Niki Lauda en 10 grands prix
par Nicolas Anderbegani

Niki Lauda en 10 grands prix

"La F1 perd un seigneur". Ce sont les mots d'Alain Prost, qui fut son équipier et rival chez McLaren. Pragmatique, adepte du franc-parlé et tellement professionnel, Niki Lauda fut une icône de la F1 et un modèle de bravoure. Si le tragique accident de 1976, qui fit le tour du monde, est gravé dans toutes les mémoires, son retour l'éleva au rang de légende, dont le parcours est jalonné d'exploits et de succès. La carrière de Niki Lauda en 10 grands prix, un choix forcément difficile mais ô combien grandiose !

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Monaco 1973 : Lauda se révèle

Niki Lauda est arrivé en F1 par la petite porte. Pas de filière "clé en mains" comme aujourd'hui ou d'argent facile. Bien qu'il soit issu d'une famille aisée, Lauda s'est engagé en sport automobile contre l'avis de son père et a coupé les ponts. Profitant de la notoriété de sa famille en Autriche, il obtient des financements mais s'endette lourdement. Après une saison 1972 bien décevante avec March, Lauda passe chez BRM mais traîne une image de pilote payant. A Monaco, il réalise le 6e temps des essais puis occupe la 3e place en course, tenant en respect la Ferrari de Jacky Ickx. Sa boîte lâche mais la performance n'est pas passée inaperçue, notamment auprès d'un certain Enzo Ferrari. Plus tard, au grand prix du Canada, il mène la course pendant 17 tours, confortant son statut d'étoile montante.

Espagne 1974 : premier récital

Avisé par Clay Reggazzoni, Ferrari a donc recruté Lauda. Ce dernier se montre d'entrée très cash et n'hésite pas à qualifier de "merde" la nouvelle monoplace avec laquelle il effectue ses premiers tours de roues en rouge ! Un franc-parler inhabituel mais qui est vite couronné de succès car Lauda est un travailleur acharné et perfectionniste qui insuffle une énorme émulation, des traits que l'on retrouvera chez Michael Schumacher vingt ans plus tard. La 312 B3 de Mauro Forghieri est une réussite. En Espagne, Lauda prend la tête dans des conditions changeantes et donne une leçon au reste du peloton, en dominant la course de la tête et des épaules. Il devance de 35" son équipier et a mis les McLaren à 1 tour de retard ! Dès 1974, Lauda est en lice pour le titre mais souffre d'une fiabilité incertaine. Il est attendu en 1975 !

Italie 1975 : le titre devant les Tifosis !

Après un début laborieux, la 312T s'est révélée être une véritable machine de guerre. A son volant, Lauda rafle 9 poles et 5 victoires. Personne ne peut lui contester le titre, y compris Emerson Fittipaldi qui saluera en fin de saison son intelligence et ses capacités de metteur au point. En Italie, c'est Clay reggazzoni qui récolte les lauriers devant des tifosis en liesse qui envahissent la piste, mais le vrai héros du jour, c'est Lauda. L'autrichien rejoint au palmarès son idole Jochen Rindt et impressionne par sa maitrise en course, sa régularité. "L'ordinateur" est né !

Allemagne 1976 : L'enfer

Quand le championnat 1976 arrive sur le Nordschleife, la saison semble pliée : en 9 courses, Lauda a signé 8 podiums, dont 5 victoires, et caracole avec 30 points d'avance sur James Hunt. L'ambiance n'est pourtant pas à la fête car le circuit, surnommé "l'enfer vert", est jugé dangereux, obsolète et bien trop long pour permettre une intervention efficace des secours. 3 pilotes s'y sont déjà tués en 1976. Lauda, soutenu par Stewart, milite pour le retrait du circuit du calendrier...

La course démarre sur une piste humide mais qui s'assèche.  Lauda passe aux stands dès la fin du 1er tour pour mettre des slicks et repart le couteau entre les dents pour rattraper son grand rival James Hunt. Dans le second tour, sa Ferrari chasse brutalement dans un gauche rapide, heurte le rail et rebondit sur la piste. Dans le choc, Lauda perd son casque, tandis que Brett Lunger ne peut l'éviter et percute l'épave. La Ferrari s'embrase. Lauda est conscient mais incapable de se détacher, enveloppé dans le brasier. Plusieurs pilotes s'arrêtent désespérés et c'est l'intervention d'Arthurio Merzario qui sera décisive. l'Italien n'hésite pas à plonger dans les flammes et à sortir Lauda, qui est resté prisonnier du feu près d'une minute... Les secours arrivent au bout de dix longues minutes... Transporté en urgence à l’hôpital, l'autrichien est grièvement brûlé mais le plus inquiétant vient de ses poumons, qui ont inhalé les vapeurs d'essence. Dans la nuit du 3 au 4 août, Lauda frôle la mort et reçoit même l'extrême-onction. Mais il trouve des ressources inexplicables pour survivre. Toutefois, pour la plupart des observateurs, il est définitivement perdu pour la F1.

Italie 1976 : l'incroyable retour

6 semaines après la tragédie, Niki Lauda, rétabli au niveau respiratoire, est de retour au volant de sa Ferrari ! Essuyant quelques commentaires acerbes et des questions de journalistes parfois indécentes, l'autrichien veut aussi en remontrer à Enzo Ferrari, qui a suggéré que l'accident n'était pas du à une défaillance mécanique mais à une erreur de pilotage. Et Ferrari a déjà engagé Carlos Reutemann pour le remplacer...

En course, Lauda force l'admiration. Souffrant le martyr en raison de plaies pas encore cicatrisées, il réussit l'exploit de décrocher la 4e place, terminant avec sa cagoule ignifugée en sang. "L'ordinateur", qui a subitement pris une dimension humaine incroyable, donne une leçon de courage mondialement saluée et force le respect de tous, y compris de son adversaire James Hunt qui le juge "extraordinaire".

Japon 1976 : la déchirure Lauda/Ferrari

Sous une pluie diluvienne, le grand prix du Japon sonne le glas des espoirs de titre pour Niki Lauda. Diminué physiquement et traumatisé par l'accident du Nürburgring, l'autrichien craque et rentre aux stands dès le 2e tour, incapable de poursuivre la course dans de telles conditions. James Hunt  (McLaren) décroche le titre.

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A Maranello, la pilule est dure à avaler. L'équipe est loin d'être exempte de tout reproche mais l'état-major de Ferrari veut faire porter le chapeau de la défaite à Lauda, que beaucoup considèrent comme fini. Enzo Ferrari lui en veut également et lui propose même un poste de directeur sportif pour 1977, en lieu et place de sa place de pilote ! Lauda menace de partir pour McLaren et Ferrari se ravise. Cependant, c'est Reutemann qui sera numéro 1 !

USA 1977 : le titre le moins fêté de l'histoire !

En 1977, Lauda tient sa revanche...sur Ferrari ! Humilié par les coups bas, l'ordinateur est intraitable. Sans doute moins rapide qu'avant son accident, Lauda compense par une science de la course parfaite et une régularité de métronome. Reutemann est mis sous l'éteignoir. A Monza, Lauda annonce qu'il quitte la Scuderia, ce qui est vécu comme une trahison par Enzo Ferrari et la presse italienne qui se déchaîne. Aux USA, le transfert chez Brabham, motorisé par les frères ennemis d'Alfa Romeo, est confirmé. Ferrari, ulcéré, traite Lauda de "judas" et purge au sein de la Scuderia les ingénieurs et les mécaniciens qui étaient proches de l'autrichien. Ce dernier termine 4e de la course et décroche un second titre mondial particulièrement amer, sans être félicité par son directeur sportif. Le soir même, il snobe la "fête" organisée par Ferrari et quitte le circuit.

Suède 1978 : victoire à l'aspiration !

L'association Brabham-Alfa Romeo n'est pas aussi fructueuse que voulue. Mais en Suède, la BT46 conçue par Gordon Murray se démarque. Pour contrer la Lotus 79 qui exploite à merveille les principes de l’effet de sol, Gordon Murray conçoit un système astucieux de ventilateur, qui sert à la fois au refroidissement du moteur mais aussi à générer de l’effet de sol par aspiration. En course, la voiture surclasse la concurrence, Niki Lauda passant la Lotus d’Andretti par l’extérieur dans un virage et s’imposant largement. Face à la bronca des autres équipes et au risque que sa position à la tête de la FOCA soit fragilisée, Ecclestone fait machine arrière et la FISA interdit rapidement le système développé par Murray. La saison suivante est un désastre, avec un succession interminable de pannes mécaniques. Au Canada, Lauda effectue quelques tours puis,désabusé, claque subitement la porte et quitte la F1 pour se consacrer à sa compagnie aérienne.

Portugal 1984: le championnat le plus serré

Revenu en 1982 avec McLaren, Niki Lauda a fort à faire en 1984 avec l'arrivée à ses côtés d'Alain Prost. Le français est intrinsèquement plus rapide, surtout en qualifications, mais Lauda compense en course par sa légendaire régularité et sa maîtrise absolue de la course. Ainsi, au grand prix d'Autriche, il parvient enfin à l'emporter chez lui avec une boîte de vitesses bloquée sur la 4e rapport pendant plus de la moitié de la course.

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Au Portugal, Prost l'emporte mais Lauda, second, rafle son 3e titre mondial pour un demi-point seulement. Un score infime lié à l’interruption du grand prix de Monaco, pour lequel Prost ne s'était vu attribuer que 4,5 points au lieu de 9. Lauda peut savourer sa performance, chaudement félicité par le français. "L'ordinateur" et le futur "professeur" se sont livrés un duel de toute beauté, propre, plein de respect. Certains signes ne trompent pas: sur le podium d'Estoril, un jeune pilote débutant, 3e, observe les deux champions : c'est Ayrton Senna...

Pays-Bas 1985 : une dernière pour la route

A Zandvoort, à la faveur des arrêts aux stands, Niki Lauda se trouve en tête à la mi-course. Mais derrière, Prost, retardé aux stands par un écrou récalcitrant, remonte comme une balle. Il avale Senna puis grignote tour après tour son retard sur l'autrichien. Quand le français revient dans son sillage, Lauda augmente la pression du turbo, outrepassant les consignes de prudence indiquées par McLaren. Les deux hommes ne se lâchent pas. Au 68e tour, Prost tente une attaque mais Lauda ne lui laisse pas de place et force le français à mettre deux roues dans l'herbe pour éviter l'accrochage. Niki résiste aux derniers assauts et signe sa 25e et dernière victoire en grand prix. A la fin de la saison, n'ayant plus l'envie malgré le appels du pied d'Ecclestone pour retourner chez Brabham, il raccroche définitivement les gants.

Sources : youtube, flickr, pinterest, f1 pics.

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Pour résumer

"La F1 perd un seigneur". Ce sont les mots d'Alain Prost, qui fut son équipier et rival chez McLaren. Pragmatique, adepte du franc-parlé et tellement professionnel, Niki Lauda fut une icône de la F1 et un modèle de bravoure. Si le tragique accident de 1976, qui fit le tour du monde, est gravé dans toutes les mémoires, son retour l'éleva au rang de légende, dont le parcours est jalonné d'exploits et de succès. La carrière de Niki Lauda en 10 grands prix, un choix forcément difficile mais ô combien grandiose !

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