Si la nuit porte conseil, les vacances auront semble-t-il permis à Angela Merkel de nuancer ses propos à l'encontre du diesel. S'il y a quelques jours à peine la chancelière allemande laissait entendre que la fin du diesel s'avérait inévitable, elle estime désormais que son arrêt ne doit pas être trop brutal. Une déclaration faite par la dirigeante allemande lors d'un forum organisé par le quotidien Bild.
Une manière très certainement de ne pas trop impacter l'industrie allemande alors que les élections fédérales allemandes approchent à grand pas. Les salariés des constructeurs allemands et les employés de leurs sous-traitants sont autant d'électeurs qu'il ne faut pas trop brusquer.
Si la chancelière allemande avait récemment déclaré au magazine allemand Super Illu, que l'Allemagne devrait à terme interdire la mise en circulation de nouveaux véhicules diesel, elle avait admis pour la première fois que la fin du diesel était inéluctable. Mais Angela Merkel met désormais en garde contre toute sortie précipitée du carburant.
Le diesel pour pourvoir atteindre les objectifs climatiques ….
S'exprimant dimanche à la télévision allemande RTL, la responsable politique a déclaré que le diesel s'avérait nécessaire pour pouvoir atteindre les objectifs de protection du climat . Selon la chancelière, les véhicules diesel émettent certes davantage de dioxyde d’azote – au grand dam de nos poumons - mais demeurent toutefois moins émetteurs que l’essence en termes de CO2. Lequel constitue l’un des principaux gaz à l’origine de l’effet de serre et du réchauffement climatique.
... et financiers
Ménager la chèvre et le choux , telle semble être la devise de Merkel. Mais l'exercice s'avère d'autant plus délicat que le jeu se joue autour de 4 acteurs : le gouvernement allemand, les instances internationales, les constructeurs et les consommateurs électeurs.
L'habilité de Merkel réside à unir les intérêts des constructeurs et des consommateurs en laissant entendre qu'une sortie trop brutale du diesel impacterait à la fois les comptes des grands groupes industriels et le portefeuille des citoyens allemands. En effet, une mise au rebut trop rapide des véhicules thermiques pourrait nuire aux constructeurs dans le sens où ils seraient à l'origine de difficulté pour écouler leurs parcs , la mise aux normes pouvant les contraindre à indemniser les consommateurs. Les particuliers ne pourraient quant à eux devoir faire face à une dépréciation trop rapide de leur véhicule qu'entraînerait un changement radical trop précipité.
Au final donc pour Merkel, la stratégie retenue semble être de relancer la croissance en changeant le parc automobile, mais sans nuire au pouvoir d'achat des chers électeurs et de telle manière que l'opération s'avère rentable pour les constructeurs.
Pour cela, Angela Merkel estime désormais qu'il faut rétablir la "confiance dans le diesel". Selon elle, cela est nécessaire pour limiter "la perte de valeur" des voitures concernées. Reconnaissant que les constructeurs "ont commis de grosses fautes, dont certaines relèvent du droit pénal" et d'autres "de l'exploitation de failles" dans les tests anti-pollution, elle déclare toutefois que l'Allemagne souhaite garder une industrie forte et qu'il faut donc "trouver un mélange raisonnable" dans les mesures imposées à ce secteur stratégique d'outre Rhin.
Angela Merkel a par ailleurs assuré mettre "toute son énergie" pour que "les clients ne paient pas la facture" des adaptations techniques proposées par les constructeurs. Qui devraient selon elles in fine "augmenter la valeur" de leurs véhicules.
Faisant par ailleurs remarquer que l'indemnisation plus modérée reçue par les propriétaires de voitures allemandes par rapport à leurs homologues américains était le résultat de systèmes juridiques très différents dans les deux pays, la chancelière a néanmoins déclaré que les constructeurs automobiles allemands devaient indemniser du mieux possible les propriétaires des voitures impactées par le scandale, sinon "l'industrie automobile allemande, admirée dans le monde entier, pourrait subir des dommages substantiels" prévient-elle.
Un secteur automobile très politique
Au delà de l'aspect technique concernant le cruel dilemme entre essence et diesel – Merkel a passé en 1986 sa thèse de doctorat en chimie quantique et a épousé un chimiste de renom – la chancelière peut difficilement s'attirer les foudres du lobby automobile allemand d'autant plus que le secteur représente 800.000 emplois. Il lui faut donc user de diplomatie et de stratégie pour amener une industrie qui a longtemps tablé sur le diesel sans envisager une quelconque transition à se tourner vers de nouvelles motorisations plus écologiques.
Début août, une étape importante a été franchie via la signature d’un accord avec les principaux constructeurs allemands afin de rendre moins polluants 5.3 millions de moteurs diesel.
La mise en place de quotas en question
Mais une question cruciale crée la division : la mise en place de quotas imposant un taux de ventes électriques aux constructeurs. La chancelière a d'ores et déjà rejeté la proposition portée par le leader social-démocrate Martin Schulz, son principal rival dans la campagne. Argument avancé : le système serait trop complexe à mettre en place.
Lundi, la chancelière ne s'est prononcé ni pour un quota européen de voitures électriques, ni pour un abandon programmé des moteurs à combustion, réclamé par les Verts.
L'interdiction des véhicules diesel brandie comme menace
Histoire de motiver les troupes et de faire adhérer constructeurs et consommateurs à sa politique, Angela Merkel n'hésite pas à brandir le spectre d'une éventuelle interdiction des véhicules diesel. Face à une telle menace, toute mesure moins drastique semble en effet plus facilement acceptable.
"Nous faisons en sorte qu'il n'y ait pas d'interdictions de circulation" des voitures diesel dans certaines villes, a-t-elle ainsi répété.
La dirigeante a convié le 4 septembre prochain les communes qui dépassent les seuils de pollution, en vue de "rebâtir pas à pas la confiance dans le diesel" en s'appuyant sur les "changements de logiciels" proposés par les industriels.
Soutien de la production des véhicules électriques
Angela Merkel a quant à elle appelé à une stratégie plus large en vue de soutenir la production de véhicules électriques chez les différents constructeurs. S'arrogeant ainsi en quelque sorte les faveurs de la commission européenne, laquelle s’oppose à toute forme de quota électrique pour « ne pas créer de discrimination » entre les différentes technologies.
Le quotidien - conservateur - Die Welt estime pour sa part qu'il serait pourtant possible de fixer une « échéance raisonnable" pour la fin du diesel, relevant le retard pris par l'Allemagne dans sa conversion aux énergies propres. « Mme la Chine prend ce virage plus vite" fait-il remarquer.
Sources : Bild, Die Welt, AFP
Crédit Photo : VW