Quelques jours après la conclusion d'un accord encadrant le rôle de l'Etat français au sein de Renault – et ce, après moult péripéties - Carlos Ghosn a déclaré que Renault et Nissan n'étaient "pas prêts pour une fusion". Il n'a toutefois pas exclu totalement qu'une telle structure voit le jour à long terme.
"Je sais que le marché veut une fusion, mais il a sa propre logique et nous avons la nôtre", a ainsi déclaré le PDG de Renault-Nissan lors d'une table ronde avec la presse au siège de Nissan, à Yokohama. Le sujet a été remis sur la table dans le cadre des récentes tensions entre le groupe et l'Etat français.
Carlos Ghosn a par ailleurs tenu à rappeler que "l'idée d'une fusion était déjà apparue en 1999", lors de la naissance de l'alliance. S'il s'agit pour lui d'une "décision facile à prendre", il considère toutefois que sa mise en œuvre n'est pas des plus faciles. Il estime ainsi que l'alliance n'est pas prête à l'heure actuelle pour un tel projet. Selon lui, les deux constructeurs ont "besoin de beaucoup plus de convergences pour imaginer un jour éventuellement une fusion". Bref, la route est longue avant qu'une telle fusion voit le jour, selon le PDG qui a promis de nouvelles synergies entre les deux groupes en 2016.
Observant que demeurent ici et là les craintes d'une Nissan-isation de Renault, et d'une Renault-isation de Nissan, Carlos Ghosn estime que l'existence même de telles résistances prouvent que le temps d'un changement de structures n'est pas venu. Le PDG de l'alliance a par ailleurs tenu à rappeler qu'il s'agissait d'un "jalon très important" pour Nissan, dont le principe d'autonomie est désormais "explicitement gravé, avec des conséquences en cas de violation". Rappelons en effet que si Renault devait interférer dans la gouvernance de Nissan, ce dernier pourrait alors porter sa part dans Renault de 15% à 25%, et annuler ainsi les droits de vote du français.
Alors qu'au Japon, certains estiment que Renault profite désormais trop de Nissan, déséquilibrant ainsi l'alliance, Ghosn a déclaré "vouloir éviter tout rapport de force". Rappelant enfin qu'un "PDG supervisant deux compagnies est quelque chose d'assez unique" il a estimé "fort probable qu'à l'avenir ce système ne perdurera pas ». "Il y aura un PDG pour Nissan et un autre pour Renault, et je préfèrerais que mon successeur soit japonais" a-t-il conclu.
Début novembre, emboîtant le pas au « Journal du Dimanche », l'agence de presse Reuters affirmait que l’Etat mettait alors la pression sur Renault et Nissan en vue d' accélérer leur rapprochement et même à fusionner, tout en demandant à l'alliance de s'engager notamment à conserver en France un certain nombre d’implantations industrielles ou de recherche et développement.
Selon la presse, le Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, aurait déjà demandé depuis plusieurs mois à Carlos Ghosn de mettre en place des groupes de travail sur la question. Un dossier d'autant plus politique qu'une fusion permettrait à l'Etat de tenir un rôle prépondérant au sein de l’alliance. Le JDD avait alors évoqué que l’un des scénarios possibles serait la création d’une société unique où cohabiteraient les actionnaires japonais de Nissan et ceux de Renault, l’Etat français y figurant au premier chef. Le journal avait alors laissé entendre que le groupe ainsi constitué pourrait être basé aux Pays-Bas, actuel pays siège de l'alliance, Carlos Ghosn en assurant la direction.
S'exprimant dans Les Echos le 30 octobre dernier, Emmanuel Macron assurait qu’il était "prêt à avoir une discussion ouverte sur l’alliance." Ajoutant que la vision stratégique de l'Etat, "pleinement partagée avec Carlos Ghosn" était "d’aller vers plus d’intégration entre les deux entités. Il faut définir les modalités de ce rapprochement, et cela reste à écrire. C’est une question industrielle et stratégique, la question actionnariale viendra le moment venu."
Sources : AWP, JDD, Reuters, Les Echos
Crédit Illustration : Renault-Nissan