Rétro F1 89 : première pour le V10 Renault à Montréal !
par Nicolas Anderbegani

Rétro F1 89 : première pour le V10 Renault à Montréal !

Au grand prix d'Australie 1986 rugissaient les derniers V6 Turbo du Losange. Après l'arrêt de l'équipe constructeur fin 1985, l'activité motoriste cessait à son tour un an plus tard avec une certaine amertume. Le constructeur français avait arrêté les frais en l'absence d'un partenariat solide avec un team de haut niveau. Mais c'était reculer pour mieux sauter !

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de l'audace, toujours de l'audace

Renault avait achevé sa première période historique en F1 avec la fierté d'avoir introduit la révolution turbo, un bilan flatteur de 20 victoires mais un terrible sentiment d'inachevé, aucun titre n'ayant été acquis entre 1979 et 1986. Toutefois, dès la fin de la saison, la Régie avalise en coulisses le maintien d'une "cellule de veille" à Viry-Châtillon. Sous la direction de Bernard Dudot, qui conserve les cerveaux de l'aventure turbo, une équipe travaille ainsi sur un projet de moteur atmosphérique, puisque la F1 a annoncé l'interdiction des moteurs turbocompressés à partir de la saison 1989.

Renault choisit de développer un V10, qui semble offrir le meilleur compromis entre puissance, poids, couple et consommation de carburant. A une époque où la F1 propose encore une certaine diversité, les options techniques sont nombreuses. Pour la nouvelle ère atmo de 1989, la plupart des équipes sont motorisées par les V8 Ford Cosworth ou Judd, tandis que Honda fait le même choix que Renault en optant pour un V10. Quant à Ferrari, elle revient au légendaire V12 mais en le couplant à une boîte de vitesses semi-automatique qui fera école.

L'entente cordiale

C'est en Juin 1988 que Renault annonce son retour officiel...avec Williams ! Alors que Lotus avait espéré un moment renouer avec son ancien partenaire, le losange choisit la puissante écurie de Grove, qui, orpheline du motoriste Honda parti chez McLaren, effectue en 1988 une saison de transition avec le faible moteur Judd. Mais Williams a des ressources techniques, humaines et financières que l'ancienne équipe de Colin Chapman n'est plus capable de proposer. Williams obtient de plus l'exclusivité des moteurs français pour 1989 et n'a pas hésité à se séparer de Motul pour travailler avec Elf. Cette alliance franco-britannique fait jaser, surtout côté français, où s’exprime un certain chauvinisme.

Un patron en particulier ne décolère pas: c'est Guy Ligier. Avec son équipe "nationale" soutenue par l’État et de généreuses subventions, Ligier espérait obtenir le moteur Renault en faisant vibrer la fibre patriotique. Mais les piètres résultats de l'équipe française en 1987 et 1988 ne plaidaient pas en sa faveur. Ligier finira par obtenir ce fameux moteur en 1992, sous l'ère Cyril de Rouvre, mais ce sera pour mieux être mangée par l'ogre Briatore deux ans plus tard.

A l'heure de la globalisation économique et de l'internationalisation, Renault ne veut plus jouer la carte du "franco-français", ce qui se confirme aussi dans le choix des pilotes. Aux côtés du vétéran Riccardo Patrèse, Renault a appuyé la candidature du belge Thierry Boutsen pour remplacer Nigel Mansell, parti chez Ferrari. Auréolé de deux saisons convaincantes avec Benetton, l'espoir bruxellois à la fois rapide, affable et francophone, correspond parfaitement à la stratégie marketing du constructeur français, qui veut renforcer son positionnement Européen alors que le marché économique continental va croître considérablement avec l'espace Schengen et le futur traité de Maastricht.

Débuts prometteurs

Williams aligne en début de saison une évolution de la monoplace de 1988, la FW12C, qui se montre immédiatement performante avec le V10 Renault, même si la fiabilité n'est pas encore au point. Dès l'ouverture de la saison à Rio, Patrèse se place en première ligne, mène les 15 premiers tours et réalise le meilleur tour ! Une 4e place encourageante est décrochée par Boutsen à Imola, avant que Patrèse n'enchaîne avec deux secondes places au Mexique et à Détroit.

Arrive le grand prix du Canada, où les Williams ont signé de bons chronos de qualification avec les 3e et 6e places. Lors de la procédure du second départ (le 1er est annulé car Berger a calé sur la grille), une bévue de la direction de course a permis à Mansell et Nannini, qui partaient des stands, de s'élancer avant le reste du peloton ! La course commence sur une piste très glissante et Patrèse, chaussé en pneus rainurés, profite des premiers tours un peu chaotiques pour se retrouver en tête. Au 10e tour, à la faveur d'arrêts aux stands, les deux Williams caracolent devant avec Senna en chasseur ! La piste commence à s'assécher et l'avance de Patrèse se réduit, alors que plusieurs pilotes décident de chausser des slicks. Patrèse poursuit néanmoins sa route et bien lui prend car vers le 18e tour, la pluie revient et redouble de violence ! Ainsi, au 25e tour, l'Italien se "balade" en tête avec 25" sur Warwick et presque une minute sur Senna !

La danse de la pluie

Au 33e tour, Boutsen part en toupie dans la ligne droite qui ramène vers les stands mais s'en sort miraculeusement. La pluie redouble d'intensité et dans ces conditions, la maestria de Senna prend le dessus. Le brésilien passe en tête quand Patrèse s'arrête aux stands et creuse irrémédiablement l'écart. Qui plus est, la Williams de l'Italien commence à se détériorer avec un carénage baladeur qui provoque un énorme sous-virage. Ralenti, Patrèse est rattrapé puis dépassé par Boutsen à l'épingle au 61e tour, mais l'accrochage est passé très près ! Puis soudain, au 67e tour, le moteur Honda de Senna se déchire et c'est l'abandon ! Boutsen, revenu de nulle part, récupère une victoire chanceuse et inespérée, sa première en 95 grands prix. C'est aussi la première victoire d'une longue série pour le V10 3.5 Litres Renault, qui se poursuivra jusqu'en 1994 avant de passer le relais aux V10 3 Litres à partir de 1995. Ceux-ci poursuivront avec brio la saga des moteurs Renault en F1.

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Au grand prix d'Australie 1986 rugissaient les derniers V6 Turbo du Losange. Après l'arrêt de l'équipe constructeur fin 1985, l'activité motoriste cessait à son tour un an plus tard avec une certaine amertume. Le constructeur français avait arrêté les frais en l'absence d'un partenariat solide avec un team de haut niveau. Mais c'était reculer pour mieux sauter !

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