L'arrestation de Carlos Ghosn prend de plus en plus les allures d'une lutte quasi fratricide pour obtenir ou maintenir son pouvoir non pas au sein de l'Alliance, mais directement au sein de Nissan, dans une farouche opposition entre les deux hommes de tête.
Ghosn voulait-il écarter Saikawa ?
Des sources proches du dossier indiquent désormais que Ghosn planifiait de démettre de ses fonctions Hiroto Saikawa, PDG de Nissan, avant d'être arrêté au Japon le mois dernier pour inconduite financière présumée.
Ghosn, qui était alors président de Nissan envisageait de restructurer le management. La mise en place d'un nouveau PDG faisait partie du plan directeur, ont également indiqué deux personnes au fait du dossier.
La chronologie du remaniement ne semble néanmoins pas claire. Une des sources a déclaré que Carlos Ghosn prévoyait de discuter de la réorganisation lors d'un voyage au Japon qui aurait été effectué en novembre pour une mise en œuvre au printemps prochain.
"Il se préparait pour un remaniement qui allait affecter Saikawa", a déclaré l'autre source. Ajoutant que ceci constituait la voie à la mise en place d'un autre PDG.
Mais au final, Ghosn n'aura peut être pas assez anticipé la trahison de Brutus ... lequel aurait mieux anticipé sa possible éviction par son ancien mentor. En tout état de cause, Ghosn n'aura pas eu l'opportunité de discuter de la question avec le conseil d’administration de Nissan. Placé en détention avant de pouvoir s'exprimer sur ce dossier.
Reste tout de même que tout projet visant à supprimer Saikawa nécessiterait l'approbation du conseil. Interrogé sur le dossier, un porte-parole de Nissan a déclaré que le constructeur ne pouvait commenter une telle rumeur « d'une nature hautement spéculative".
La gestion de Nissan critiquée par Ghosn
Si l'on en croit les sources, Ghosn souhaitait réorganiser la direction de Nissan, en raison notamment de la mauvaise performance financière enregistrée par le constructeur sous Saikawa. Pour rappel, le bénéfice d’exploitation de Nissan a diminué de 17% au cours de la première moitié de l’exercice clos le 30 septembre 2018.
Ghosn aurait également critiqué le traitement par Saikawa du scandale des contrôles et inspections avant mise en circulation au Japon. Lequel a nui au bénéfice et obligé Nissan à rappeler plus d'un million de véhicules sur son marché intérieur.
Malgré les efforts déployés pour résoudre les problèmes, Nissan continue de dissimuler de nouvelles erreurs d’inspection. Sa dernière annonce a été effectuée le 7 décembre, déclenchant 150 000 rappels supplémentaires.
Une des sources invoque également l’âge de Saikawa. Agé de 65 ans , il approche de la retraite, alors que Ghosn comptabilise 64 printemps.
Saikawa désormais dans le même sac que Ghosn ?
Si quand on veut tuer son chien, on affirme qu'il a la rage …. on oublie parfois que la rage est une maladie contagieuse …. Ainsi, Saikawa lui-même pourrait être soumis pris dans la tourmente des accusations d'inconduite financière reprochées à Carlos Ghosn. Les médias japonais rapportent ainsi que Nissan devrait être inculpé aux côtés du dirigeant de Renault pour avoir falsifié la présentation de ses revenus dans des rapports officiels.
Depuis qu'il est devenu PDG de Nissan, Saikawa a rapidement pris à revers une grande partie de la stratégie de Ghosn consistant à fixer des objectifs chiffrés ambitieux. Il a également critiqué l’incitation de Ghosn à donner la priorité à la part de marché et au volume sur des marchés clés tels que les États-Unis, souvent au détriment de la rentabilité.
Le précédent plan d’entreprise de Nissan, lancé par Ghosn en 2011, prévoyait une série d’objectifs en matière de ventes et de parts de marché, y compris la cible - controversée - d’une part de marché américaine de 10% au 31 mars 2017.
Appelé Power 88, le plan tire son nom de ses deux objectifs chiffrés : une marge d’exploitation de 8% ainsi une part de marché mondiale de 8%. aucun de ces deux objectifs n'a été atteint.
Sources : Wall Street Journal, Automotive News