Sébastien pouvez-vous parler de la naissance de la Ligier JS P217, de son évolution 2018 et de sa mise sur roues pour les prochaines 24 heures ? « La Ligier JS P217 est née de la réglementation LMP2 ACO FIA de 2015. On est parti d’une feuille blanche avec 4 constructeurs (Dallara, Multimatic, Oreca et Onroak Automotive). Ce fut un beau challenge parce qu’il y avait beaucoup de nouveautés techniques par rapport à l’ancienne génération. Nous avons commencé à travailler dessus en juin 2015 et la voiture est sortie de production fin 2016, suite à l’homologation qui a duré quasiment un an et demi. Nous avons la configuration Sprint qui permet de disputer les championnats WEC et ELMS et aussi les courses aux Etats Unis. Effectivement le règlement prévoit une configuration très spécifique, réservée aux 24 heures du Mans. Ce que l’on appelle le kit Le Mans, concerne essentiellement l’aéro de la voiture, parce que l’on prend des vitesses de pointe de 330 km/h dans les Hunaudières. Ce kit nous permet de réduire un peu la trainée, tout en gardant un niveau de charge intéressant pour pouvoir passer les virages Porsche sans dommage. Il faut ajouter à cela une restriction financière, c’est-à-dire que le kit doit être vendu pour 10 000 euros. Ce fut un beau défi technique à relever, puisque le kit doit se monter sur la voiture de base sans autre modification. » Vous avez été amenés à procéder à une évolution entre Le Mans 2017 et cette année, comment cela s’est-il passé ? « Notre voiture était bien née en Sprint puisque nous avons gagné la première course de championnat ELMS mais nous avons constaté qu’au Mans nous avions sous-estimé les objectifs aéro. Nous avons dû revoir notre copie afin de proposer un nouveau kit Le Mans pour cette année, pour combler le déficit de vitesse de pointe constaté en 2017. Le travail a débuté dès après les 24 heures 2017 afin de générer différentes configurations et optimiser les performances au travers d’un plan de test conséquent en CFD. Nous avons modifié le capot avant, les conduits de refroidissement de freins et la lame, pour essayer d’apporter plus d’efficacité à la voiture. Ce travail s’est opéré avec HP Composites et Exa (calculs CFD), partenaires précieux.Nous avons travaillé non-stop en juillet-août-septembre, pour proposer une nouvelle définition à l’ACO, qui a validé le spectre de nos évolutions avec un passage en soufflerie le 22 décembre 2017. Après la journée test le week end dernier nous avons noté avec satisfaction que nous avions gagné en vitesse de pointe, gagné en stabilité. Donc, la voiture est saine, maintenant nous sommes en train de dépouiller toutes les datas pour tirer la quintessence de tous les tests qui ont été faits et définir le meilleur set-up pour la course. » Alors, pour ces 24 heures comment Onroak Automotive intervient-il, au profit de combien de voitures ? « Nous avons 8 Ligier JS P217 engagées par 6 équipes clientes. Toutes ces Ligier JS P217 sont sur le même pied d’égalité. Toutes les équipes ont le même niveau d’information. La mission d’Onroak Automotive est d’apporter le même support pour tout le monde, afin que chaque voiture en fonction du niveau de l’équipage et de la préparation de l’équipe, puisse aller chercher le meilleur résultat possible. » Qui dépouille les datas des 8 équipes roulant sur des Ligier ? « Chaque équipe réalise un débriefing pour effectivement analyser quel réglage a le mieux fonctionné. Chaque équipe a son petit jardin secret mais on peut, de notre côté, apporter notre expertise en termes de réglages au niveau de l’aéro, de la mécanique, de la dégradation des pneus. » Et vous, quelle place occupez-vous dans le dispositif ? « Moi, j’interviens sur la partie technique et le support client. Je suis les voitures de près pour voir si les performances sont bien celles attendues, si les équipes suivent la meilleure stratégie possible. Je suis les équipes aussi au niveau des pièces de réserve en liaison avec notre équipe en interne, parce qu’avec 8 voitures ça représente un gros volume à préparer et à anticiper. J'ai également un échange permanent avec l’ACO et la FIA pour la partie technique et les clients pour la partie sportive et commerciale. » Comment répartissez-vous le personnel Onroak Automotive dans les différents teams ? « En fonction des équipes et à la demande, des ingénieurs et des mécaniciens Onroak Automotive sont mis à disposition pour venir en soutien des équipes lors de la préparation et de l’exploitation des voitures durant une course ou une saison. » Au départ donc, vous avez livré des autos et des kits Le Mans complètement identiques ? « Pour le kit il n’y a pas d’option possible, il concerne principalement l’avant de la voiture. On le voit avec les ailes plus prononcées et une partie avant un peu différente. Après toutes les options de set-up : hauteur de caisse, amortissement… sont libres. Pour notre part nous guidons les teams, on leur donne la fenêtre opérationnelle normalement la plus efficace mais après, c’est leur voiture, c’est leur gestion. Alors, ils sont libres de suivre ou non, nos conseils.» Vous avez certainement une plus grande proximité avec tel ou tel team ? « Honnêtement nous avons une très bonne relation avec toutes les équipes qui font confiance à notre Ligier JS P217. Pour Onroak Automotive, c’est important de soutenir toutes ces équipes, qu’elles soient composées de pilotes professionnels ou de gentlemen drivers. En ELMS par exemple, nous avons d’excellentes relations avec United Autosports, qui est notre agent Ligier en Angleterre, mais aussi avec l’équipe française Panis-Barthez Compétition qui nous fait confiance depuis son arrivée en LMP2 en 2016, avec Algarve Pro Racing avec qui nous collaborons depuis 2015 et IDEC Sport Racing depuis 2014 avec les Ligier JS 53 Evo 2. Nous essayons toujours d’avoir la même écoute et la même réactivité pour chacune des équipes. » Et vous Sébastien, avec qui serez-vous en liaison pendant la course, combien écouterez-vous de radios ? « Pendant la course je serai basé dans le camion support client et je circule régulièrement dans tous les boxes de nos équipes pour voir comment cela se passe. Je suis la stratégie des équipes sur mon PC. J’ai effectivement la radio du Race-control pour les faits de course et les différentes radios des voitures Ligier, pour voir s’il y a un problème, justement pour comprendre et intervenir le plus rapidement. En fait, je suis quasiment le seul à avoir la vision globale et si on voit surgir un problème sur une voiture qui pourrait être potentiellement un problème pour les autres Ligier, mon rôle c’est de pouvoir répercuter l’info sur les autres équipes pour essayer d’anticiper au maximum. » |