Cet article est initialement paru le 29 novembre 2006 sur Le Blog Auto sous le titre "Ode à la Toyota 2000 GT".
Une petite équipe d’ingénieurs est désignée et se met au travail. Après avoir déterminé le concept, Toyota fait appel à Yamaha qui fait, en plus de fabriquer des pianos, profession de sous-traitant pour les constructeurs locaux. L’équipe déménage pour les bureaux de Yamaha, qui prend en charge la réalisation et le développement à partir des bases initiales. La légende veut que la ligne soit l’œuvre de Albrecht Groetz, alors sous contrat avec Yamaha, mais il apparaît aujourd’hui que c’est en réalité un jeune designer de Toyota, Satoru Nozaki, qui a signé le style sublime de la voiture. Clairement sous influence des courants dominants britanniques et italiens de l’époque, la 2000 GT s’en démarque suffisamment pour gagner sa place de grand classique.
Le coupé deux places est construit autour du moteur de la Crown, sommet de la gamme Toyota, placé longitudinalement en position centrale avant. C’est un six cylindres en ligne deux litres, que les orfèvres de Yamaha équipent d’un double arbre à cames en tête et trois carburateurs Mikuni Solex double corps qui, outre le fait d’en tirer 150 ch et une vitesse maxi de plus de 210 km/h, en font une splendide sculpture mécanique. Dire que les Lexus ultra-technologiques d’aujourd’hui cachent leur propulseur sous un couvercle…
Le reste de la conception est également très moderne pour l’époque, avec suspensions indépendantes, quatre freins á disque, un différentiel à glissement limité, une transmission à 5 rapports, et un tableau de bord plaqué en bois précieux, celui dont on fait les pianos. La signature Yamaha, elle est là. Bref, Toyota ne néglige rien pour faire passer le message qu’il faudrait dorénavant compter avec les industriels japonais, comme le fera peu après Soichiro Honda en dépêchant sur les circuits européens ses machines à deux et quatre roues blanches et rouges.
Un succès d'estime... et un échec commercial
Après sa présentation au salon de Tokyo où elle fait forte impression, la Toyota 2000 GT prend rapidement la piste dans les épreuves japonaises. Mais c’est par une série de records de vitesse sur anneau, dont 72 heures à plus de 200 km/h qu’une 2000 GT verte et jaune marque les esprits du public japonais. La Toyota part également se frotter à la concurrence internationale en 1968, prise en charge par nul autre que Carroll Shelby qui l’engage dans la série américaine SCCA ou elle se classe deuxième du championnat derrière une Porsche.
La 2000 GT est une beauté, et comme dans les contes de Hollywood, sa plastique tape dans l’oeil du producteur de James Bond Albert R. Broccoli, en repérage au Japon pour le nouveau 007 « On ne vit que deux fois ». « Tu veux faire du cinéma, petite ? ». Bien sûr. Mais pour qu’on voit mieux Monsieur Connery, la production demande à Toyota de décapsuler le coupé. Le constructeur oblige, et construit deux exemplaires d’un cabriolet qui ne perd pas son attrait dans la manoeuvre, au contraire. Résultat, le public international peut bientôt admirer James conduit à travers Tokyo par la Bond Girl du film, Akiko Wakabayashi, jouant une belle espionne des services secrets nippons. L’équivalent local de Q-san a installé quelques gadgets dans la voiture, et l’Aston DB5, laissée à se morfondre dans quelque entrepôt de Pinewood, se tord de jalousie contre cette beauté asiatique avec laquelle James lui fit une infidélité passagère.
Cependant la célébrité cinématographique ne suffira pas à la Toyota 2000 GT pour percer. Son prix, supérieur à celui des Jaguar E-Type, Porsche et autres sportives établies de l’époque, ne fait rien pour dissiper la méfiance d’un badge largement inconnu hors de l’archipel nippon. Et après une courte carrière de 1967 à 1970 et 337 exemplaires plus loin, dont une soixantaine aux USA et une poignée ailleurs, Toyota baisse le rideau sur la 2000 GT pour laisser le devant de la scène a une autre japonaise qui aura, elle, le succès refusé à la 2000 GT: la Datsun 240 Z.
Crédit illustrations : Le Blog Auto / Toyota