En 2002, la Formule 1 est en train de vivre sa troisième saison de domination de Ferrari et Michael Schumacher. McLaren qui a remporté le titre constructeur en 1998 et le titre pilote avec Häkkinen en 98 et 99 ne peut pas empêcher cette main-mise de la Scuderia. Surtout en 2002, McLaren ne signe qu'une seule victoire (Coulthard à Monaco) et se fait passer par Williams avec Montoya et Ralf Schumacher.
La MP4-17, conçue par Adrian Newey et Neil Oatley est sans doute trop conservatrice pour faire face à l'arme rouge conçue par Rory Byrne et Ross Brawn, la F2002. La décision est alors pris d'oser. Newey et Oatley vont oser justement. La MP4-18 sera radicale. Ce n'est pas une évolution de la MP4-17 mais une nouvelle voiture. Les suspensions avant sont une "révolution" ce qui causera en grande partie les soucis de cette monoplace.
L'avant est plus fin avec un aileron qui commence à se courber en plusieurs "vagues". Surtout, les pontons s'affinent et là aussi le travail aérodynamique est important. La MP4-18 a surtout un nez qui plonge vers le sol quand la mode est encore aux nez hauts. Le capot arrière est bas et Mercedes doit s'adapter avec un nouveau moteur, à l'étroit.
Cette monoplace est clairement un grand pas en avant pour McLaren. Revenons aux suspensions. Sauber a introduit la notion de "double quille". La quille en Formule 1 c'est quoi ? Sous le museau de la voiture, une excroissance, comme une quille de bateau, permet d'attacher le bras inférieur des suspensions et d'avoir une géométrie particulière (flèche rouge).
Sauf que cela perturbe le flux aérodynamique au centre du museau. Sauber, suivi par McLaren mais aussi Arrows ou Jordan, introduit la notion de double quille. Là, il y a une quille de chaque côté et non plus une quille centrale. Le gain aérodynamique est là, sauf que côté rigidité, ce n'est pas évident. Rory Byrne chez Ferrari se refusera longtemps à passer à la double quille pour ces questions de rigidité structurelle.
Un début de saison avec la MP4-17D
A l'époque, les écuries peuvent encore débuter la saison avec la monoplace de l'année passée. Ils introduisent leur nouvelle monoplace (ou une évolution de la précédente) après quelques grands-prix. Pour McLaren, la MP4-18 est prévue pour le Grand-Prix de Saint Marin à Imola. C'est la 4e levée de la F1 et surtout la première épreuve européenne.
Au début de la saison, à Melbourne, McLaren l'emporte avec Coulthard et la "vieille" MP4-17 avec les dernières évolutions (la version D). L'écurie de Woking signe même un podium avec Kimi Räikkônen 3e derrière Montoya. Rebelote en Malaisie à Sepang. Mais cette fois, c'est Ice man qui décroche sa toute première victoire en carrière. Il devance les deux Ferrari.
Pour Ferrari, cela tourne un peu vinaigre ce début de 2003. La F2002 est clairement dépassée et les rouges attendent la F2003-GA (hommage à Giovanni Agnelli décédé début 2003).
De gros accidents, un moteur à l'agonie
Finalement, la McLaren MP4-18 n'est pas alignée à Saint Marin où Ferrari l'emporte avec Schumacher, juste devant Räikkönen et McLaren. Il faut dire que lors des essais, la voiture se montre instable, rétive. Räikkönen comme Wurz (pilote d'essais avec De La Rosa) connaissent des accidents. De plus, la finesse des pontons et des entrées d'air réduites provoquent des surchauffes du V10 FO 110P de Mercedes qui est fragile comme du verre.
Alexander Wurz raconte que les moteurs cassaient sans cesse. Surtout, en essai à Jerez, la voiture s'est littéralement coupée en deux, fond plat effondré. Lors d'une casse moteur, un flexible de frein est coupé, Wurz tire tout droit au virage 1 du Paul Ricard. Heureusement que cela arrive sur ce virage et ce circuit. Il y a de la place depuis la transformation du Castellet par Philippe Gurdjian.
Comble de tout, la voiture ne passe pas le crash-test FIA et ne peut donc pas être homologuée. Qu'à cela ne tienne, McLaren garde sa MP4-17D, qui fait illusion en piste, et retourne au travail. La MP4-18 est alors reprogrammée pour juillet, à Silverstone. Pendant ce temps, Ferrari avec Schumacher et Barichello, puis Williams avec Montoya et "Monsieur frère" Schumacher trustent les victoires. Räikkönen est le seul de McLaren à surnager grâce à sa régularité dans les points.
Wurz continue les essais. A Silverstone, la voiture est si rapide que les attaches des roues ne supportent pas la charge dans les enchaînements à grande vitesse. Au virage du Bridge, la suspension arrière s'affaisse et c'est de nouveau l'accident. La voiture est une nouvelle fois coupée en deux. Ce sera son dernier essai en piste à cette voiture dangereuse. Mais McLaren ne le sait pas encore.
L'entêtement de Newey
Newey est convaincu d'avoir raison. Mais la voiture ne passe, une nouvelle fois, pas les crash-tests FIA. Elle est pourtant rapide, bien plus que la MP4-17D, et désormais les soucis de chauffe du moteur sont réglés. Sauf que McLaren n'arrive pas régler les problèmes liés à la double quille, des pontons fragiles, et au museau fin. Un dernier échec d'homologation fait que la voiture qui est prévue pour la toute fin du championnat (les 3 derniers GP) ne prendra jamais officiellement la piste en F1.
McLaren termine 2003 avec la MP4-17D finalement pas si mauvaise. D'ailleurs, il s'en faut de peu pour que Kimi ne devienne champion du monde à la place de Schumacher. McLaren termine 3e du championnat derrière Ferrari champion et Williams 2nd.
Mais la fin de l'année fut compliquée. En effet, Mercedes avait arrêté de produire des pièces pour le moteur de 2002, pour basculer sur le moteur de 2003, spécifique à la MP4-18. A la mi-saison, les mécanos devaient faire "les poubelles" pour retrouver des pièces capables de faire un grand-prix. Au Nürburgring (GP d'Europe), Kimi, en pole, voit son moteur partir en fumée. S'il avait gagné ce GP...
Radicale, comme son concepteur, Adrian Newey
La McLaren MP4-18 est partie au musée comme l'un des plus gros échecs de l'écurie. C'est pourtant elle qui jettera les bases des monoplaces de la décennie qui suivra. Newey montre avec cette MP4-18 qui n'a jamais couru, à la fois son talent indéniable, mais aussi ce qui est sans doute son plus grand défaut, sa radicalité et l'absence de volonté de compromis.
Il devra quand même en faire pour dessiner la MP4-19. C'est une MP4-18 moins radicale. Il aura fallu une saison blanche et un trou dans l'enchaînement des numéros de monoplaces McLaren pour qu'il concède un minimum de choses. Entre le lancement de la série des MP4 avec la MP4-1 en 1982, et la fin avec la MP4-31 de 2016, seul le numéro 18 n'aura donc jamais été aligné officiellement en course.
Parti après la saison 2005 de chez McLaren, Newey récidive chez Red Bull en signant des monoplaces ultra-pointues en termes de châssis et d'aérodynamisme. L'arrivée des moteurs V6 1600 cm3 turbo hybrides fera resurgir les vieux démons avec un concept radical ne permettant pas à l'unité de puissance Renault de correctement se refroidir. Comme déjà à l'époque des V10 et V8 Mercedes chez McLaren.
La McLaren MP4-18 ressort de temps en temps en exposition comme au Festival of Speed de Goodwood 2011 (cf. galerie).