PGO a-t-il un avenir ?
par Thibaut Emme

PGO a-t-il un avenir ?

Alors que l'on pensait PGO reparti pour un tour, voilà que les gros nuages noirs s'amoncellent de nouveau. Pourtant le fiasco était (est ?) évitable.

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Plus de 10 années de tangage

Des petits constructeurs artisanaux, la France en avait beaucoup jusqu'au sortir de la seconde guerre mondiale. Puis, l'histoire a fait qu'ils ont soit disparus, soit été absorbés et dissous. Désormais, un constructeur artisanal en France, cela relève de l'exploit. PGO est de ceux-là. Parti sur un revival de la Porsche 356, le Speedster PGO s'est forgé au fil des années une bonne réputation.

Malheureusement, les normes et les péripéties successives ont fini par voir le constructeur de Saint-Christol-lès-Alès (Gard) être "sauvé" par un investisseur Koweïtien, Symex, associé à Naser International et Al Atlas For Cars. C'était en 2005 et depuis, la galère a vogué tant bien que mal.

Après l'épisode Zouhir Boudemagh qui a joué les Dany Bahar miniature (modèle de dirigeant dispendieux s'il en est), l'espoir est revenu avec le retour du DG, Loïc Perois. On est fin 2017 et Symex promet 4,2 millions d'euros pour relancer la marque. Après tout, pourquoi acheter 51% des actions sur le marché libre si c'est pour ne pas investir derrière ?

La relation avec Symex se détériore

Si l’on se réfère aux documents de l’AG de septembre 2018 (voir les liens en bas de page), l'argent n’arrive pas comme prévu. De plus, l'automobile voit de nouvelles normes être mises en place et PGO n'y coupe pas. Les PGO ne sont plus homologuées !

Pourtant, la demande est là. Sans compter que les possesseurs de PGO viennent faire leur entretien et les réparations chez PGO. Cela devrait donc être un cercle vertueux avec à la fois des ventes de voitures neuves, et des réparations ou vente de pièces pour les voitures en circulation. Sauf que pour vendre des voitures neuves, il faut faire une nouvelle homologation moteur et cela coûte de l'argent.

Nerf de la guerre, l'argent ne vient donc pas. C'est pourquoi, Loïc Perois se voit dans l'obligation de protéger les intérêts des salariés de l'entreprise. Il y a urgence. Même pas 10 voitures en 2017, 34 salariés. 1,5 million d'euros rien qu'en salaires+charges sociales alors que le chiffre d'affaire officiel est de 311 368 euros. Forcément, c'est mathématique, les dettes s'accumulent ! Plus de 14 millions d'euros selon ce même document des comptes annuels à fin 2017. Il y a vraiment urgence.

Le 4 octobre 2018, Symex verse 1,6 million d'euros du reliquat comme le précise le jugement du tribunal du 27 novembre 2018. Peut-être un versement qui arrive trop tard pour le fonctionnement en place ?

La cessation de paiement cassée le 27 novembre 2018

Le juge du Tribunal de Commerce de Nîmes conforte Symex dans son rôle d'investisseur. Symex peut faire opposition à la déclaration de cessation de paiement. Il faut dire que la dette est détenue par Symex lui-même. En l'état, le juge ne considère pas Symex comme un créancier mais comme "une réserve de crédit". De plus, Symex s'est engagé devant le Tribunal à "remettre en fonctionnement sa ligne de production afin de développer de nouveaux marchés dont de façon prioritaire le marché chinois, ce qui correspond à une nouvelle réserve de crédit".

Loïc Perois révoqué

Le 14 janvier 2019, l'Assemblée Générale est convoquée. Le but est de démettre Loïc Perois de ses fonctions "en raison de la perte de confiance découlant de ses manquements". A sa place, il est proposé de nommer Thierry-Yves Philippe. Sans présumer des qualités de Monsieur Philippe, on peut s'étonner que l'on nomme à la tête d'un constructeur automobile quelqu'un qui n'est absolument pas de la partie.

En effet, T-Y Philippe se décrivait il y a peu comme un spécialiste du cuir. Il a cofondé Pôme, marque de maroquinerie de luxe. Mais, il a dirigé et dirige de nouveau des fonds d'investissement qui se penchent sur des marques de luxe et secteur associé. Une marque automobile, pourquoi pas ?

Mais, si le but est de faire de PGO une marque automobile de luxe, il y a du chemin. Non pas que les voitures ne sont pas bonnes, loin de là même. Mais vu l'état actuel de PGO, il va falloir investir plus que quelques kopecks. Outre les dettes de plus de 14 millions d'euros, il faut restaurer la confiance des fournisseurs avec des factures honorées rubis sur l'ongle.

Lors de cette AG mixte de mi-janvier dernier, la dissolution anticipée de la société a été rejetée. Toutefois, les actionnaires se sont engagés à ramener la situation financière dans les clous d'ici la fin de l'exercice 2020. En gros "que les capitaux propres (soient) reconstitués à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social".

Actuellement, les capitaux propres annoncés fin exercice de 2017 sont de -10,5 millions pour un capital social de 57,5 millions. Il faut donc que PGO génère 39,2 millions d'euros de capitaux propres d'ici fin 2020 comme l'indique le rapport de gestion sous peine de mesures radicales.

Quelles pistes pour PGO ? La Chine ? Le luxe ?

On peut trouver tout de même dommage de ne pas avoir laissé Loïc Perois développer PGO. Fidèle à l'esprit du constructeur d'Alès et surtout, connaisseur et amoureux de l'automobile il avait pourtant lancé des projets pour sauver PGO de l'ornière dans laquelle il est.

Désormais quoi ? Une nouvelle homologation moteur pour l'Europe ? Un passage à l'électrique moins contraignant en terme d'homologation justement ? De quoi faire sauter au plafond les clients de PGO non ?

Une production intégralement dédiée à l'export ? Certains pays sont moins regardant sur les émissions polluantes. "Des véhicules de démonstration sont d'ores et déjà prévus en livraison en Chine auprès d'un importateur" évoque le rapport des comptes annuels 2017. Sans compter les propos devant le Tribunal de Commerce de Nîmes qui évoquent encore la Chine.

La nomination de Thierry-Yves Philippe, issu du monde du luxe, est-elle un indice sur la volonté de Symex de transformer PGO en officine de "luxe à la française" ? PGO va-t-il devoir "perdre son âme" et abandonner son côté artisanal abordable quitte à renier son passé récent ?

Sources :

PV de l’AG PGO Automobiles du 14-01-2019

Jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 novembre 2018

Comptes annuels 2017 PGO Automobiles

Rapport de gestion pour l’année 2017 PGO Automobiles

Illustration : PGO

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Pour résumer

Alors que l'on pensait PGO reparti pour un tour, voilà que les gros nuages noirs s'amoncellent de nouveau. Pourtant le fiasco était (est ?) évitable.

Thibaut Emme
Rédacteur
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