F1 : les consignes chez Ferrari, une vieille histoire
par Nicolas Anderbegani

F1 : les consignes chez Ferrari, une vieille histoire

Force est de constater que, depuis le début de la saison 2019, l'aspect le plus intéressant du championnat est la rivalité interne entre Charles Leclerc et Sebastian Vettel au sein de la Scuderia Ferrari. Les consignes de course dictées cette année par la Scuderia, la dernière en date du dernier grand prix de Chine, ont déjà fait couler pas mal d'encre.

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Leclerc s'affirme

Trois courses et déjà trois cas de consignes de course imposées par Ferrari à Charles Leclerc, la Scuderia ayant clairement annoncé dès les essais hivernaux que Sebastian Vettel serait prioritaire, même en cas de situations "50-50".

  • en Australie, Charles Leclerc se voit intimer l'ordre de suivre sagement son "leader" Sebastian Vettel en fin de course, alors que son rythme était supérieur.
  • A Bahreïn, Charles Leclerc commet son premier acte de désobéissance, en repassant Sebastian Vettel au 6e tour. L'Allemand lui avait chipé la tête au départ et Ferrari avait demandé au monégasque de rester derrière plusieurs tours, mais le jeune prodige reprend immédiatement son bien et aurait pu filer vers la victoire sans ce satané souci moteur.
  • En Chine, Leclerc, 4e au départ, prend un meilleur envol que Vettel mais Ferrari lui demande de laisser passer ce dernier, visiblement plus rapide, pour aller chassez les Mercedes. "Il faut que tu ailles plus vite, sinon tu devras laisser passer Sebastian" a été d'abord communiqué au jeune monégasque, vite remplacé par "Laisse passer Sebastian ! Laisse passer Sebastian !" Une tactique qui se révèle infructueuse puisque Vettel va adopter un rythme insuffisant et que Leclerc, ralenti par cette consigne et maintenu très longtemps en piste avec son train de pneus usé, s'est retrouvé pris au piège de la stratégie de Red Bull qui a permis à Verstappen de lui chiper la 4e place. Leclerc a donc été sacrifié.

Bien que Charles Leclerc fasse montre de sang froid et de maturité, on sent déjà poindre une certaine frustration, notamment dans ses réactions radio. Et après la course, le monégasque n'a pas voulu faire de "commentaire stupide" mais va chercher des explications avec ses ingénieurs. Mattia Binotto, déjà sur la défensive après une entame de championnat bien décevante, a répondu laconiquement "si Charles est en colère, c'est son droit"... Quant à Vettel, il reste assez discret pour l'instant et fait profil bas...Ferrari essaie de maximiser les chances de l'Allemand, après les critiques émises en 2018 sur la gestion interne de ses pilotes, beaucoup estimant que Ferrari n'avait pas clairement institué Vettel en n°1 face à Raikkonen, quand de son côté Mercedes n'avait pas hésité à transformer Bottas en "porteur d'eau" de Lewis Hamilton. Mais Ferrari n'a pas toujours bien géré ce genre de situations et Toto Wolff, au passage, en a rajouté une petite couche histoire de mettre la pression chez les rouges.

Les consignes de course ont toujours fait partie de la F1, même si elles furent interdites à une certaine époque, ce qui avait amené les équipes à utiliser des subterfuges non moins sportifs (arrêts aux stands prolongés, messages cryptés...) Et chez Ferrari, les consignes (ou leur absence quand la situation semblait l'imposer) c'est une vieille histoire !

Imola 1982, la fracture tragique

Grand prix de San Marin. En raison d'un conflit qui oppose la FISA (la fédération présidée par l'omnipotent Balestre) et la FOCA (association des constructeurs, dirigée par Ecclestone) sur fond de bras de fer règlementaire, la plupart des équipes, anglo-saxonnes surtout, boycottent la course, qui va se jouer entre Renault et Ferrari. Or, les voitures du losange sont rapidement hors jeu et Ferrari se retrouve en position de réaliser un doublé à domicile. Didier Pironi et Gilles Villeneuve se disputent férocement la tête et le québecois prend les commandes au 49e tour après un dépassement musclé. Au tour suivant, le stand Ferrari présente un panneau "SLOW" au duo. Villeneuve considère que ce panneau, qui invite les pilotes à la prudence sur leur mécanique et leur consommation, est une façon de figer les positions mais Pironi ne l'entend pas de cette oreille et passe à l'attaque. Villeneuve, surpris, réagit, le duel intense reprend mais le Français a le dernier mot.

Sur le podium, le contraste est saisissant entre la joie de Pironi et la colère contenue de Villeneuve, qui se sent trahi. Ferrari est coupé en deux: Marco Piccini, le directeur sportif, défend Pironi qui n'a pas l'intention d'être traité en numéro 2, alors que le canadien peut compter sur le soutien du Commendatore, qui considère presque Gilles comme son fils. mais la rupture est consommée entre les deux pilotes. Villeneuve considère désormais Pironi comme un ennemi et rumine sa vengeance. Au grand prix suivant, à Zolder, Villeneuve tente le tout pour le tout afin de subtiliser la pole position à Pironi mais, sur une incompréhension, il percute à haute vitesse la March de Jochen Mass et se trouve projeté hors de sa monoplace. Villeneuve est tué sur le coup...

Estoril 1990, le vrai début du divorce Prost-Ferrari

GP du Portugal. Les Ferrari monopolisent la 1ère ligne, avec Mansell et Prost, devant les McLaren. Prost a besoin de gagner pour se rapprocher de Senna et conserver des chances de remporter le titre mondial. Mais au départ, c'est la cata ! Mansell, surpris par le réglage de sa boîte de vitesses, patine allègrement, part en glissade et tasse contre le mur son équipier Prost, qui est obligé de lever le pied, ce qui permet aux McLaren de passer. Mansell l'emporte finalement devant Senna et Prost, qui est ulcéré. Devant les micros, le Français en vient même à suspecter un complot interne et assène que "Ferrari ne mérite pas de gagner" car l'équipe ne l'aide pas et n'a pas donné de consignes claires à Mansell pour s'effacer. L'ambiance dans la Scuderia est délétère. Alain Prost n'arrive pas à recréer avec Ferrari le cocon qu'il s'était forgé chez McLaren et sera pris dans un maelstrom politique interne qui le dépassera. Le torchon brûle avec Cesare Fiorio, le directeur sportif, et se consumera jusqu'à la fin de la saison 1991.

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Autriche 2002, Schumi et Ferrari hués

En Autriche, 6e course du championnat, Michael Schumacher arrive serein. La F2002 écrase la concurrence et le Kaiser, vainqueur de 4 des 5 premières courses,  compte déjà 21 points d'avance sur Montoya. Qui plus est, Schumacher a une équipe entièrement dévouée à sa personne et ce n'est pas son équipier, le gentil Rubens Barrichello, qui va entraver sa marche triomphale. Le brésilien est un n°2 officiel, point barre. Mais sur le circuit de l'A1-Ring, c'est le weekend de Rubens. Auteur de la pole position, Barrichello domine outrageusement la course, alors que Schumacher est 2e, devant son rival Montoya. Barrichello entame le dernier virage du 71e et dernier tour quand, soudain, à deux cent mètres de la ligne, il saute sur les freins et laisse passer Schumacher ! La consigne donnée par le pragmatique Jean Todt est très claire mais sur le podium, c'est la bronca : les tribunes sifflent copieusement Schumacher qui, décontenancé, fait monter Barrichello à sa place sur la première marche, sous le regard narquois de Montoya...Quand les pilotes arrivent en conférence de presse, sifflets des médias ! Du jamais vu ! Barrichello était en négociations pour sa prolongation de contrat et a du ravaler sa fierté, il le dira ainsi en conférence de presse. C'est bien lui néanmoins qui décida de céder sa position de manière aussi spectaculaire - pour quel le public comprenne. Ferrari reçut une amende de 1 million de dollars et les instances légiférèrent par la suite pour essayer d'éviter ce genre d'incident très préjudiciable au sport.

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Hockenheim 2010, "Fernando is faster than you"

Fernando Alonso arrive en messie au sein de la Scuderia et impose rapidement ses marques, au détriment de Felipe Massa. Le brésilien s'est remis de son terrible accident de Budapest en 2009 (il avait reçu un ressort de suspensions dans le casque) mais doit se résigner à subir la loi du taureau des Asturies, qui ne s'est pas gêné pour faire la place : au grand prix de Chine, l'Asturien a passé Massa dans l'entrée des stands pour être ravitaillé en premier ! En Allemagne, le brésilien semble retrouver sa superbe. Après un excellent départ, il mène la course jusqu'au 48e tour, quand il reçoit cette communication radio : « Fernando est plus rapide que toi. Peux-tu me confirmer que tu as compris le message ? » Au tour suivant, Massa lève légèrement le pied et laisse passer Alonso, qui remporte la course. Ferrari écope par la suite d'une amende de 100 000 dollars. Les équipes réfléchiront par la suite à des consignes plus discrètes, comme le fameux "Multi 21" de Red Bull, que Vettel ne respectera pas contre Webber en 2013 !

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Monza 2018, un fiasco évitable ?

Ferrari arrive à Monza en favori, après la démonstration effectuée par Vettel à Spa. La SF71 est clairement la meilleure monoplace, grâce à son puissant V6 Turbo. Lors des qualifications, petite surprise puisque c'est Kimi Raikkonen qui réalise la pole devant son leader Vettel. l'Allemand ne cache pas sa frustration et pointe du doigt la stratégie de Ferrari, qui aurait du le privilégier pour les qualifications :

Ingénieur:

« Oui ! Deuxième, deuxième, et Kimi en pole position. Premier et deuxième ! Beau boulot. »

Sebastian Vettel:

« On en parle après... »

Le lendemain, au départ, Raikkonen, visiblement remonté depuis qu'il sait que Ferrari ne le conservera pas pour 2019, conserve la tête en gênant Vettel, qui se retrouve exposé à une attaque d'Hamilton. Ce dernier, toujours très rusé, tente un dépassement à la 2e chicane sur l'Allemand qui résiste mais part en tête à queue et voit s'envoler de gros points. Après l'échec d'Hockenheim, la défaite à domicile de Ferrari sera l'autre tournant du championnat.

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Vettel, sous pression et fragilisé, va accumuler les bourdes et ouvrir un boulevard à Hamilton pour son 5e titre. Maurizio Arrivabene est alors vivement critiqué pour ne pas avoir suffisamment protégé le leader Vettel et imposé des consignes d'équipes. Un incident qui a sans doute pesé dans la politique menée par la Scuderia depuis le début de la saison 2019. Mais Leclerc n'est pas Raikkonen...

Images : Ferrari, F1

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Pour résumer

Force est de constater que, depuis le début de la saison 2019, l'aspect le plus intéressant du championnat est la rivalité interne entre Charles Leclerc et Sebastian Vettel au sein de la Scuderia Ferrari. Les consignes de course dictées cette année par la Scuderia, la dernière en date du dernier grand prix de Chine, ont déjà fait couler pas mal d'encre.

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