. Le premier propose d’utiliser en début de saison la vieille Larrousse LH94 « mise aux normes » avant d’étrenner la monoplace conçue par Reynard, alors que le second n’est pas enclin à laisser la GD-01 utilisée par une autre équipe et préfère avoir un contrôle plus large. Driot envisage de racheter si possible au meilleur prix la structure Larrousse, afin de préparer une arrivée en 1996 et de bénéficier du soutien de l’État. Finalement, les deux parties ne parviennent pas à se mettre d’accord. Driot ne « veut pas entrer en F1 à n’importe quel prix », tandis que Larrousse déclare définitivement forfait pour le GP de San marin et met la clé sous la porte.

Armoire normande

DAMS continue seul son chemin. L’équipe technique se met en place, avec Claude Galopin (ex-Ligier), assisté de deux ingénieurs britanniques expérimentés Barry Ward (ex-Reynard) et Rob Arnott (ex-Arrows). C’est finalement à l’été 1995 que la Dams GD-01 est dévoilée, sur le circuit Bugatti. Erik Comas, qui a finalement surmonté le traumatisme d’Imola, est de retour, en compagnie d’Emmanuel Collard et du vétéran Jan Lammers. Présentée dans une livrée bleue, blanc et jaune vierge de tout sponsor, à l’exception d’Elf– ce qui en disait déjà long – la monoplace semble pourtant déjà datée. Le châssis comportait une monocoque à triple cloison en composite de fibre de carbone et nid d'abeilles en aluminium, fabriquée par la société SNPE basée à Lille. De construction simple, elle embarque une boîte X-Trac, un V8 Ford Cosworth DFR et une suspension conventionnelle à poussoirs. Par contre, les observateurs sont frappés par l’aérodynamisme plutôt « grossier » de la GD-01, pourvue d’un nez bas (alors que le nez haut s’est généralisé) et de pontons latéraux immenses, plutôt encombrants, qui traduisent une étude limitée.

Un choix de raison

Les premiers essais ont lieu sur le Paul Ricard en Octobre 1995, avec Comas et Lammers. Les temps effectués indiquent rapidement que la GD-01 n’est pas dans le coup et que, avec la nouvelle règle des 107% en qualifications, elle aurait du mal à se qualifier…Pendant ce temps, DAMS se démène pour trouver des fonds – une caution doit être versée afin de s’inscrire – et d’autres partenaires, mais la date butoir est passée et il faut renoncer à 1996. Les aides d’état ont également été rabotées par le tour de vis budgétaire de la nouvelle majorité. Driot table sur 1997, mais les ressources étaient toujours insuffisantes, lucide, il renonce définitivement. Une décision sage, quand on voit comment les autres petites équipes de l’époque, Simtek, Forti, Pacific, furent englouties. DAMS a survécu en reprenant sa route dans les formules de promotion, en Endurance et en Formule E. Elle connait toujours le succès en GP2, ayant remporté le titre équipes de Formule 2 en 2019.

L’échec de DAMS, au même titre que les tentatives avortées et les disparitions des petites équipes, marquait la fin d’une époque de la F1. Dans les années 90, les coûts ont explosé et les petites structures ne peuvent même plus être présentes sur la grille de départ pour « faire le nombre ». Un problème récurrent que la F1 n’a plus réussi à résoudre. Les trois nouvelles équipes inscrites en 2010 ont fait long feu, et désormais, la survie même de la discipline est en jeu car, hormis les gros constructeurs, dont la F1 n'est qu'une activité annexe, plusieurs équipes comme Williams sont sur la corde raide.

Images/sources : unracedf1, flickr, wikimedia

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Pour résumer

Dans les années 80 et 90, la France était une des grandes forces en présence dans la Formule 1. Mais pour les petits indépendants, se maintenir dans la catégorie reine nécessitait une chasse permanente aux sponsors et si possible de puissants appuis politiques.

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