Le revers de la filière Red Bull
Avant d'arriver dans la "discipline reine", le parcours de Jean-Eric Vergne fut une trajectoire quasi parfaite : champion de Formule Campus 2007, champion de Formule Renault en 2008, tout en intégrant la filière Red Bull. Puis un titre probant dans le réputé championnat d'Angleterre de F3 en 2010 avec Carlin et un titre de vice-champion de Formule Renault 3.5 l'année suivante. JEV participe en 2011 à des essais libres de certains grands prix puis aux Rookie tests d'Abu Dhabi avec Red Bull, où il fait forte impression, ce qui lui ouvre les portes de la F1.
Vergne passe trois saisons chez Toro Rosso. Parfois irrégulier, parfois malchanceux mais capable de très belles prestations, il tient la comparaison avec son équipier Daniel Ricciardo. Pourtant en 2013, quand Red Bull doit choisir le remplaçant de Mark Webber, la préférence de Helmut Marko va au souriant Australien qui a su signer des grosses performances au bon moment. JEV a flanché mentalement et n'a pas réussi à s'épanouir dans l’environnement F1. En 2014, il repart pour une 3e saison avec Toro Rosso, où il cohabite désormais avec le russe Daniil Kyvat. Globalement, sur l'ensemble de la saison, le français domine le russe et réalise quelques belles courses (notamment à Singapour avec un final splendide). Vettel annonce son départ de Red Bull, une porte s'ouvre...mais se referme brutalement. Kyvat est préféré à JEV pour rejoindre Ricciardo et les arrivées de Max Verstappen et Carlos Sainz Jr chez Toro Rosso condamnent le français, qui quitte la F1 par la petite porte. Une éviction sans doute injuste car le francilien avait montré de belles choses et a raté des opportunités. Écarté du giron Red Bull, victime de la diplomatie au bulldozer de tonton Helmut, Vergne connaît alors une énorme passage à vide, "un trou noir mental" comme il le dit. Son poste de pilote d'essai chez Ferrari, très symbolique, ne peut combler la déception. Tout est à refaire.
Résurrection électrique
Mais justement, les carrières sont faites de destins entrecroisés. Suite à un contrôle antidopage positif, Frank Montagny perd son volant chez Andretti Autosport en Formule E, alors que le championnat n'en est encore qu'à ses débuts. Bien qu'il soit à ce moment en discussions pour un baquet en Indycar, JEV accepte de remplacer son compatriote, réalise trois poles et obtient deux podiums. Il rejoint DS Virgin Racing pour la saison 2015-2016 mais n'a pourtant pas encore tiré un trait sur la F1. Il se retrouve en lice pour un volant au sein de la nouvelle écurie américaine Haas F1 et reçoit même l'appui du grand Mario Andretti, mais cela ne suffit pas, Grosjean et Gutierrez étant finalement retenus par le team américain. Vergne, tout en investissant également l'Endurance en LMP2 avec succès chez G-Drive, persiste en Formule E où son pilotage audacieux fait merveille. Un choix judicieux, qui s'inscrit dans la continuité et la stabilité avec l'équipe DS, reprise par des capitaux chinois et devenue DS-Techeetah." J'ai pu grandir en tant que personne et que pilote, plus que si j'avais intégré n'importe quelle autre équipe".
On connaît la suite : 8 victoires et deux titres mondiaux plus tard JEV est désormais l'un des pilotes les plus en vue du moment. L'an passé, Marko lui aurait même proposé de revenir chez Toro Rosso (proposition faite également à Sebastien Buemi, autre ex-pilote de la filière Red Bull jeté comme une chaussette et désormais épanoui en FE) mais le français a gentiment décliné. On comprend bien pourquoi ! Comme disait César, il vaut mieux être premier dans son village que second à Rome !
L'émotion, très palpable sur son visage après la finale stressante de New York, était à la hauteur de l'exploit accompli et du chemin parcouru depuis 2014. Une belle revanche, qui annonce d'autres belles années.
Images : Red Bull, Formula E