Les constructeurs qui ne parviennent pas à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre risquent de devoir s'acquitter de lourdes amendes auprès de l’Union européenne avec la mise en place du WLTP. Ils pourraient être ainsi redevables de très coquettes sommes dans le cadre d'infractions à la législation européenne sur les émissions. C'est ce qu'il ressort en effet des conclusions d'une étude menée par IHS Markit.
De très lourdes amendes, néfastes pour la santé financière
Une nouvelle analyse d'IHS Markit suggère que les constructeurs automobiles qui ne respectent pas les normes d'émissions de CO2 en vigueur en 2021 pour la flotte de véhicules de tourisme vendus dans l'Union européenne pourraient se voir infliger plus de 14 milliards d'euros (16 milliards de dollars) à cette date.
Les législateurs de l'Union européenne (UE) imposent en effet un nouvel objectif d'émissions de CO2 pour le parc de véhicules de tourisme de 95 g / km, dont la mise en œuvre doit débuter en 2020 pour une mise en application complète en 2021 dans le cadre de la procédure de tests des véhicules légers harmonisée au niveau mondial (WLTP). Les nouvelles flottes de voitures particulières qui ne respectent pas les normes seront passibles d'amendes importantes tant en 2020 qu'en 2021.
Selon IHS Markit, 27 constructeurs pourraient se « partager » la facture des 14 milliards d’euros dûe en 2021 en raison de la non-conformité. Ceci, malgré leurs efforts menés en vue construire une stratégie permettant d'obtenir des crédits carbones et le financement d'investissements dans l'hybridation et l'électrification. Le tout en continuant de travailler parallèlement sur la mise en place de solutions leur permettant de se conformer aux exigences. Vaste défi … d'autant plus qu'il leur faudra tout à la fois rentabiliser leurs investissements, en produisant des produits attrayants avec suffisamment de demandes, dans un calendrier compatible avec celui de la mise en conformité.
Si les constructeurs ne sont pas en mesure d'atteindre les objectifs de conformité à temps, IHS Markit prévoit que la valeur moyenne des amendes pourrait atteindre 624 € par véhicule à la fin de 2020, avec une augmentation de 190 € en 2021, compte-tenu du passage en WLTP.
PSA et Renault les plus exposés à ce type d'amendes
Les constructeurs, de Renault à Daimler, maison-mère de Mercedes-Benz, pourraient ainsi voir leurs résultats très sérieusement amputés s'ils ne se conforment pas à la réglementation plus stricte adoptée, souligne le prévisionniste dans son rapport.
Auparavant, les analystes d’Exane BNP Paribas avaient indiqué que les constructeurs français PSA Group et Renault étaient les plus exposés à ce type d'amendes. Les violations à la réglementation causeraient un tel impact sur les bénéfices des constructeurs que le scénario selon lequel ils ne pourraient satisfaire aux nouvelles exigences ne constituerait même plus une option envisageable. Car trop lourd financièrement …
Or, seul un changement de la demande de véhicules électrifiés comparable à « un véritable séisme » permettrait d'éliminer complètement les émissions excessives prévues, a toutefois indiqué IHS Markit.
Avertissement de Carlos Ghosn en février dernier
En février dernier, déjà, le patron de Renault, Carlos Ghosn avait lancé un avertissement sur l'ampleur des coûts induits par la mise en place de la procédure WLTP lors de la publication des résultats du groupe. « Il y a beaucoup d’incertitudes, nous ne savons pas à quel rythme les autorisations seront données, ni si les consommateurs seront prêts à payer » avait-t-il ainsi déclaré. Laissant ainsi entendre que les résultats 2018 pourraient être impactés par de telles mesures.
Porte ouverte à un cheval de Troie chinois selon le patron de PSA
Selon Carlos Tavares, le président du groupe PSA, les amendes qui seront infligées par l’Union européenne aux constructeurs qui n’atteindront pas leurs objectifs de réduction des émissions de CO2 pourraient affaiblir financièrement un grand constructeur européen, pouvant même conduire à le mettre « sur les genoux ». Une fragilité qui pourrait être exploitée par un acquéreur chinois. Celui-ci pourrait profiter de l’aubaine – la valeur boursière dudit constructeur devenant alors alléchante – pour pouvoir s’introduire au sein d’un groupe automobile européen avec sa propre technologie de véhicules électriques.
« L’impact est tout à fait évident. Cela va créer un cheval de Troie chinois en Europe », avait ainsi averti Carlos Tavares. Rappelons à cet égard que PSA est lui-même détenu à 12,2% par le chinois Dongfeng Motor.
Des propos énoncés tant comme patron de PSA que comme président de l’ACEA, groupe de pression de l’industrie automobile européenne, lors d’un événement organisé par le magazine automobile français Le Journal de l’Auto.
Carlos Tavares ne mâchait pas ses mots, pointant du doigt les décideurs politiques, leur reprochant de ne pas avoir anticipé l’impact négatif qui pourrait être induit par les objectifs de l’UE en matière de CO2 à l’horizon 2020. De là à leur imputer une responsabilité si une telle situation se produisait d’ici quelques mois …. il n’y a qu’un pas.
Reste effectivement que le patron de PSA a raison de s’alarmer, la pratique du « Cheval de Troie » étant très usitée quoi qu’on en dise …. avec pour net avantage d’être plus discrète … et donc plus insidieuse. A noter également, que le vaillant chevalier chinois pourrait même être vu comme un sauveur dans le cas d’une éventuelle reprise ou association financière avec un constructeur en difficultés.
Hausse des émissions de CO2 avec l'abandon progressif du diesel
Les constructeurs automobiles étaient au courant depuis des années du changement imminent de la politique de l’UE, mais beaucoup ont du mal à réduire leurs moyennes d'émissions de dioxyde de carbone rappellent IHS Markit.
En 2017, les émissions de CO2 ont augmenté pour la première fois, alors que les acheteurs abandonnaient les véhicules diesel, relativement économes en carburant, au profit des véhicules à essence, à la suite de la fraude liée aux émissions de Volkswagen. Les consommateurs ont également acheté davantage de SUV énergivores.
IHS a par ailleurs indiqué que ses prévisions 2021 indiquaient un niveau d'émission moyen de la flotte de véhicules circulant dans l'Union Européenne de 122,9 grammes de CO2 par kilomètre, soit 8 grammes de plus que l'objectif ajusté. Un chiffre qui permet d'extrapoler la valeur des amendes qui seront alors exigées.
Des prévisions ajustables en fonction des avancées technologiques
"Alors que nous continuons à suivre les développements technologiques du constructeur automobile et tout ajustement réglementaire, nos prévisions peuvent être ajustées en conséquence", a déclaré IHS. Ouvrant ainsi la porte à des jours meilleurs alors que les constructeurs envisagent de proposer de nouveaux véhicules électriques - tels que le multi-segment Mercedes EQ C - ainsi que de perfectionner la technologie des moteurs existants.
La mise en œuvre d’autres technologies, telles que notamment l’éclairage LED, l’encapsulation thermique, les alternateurs hautement efficaces et d’autres technologies pertinentes se révèlent en partie utiles, pour certaines, à palier les conséquences de la chute de la motorisation diesel, ajoute IIHS Markit.
Reste que la route sera longue et semée d'embûches pour les constructeurs : rappelons qu'en septembre 2017, la Commission européenne a lancé dans le cadre de son paquet «Mobilité propre», un objectif commun de réduction des émissions de CO2, de 30% d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de -15% en 2025.
Sources : IHS Markit, Bloomberg, Les Echos, ACEA, Journal de l’Auto, Automobilwoche