Le groupe Oreca est hyper présent aux 24 heures du Mans, on peut se demander où tu vas te situer durant la course, alors que l’entreprise est tout aussi impliquée chez Toyota que chez Rebellion, sans compter tous les clients en LMP2. Alors, peux-tu nous expliquer comment tu vas te positionner pour éviter de te voir accusé de conflit d’intérêts, sachant que nous souhaitons ensuite détailler le programme suisse. « Ecoute, nous avons des partenariats et des accords différents. Avec Toyota notre accord concerne la stratégie en course et l’exploitation des voitures sur le circuit. On ne participe aucunement à la conception des voitures, on n’est pas du tout impliqué dans la construction des voitures. A l’inverse, chez Rebellion le nouveau règlement a donné l’opportunité à des constructeurs de voitures de course comme Oreca, de construire des LMP1. Nous avons donc construit une voiture que l’on a confiée à l’équipe Rebellion, qui exploitait des LMP2 l’année dernière. Nous apportons un support technique à cette équipe. C’est vrai, nous sommes dans deux équipes, mais d’une part ce sont deux équipes différentes, avec des rôles complètement différents et surtout. Il faut bien dire Toyota est beaucoup plus fort et a une expérience depuis longtemps ici au Mans, en y exploitant une technologie différente, donc il n’y a pas vraiment de concurrence entre Toyota et Rebellion. » Tu choisis donc la place de challenger, alors que tu attends la victoire Toyota depuis des années. Ton cœur va-t-il résister à de telles tensions émotionnelles ? Ta satisfaction la plus grande, serait-elle de voir triompher le constructeur avec Rebellion ou le prestataire avec Toyota ? « Bon, alors très sincèrement en tous les cas en 2018, j’espère que Toyota puisse remporter cette course car ils la méritent. On travaille beaucoup ensemble, c’est vraiment une course qu’ils doivent gagner et ça serait incroyable qu’ils ne la gagnent pas. Quant à moi, je serai le premier à les applaudir. Pour être bien clair, Rebellion ne peut gagner que si il y a des opportunités mais la logique fait que Toyota est beaucoup plus fort. » Concentrons-nous sur Rebellion. Quand avez-vous chez Oreca lancé le programme de la R13 ? Combien de personnes y sont impliquées ? « Nous avons lancé ce programme en septembre dernier quand le nouveau règlement de l’ACO a été officiel. Alors là on a mis toutes les forces d’Oreca, c’est-à-dire le bureau d’études et toute l’équipe de conception. Aujourd’hui, Oreca Technologie c’est 70 à 80 personnes sur les 240 que compte le groupe et tout le monde a été impliqué à des moments différents. » Peux-tu nous détailler la philosophie du projet et nous décrire les phases de la construction. Au sein d’Oreca le programme Rebellion est-il complétement distinct de la production des LMP2 ? Comment les choses s’articulent-elles puisqu’il y a bien des similitudes entre les LMP2 et la LMP1 ? « Oui, il y a des similitudes parce que dans un délai aussi court il a bien fallu s’adapter. Pour concevoir et réaliser une LMP1 il faut 14 mois. Nous avions moitié moins de temps, alors nous avons établi un cahier des charges pour une auto fiable et nous avons décidé qu’il y aurait des choses que nous n’allions pas réinventer mais optimiser. La LMP1 est néanmoins très différente, puisqu’à 80% elle est nouvelle et, si beaucoup de pièces se ressemblent, elles sont différentes par suite d’optimisation. » Avez-vous évolué sur l’auto depuis le prologue ? Combien d’essais typés 24 heures avez-vous réalisé ? « Oui, on a forcément évolué parce que la voiture a été posée par terre au moment du prologue. Depuis le prologue ça a été une course sans arrêt, pourrait-on dire. On est allé faire des essais à Magny-Cours. Ensuite nous sommes allés courir à Spa. A peine revenus, nous sommes repartis à Monza pour d’autres essais, avant d’arriver ici pour la journée test. Tu imagines bien que ça a été un peu une course contre la montre. La voiture a évolué depuis le prologue de façon positive. Nous n’avons pas pu réaliser un test grandeur nature 24 heures car dans le temps imparti c’était impossible, mais nous sommes relativement confiants sur tout ce nous avons découvert et résolu entre temps. » Pour que nos lecteurs comprennent bien les choses, ici au Mans pour l’exploitation combien de personnes issues d’Oreca interviennent, à quels postes ? Et toi là-dedans où seras-tu, avec quel pouvoir ? Qui manage directement ? Comment, en fait le team est-il structuré ? « Rebellion est structuré très facilement avec le patron du team, Bart Hayden, qui a conservé toute l’équipe de mécaniciens et de personnels d’interventions diverses , qu’il manageait déjà avec les LMP2. Là où Oreca est présent, c’est sur toute la partie technique avec les ingénieurs des voitures, les ingénieurs des systèmes. Rebellion c’est un team qui travaille un peu façon commando avec une parfaite osmose entre l’équipe d’exploitation Rebellion et l’équipe du bureau d’études d’Oreca. Tout ça fonctionne très bien. Le rôle d’Hugues de Chaunac est d’être un observateur, qui note tout ce qu’il voit et ne veut surtout pas être opérationnel. » Ta grande expérience (combien de fois au Mans ?) t’autorise à nous parler des règlements, alors que penses-tu (en nous les précisant) des équivalences assez complexes établies entre hybrides et non-hybrides ? Comment pressens-tu l’évolution du nouveau règlement 2020 ou plutôt, comment penses-tu qu’il doive évoluer ? « Oui ça doit être mes 20èmes 24 heures (il faudrait que je vérifie). Cela a toujours été très difficile d’établir des équivalences entre des technologies assez différentes. Avant c’était diesel-essence, maintenant ces hybride-non hybride et c’est toujours très compliqué. Maintenant doit arriver un règlement pour 2020, qui doit permettre de réduire nettement les coûts, qui doit permettre aussi d’avoir des voitures qui aérodynamiquement seront beaucoup plus des ‘Silhouette’, ce qui une très bonne chose. Le plus important c’est de souhaiter que les budgets puissent rester très raisonnables. » Et Oreca ? « Oreca sera présent et a plusieurs idées quant à cette évolution et à la nouvelle voiture. » Parlons des LMP2, où la bagarre va être intense, peux-tu nous faire part de ton analyse et de tes espoirs ? « Mes espoirs, c’est évidemment de maintenir les succès de l’Oreca, puisque ça fait 3 ans de suite que l’on a gagné les 24 heures du Mans en LMP2. La volonté c’est de pouvoir continuer sur cette dynamique. On va avoir une très belle course, très disputée, les teams de LMP2 sont d’un très haut niveau, tous sont très affutés. Je crois que ce sera une très belle course à voir. » L’endurance est en pleine mutation comment vois-tu le développement d’Oreca au plan mondial puisque je crois vous êtes implantés en Asie et aux USA ? « Asie et USA c’est déjà beaucoup. Je pense que l’image que donne l’endurance, celle que véhicule mondialement les 24 heures du Mans, justifient qu’Oreca doive se diversifier dans ces régions du monde. Notre développement aux USA, notre victoire la saison dernière en Asian Series nous y aident. » Actuellement, en tout, Oreca compte 240 salariés, ici au Mans combien êtes-vous ? « En plus des personnels techniques nous avons aussi des intervenants sur le secteur événementiel et en tout, cela doit représenter 90 personnes, présentes sur le site du Mans. » On sent toujours la même passion doublée d’une immense expérience alors, tu penses rester Président jusqu’à quel âge ? « Tant que le bon Dieu et très gentil avec moi et me donne vie, je n’ai pas de limite. J’ai toujours plein de projets dans la tête. J’ai de la chance d’avoir une très bonne forme physique à maintenir, donc j’essaie de faire ce qu’il faut. Passionné par ce métier, c’est pas demain matin que je vais m’arrêter. » |