C'est en 1983 que Toyota présente la cinquième itération de sa berline Corolla, avec pour principal changement le recours à la traction, là où ses aînées restaient fidèles à la propulsion. Avec 3,3 millions d'unités produites, c'est un succès. Et c'est certainement la Corolla la plus diffusée, toutes générations confondues. Mais à côté de la traditionnelle carrosserie cinq portes à hayon, le constructeur propose également une déclinaison trois portes.
Et celle-ci se présente soit sous la forme d'un vrai coupé (ou liftback), soit sous une carrosserie de type hatchback à hayon plongeant. Sur le sol nippon, plusieurs versions seront proposées. L'AE85, sans réelles velléités sportives, possède un moteur quatre cylindres en ligne à simple arbre à cames. Celui de l'AE86 en revanche est à double arbre. Toutes deux sont disponibles en version Levin à phares avant traditionnels ou Sprinter Trueno à feux escamotables.
Mais l'Hachi-Roku (8-6 en Japonais) comme elle est affectueusement nommée sur l'archipel a deux atouts majeurs. Le premier d'entre eux, c'est son moteur répondant au doux nom de code de 4AGE. Ce quatre cylindres à double arbre à cames en tête qui équipe aussi la première génération de MR2 possède en effet une botte secrète. D'une puissance somme toute mesurée de 128 chevaux et 150 Nm, il bénéficie toutefois du système d'admission variable T-VIS (Toyota Variable Intake System). Celui-ci agit sur l'ouverture du collecteur d'admission en fonction du régime moteur. Il en résulte un caractère réjouissant lorsque le système s'active au-dessus des 4 500 trs/minutes.
L'autre atout de l'AE86, c'est son châssis, qui peut recevoir en option un autobloquant. Déjà bien équilibrée à l'origine, elle reçoit des suspensions indépendantes à l'avant ainsi que des barres stabilisatrices sur les deux trains. Les disques de freins, pour leur part, sont ventilés. Pour la partie transmission, seule une boîte manuelle à cinq rapports sera dans un premier temps disponible. Elle sera par la suite épaulée par une boîte automatique à quatre rapports. Enfin, le poids est contenu à 940 kilogrammes, ce qui laisse augurer de performances intéressantes.
Reine du Touge
Hormis le système T-VIS, nous avons donc là une auto sympathique mais dont la conception ne sort pas de l'ordinaire. Pourtant, les adeptes du Touge (route de montagne sinueuse propice aux courses illégales) vont vite mettre à profit le potentiel de l'AE86. Car grâce à son équilibre naturel, elle file très vite la bougresse, et pas toujours dans des positions très catholiques...
Et c'est précisément en tant que reine du drift que l'AE86 a gagné ses lettres de noblesse. Que ce soit dans la vie réelle grâce à un certain Keichi Tsuchiya, ou sur papier glacé via le manga Initial D. Créé par Shuichi Shigeno et sorti en novembre 1995, ce dernier relate les exploits de Takumi Fujiwara, fils d'un livreur de Tofu qui se paie le luxe de ridiculiser tout ce qui roule, Skyline GT-R y compris, sur les routes qu'il emprunte pour ses livraisons.
Romancé ? Bien entendu, mais il n'en reste pas moins que l'AE86 reste une formidable négociante en virages. Bien aidée, il est vrai, par les nombreuses officines de préparation au pays du soleil levant. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à remplacer le 4AGE d'origine par un moteur plus puissant... Un 2ZZ de Celica par exemple.
Pour autant, si la carrière de l'AE86 fut glorieuse au Japon, en France (où elle se nomme Corolla GT Twin Cam 16S, à vos souhaits...) elle connut une carrière confidentielle, puisqu'à peine 250 exemplaires, tous proposés en version hatchback, trouvèrent preneur. Et lorsqu'on en croise dans les petites annonces, comme toute bonne japonaise des années 80, elles ont souvent été grignotées par la rouille. Pour autant, l'AE86 n'est pas chez nous une bonne affaire : sa popularisation la rend même hors de prix...
Mais Toyota a entendu les suppliques de ses fans, en commercialisant en 2012 la GT86, dont le châssis a spécialement été étudié pour rendre honneur à son ancêtre.
Illustrations : Toyota