Vers un malus selon le poids du véhicule ?
par Thibaut Emme

Vers un malus selon le poids du véhicule ?

Tout part d'un rapport de France Stratégie qui recommande d'introduire une taxe en fonction de la masse des véhicules. Deux amendements au PLF 2020 ont été déposés en ce sens et adoptés en commission.

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Plus d'une dizaine de députés ont déposé deux amendements au Projet de Loi de Finances 2020 (PLF) en vu d'introduire la notion de masse du véhicule dans la taxation dite "malus automobile". Le but ? Forcer les constructeurs à alléger les véhicules, ou plus prosaïquement, viser les SUV et autres pachydermes de la route.

Saisie pour avis de recevabilité, la commission du développement durable de l'Assemblée Nationale juge conforme la demande d'amendement. Toutefois, quelques aménagements ont déjà été faits dans cet amendement (qui n'est pas encore adopté NDLA).

Un malus à partir de 1 300 kg

Dans le résumé sommaire de l'amendement, les dépositaires ne se cachent pas. Ils visent les SUV : "(...) le poids moyen des voitures neuves a considérablement augmenté – de 10 kg par an en 50 ans en France –, au point de surcompenser la baisse des émissions gagnée via l’optimisation des rendements des moteurs ou l’amélioration de l’aérodynamique. Il a été tiré vers le haut par l’augmentation très forte des ventes de SUV, jusqu’à 1 fois et demie à deux fois plus lourds que des citadines standards, qui comptent aujourd’hui pour un tiers du marché européen (40 % du marché français). La réduction des ventes en motorisations diesel - pour les raisons sanitaires et écologiques que nous connaissons - et la faible croissance de celles de l’électrique contribuent à faire de ces véhicules de véritables gouffres énergétiques".

1500 € pour un Peugeot 3008...

Sauf qu'introduire la masse dans un calcul de taxe est forcément glissant. En effet, certaines familles n'ont d'autres choix que de prendre un véhicule plus lourd car plus grand. Dans ce cas, l'amendement prévoit - comme le malus CO2 actuel - un "bonus" pour les familles. Ici, ce serait 300 kg pour les enfants.

L'autre point à ne pas oublier, c'est que les véhicules électriques, vantés pour leur "propreté" (à l'échappement seulement NDLA) sont plus lourds que leur équivalent thermique. Pour ne pas taxer des véhicules qui bénéficient d'un bonus CO2, l'amendement précisait qu'il faudrait prendre en compte une masse supérieure de 400 kg pour les VE.

Après le passage en commission, ni les hybrides rechargeables ni les véhicules électriques ne seront finalement visés par ce malus à la masse. Dommage, car cela avait le mérite de viser les gros VE de plus de 2,5 tonnes avec par exemple un "malus masse" de 10 000 euros pour les e-Tron et autres Tesla Model X.

Venons-en à la douloureuse. L'amendement prévoit déjà un malus très très corsé. En effet, la limite de poids fixé pour ne pas avoir de malus serait de 1 300 kg ! Autant dire que sorti des compactes (et encore) aucune voiture n'échapperait à un malus masse. Et l'addition grimpe très vite. Pour 50 kg de plus, 750 € de malus en plus. Ainsi un Peugeot 3008 un peu équipé se verrait taxer de 1500 €. Solution ? Se rabattre sur les "entrées de gamme", 100 à 150 kg moins lourdes, mais moins équipées.

Obligation de passer au gabarit inférieur ?

Mais, il n'y a pas que les SUV qui soient "lourds". En effet, une simple Renault Talisman peut aller au-delà des 1500 kg selon les versions. Soit, selon l'amendement, un malus proposé de 3000 € ! Si on dispose de la "réfaction famille nombreuse", cela passe. Mais pour un couple ou un célibataire cela impose de payer plus de 10% de taxe, ou de passer à un modèle plus petit. En clair, vous n'avez plus le choix du gabarit du véhicule.

Ce nouveau malus au poids serait en outre en contradiction avec le malus CO2. Ainsi une Porsche 718 Cayman se voit malussée de 10 500 euros (bientôt 12 500 € avec le malus 2020) mais, est "vertueuse" selon ce nouveau "malus masse" puisque affichée à 1 335 kg DIN en boîte mécanique. Alors ? Polluante ou vertueuse ? Schizophrénie et grand écart ne gènent visiblement pas nos chers députés.

Cette proposition passe encore à côté de l'essentiel : les NOx et les particules ! Pour le moment seul le CO2 est visé, et ici la masse. Rappelons tout de même que la consommation et la masse sont corrélées et que les véhicules lourds sont souvent déjà taxés par le malus CO2, en plus d'être taxés à chaque passage à la pompe à carburant.

Réduisons la sécurité et le confort des véhicules

Autre point non négligeable : quelles sont les raisons de l'augmentation de la masse des véhicules ? La première est le renforcement de la sécurité passive des véhicules. Des zones d'absorption de choc, des renforts dans tous les sens pour rigidifier les caisses, etc. Tout cela pèse. On pourra ensuite rajouter les moult airbags, radars pour freinage d'urgence, caméras, senseurs, etc.

L'autre explication de la prise de poids, c'est le confort. Il est déjà loin le temps où on entendait bien le moteur passé 110 km/h ("Ah, au moins, on est sûrs qu'on n'est pas en panne !" disait Coluche dans son sketch de l'auto-stoppeur). Vitres avec film acoustique, isolants phoniques, absorbeurs de vibrations un peu partout autour de l'habitacle, fauteuils électriques chauffants, massant, avec mousses très denses, etc.

Enfin, n'oublions pas la lutte contre la pollution. En effet, pour rendre les véhicules moins polluants, les constructeurs ajoutent tout un tas de composant pour réduire les NOx, les particules, etc. Ce faisant, on alourdit le véhicule.

En montrant du doigt le poids des véhicules, ces députés visent en les nommant les SUV. Mais oublient que même les berlines pèsent désormais plus lourds que leurs devancières. Pour alléger le poids, les constructeurs auront plusieurs choix. Soit utiliser des aciers de plus en plus techniques (comme Mitsubishi avec sa Space Star de 905 kg maximum), et donc augmenter le prix, soit enlever des isolants, du confort, des équipements. Mais, les acheteurs plébiscitent les véhicules équipés. Qui accepterait de rouler en AX de 630 kg aujourd'hui ?

Augmentation de la fracture sociale automobile

En rajoutant une taxe supplémentaire, cet amendement creusera un peu plus le fossé entre ceux qui pourront se payer un Audi Q8 (exemple pris par l'amendement) qui prendra deux malus pour un cumul de plus de 16 000 € et ceux qui devront se contenter d'un véhicule de gamme inférieur pour ne pas payer ce nouveau "malus à la masse". Ou comment accentuer la "fracture sociale automobile". Et en cas de choc, le véhicule de 2 tonnes est toujours physiquement favorisé par rapport à celui de 1,3 tonne.

A quand le malus sur le poids des conducteurs ? Ou l'obligation de choisir dans une catégorie particulière en fonction de sa situation ? "Light is right" ok, mais pas n'importe comment. Allez, tous en Velocar Mochet !

L'amendement doit désormais passer devant l'Assemblée Nationale, mais il est accueilli plutôt favorablement. Taper sur les SUV est à la mode et la pseudo-écologie punitive aussi. D'ici à ce qu'il soit adopter il n'y a qu'un pas.

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Pour résumer

Tout part d'un rapport de France Stratégie qui recommande d'introduire une taxe en fonction de la masse des véhicules. Deux amendements au PLF 2020 ont été déposés en ce sens et adoptés en commission.

Thibaut Emme
Rédacteur
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