Les temps sont durs pour Michelin. Le groupe de pneumatiques vient en effet d'annoncer une importante réorganisation de ses activités en Europe avec à la clé la fermeture de trois usines, en dehors du territoire français.
Des mesures qui inquiètent fortement les syndicats qui redoutent que la crise économique et la concurrence accrue qui prévalent actuellement ne contraignent l'entreprise à prendre de nouvelles décisions néfastes pour l'emploi. D'ici 2016, Michelin va ainsi fermer son usine de Fossano en Italie et celle de sa filiale Pneu Laurent à Oranienburg en Allemagne. Le site britannique de Ballymena devrait être frappé lui aussi par de telles mesures d'ici la mi-2018. Au total, près de 1.500 salariés sont concernés par ces fermetures. Une provision d'environ 280 millions d'euros sera enregistrée dans les comptes 2015 en vue de financer cette réorganisation.
Selon Florent Menegaux, directeur général des opérations chez Michelin, cette réorganisation est due à l'adaptation de l'entreprise à la baisse du marché du pneumatique poids lourd, lequel "a chuté de 25% depuis 2007 en Europe, en passant de 21 à 16 millions de pneus". Une baisse sévère d'autant plus dure à supporter que parallèlement les ventes de pneus asiatiques progressaient de 108%. Le dirigeant tient par ailleurs à préciser que le marché à l'export se veut également "très difficile", selon ses propres termes. Ajoutant : "la zone Amérique du Sud connaît une chute très forte, la baisse est assez marquée en Asie du Sud-Est et il y a un ralentissement en Europe orientale".
Histoire de rassurer actionnaires et salariés, Florent Menegaux met l'accent sur les nouveaux investissements que Michelin prévoit de réaliser. Tels ceux qui sont programmés en Italie où la fermeture de l'usine de Fossano - qui emploie 400 salariés - est toutefois assortie d'une enveloppe de 180 millions d'euros en vue d'augmenter les volumes des sites de Cuneo et Alessandria. Reste qu'au total, 578 personnes sont concernées par la réorganisation des activités sur le territoire italien d'ici 2020.
Concernant l'Allemagne, Pneu Laurent, filiale du Groupe Michelin prévoit quant à lui de fermer d'ici fin 2016 son usine d'Oranienburg (rechapage de pneus poids lourd), laquelle emploie 180 personnes, et de concentrer l'ensemble de son activité sur son site français d'Avallon.
Au Royaume-Uni, Michelin projette de fermer d'ici mi-2018 l'usine nord-irlandaise de Ballymena (pneus poids lourd), qui compte 860 salariés, invoquant des "coûts de production et d'exploitation trop élevés".
Davy Thompson, du syndicat britannique Unite, a quant à lui indiqué en retour que l'arrêt de Ballymena était "un coup dur pour les salariés à l'approche de Noël" et "une nouvelle dévastatrice pour l'économie de l'Irlande du Nord".
Une petite lueur d'espoir tout de même : 69 millions d'euros seront investis dans l'usine écossaise de Dundee et ses 855 salariés, l'objectif étant d'augmenter sa production de 30% d'ici 2020. 16 millions d'euros seront investis sur le site de anglais Stoke-on-Trent (260 salariés). Ces investissements "entraîneront la création de 110 emplois", assure par ailleurs Michelin. A noter également qu'en Inde, Michelin "renonce temporairement" à son projet d'usine génie civil de Chennai, déjà suspendu en 2013, et va provisionner une charge comptable de 75 millions d'euros.
François Roca, délégué syndical CGT chez Michelin et membre du comité d'entreprise Europe considère pour sa part ses fermetures comme "très inquiétantes car elles représentent de très nombreux d'emplois". Il insiste par ailleurs sur le fait qu'il s'agit non pas "juste des fermetures de services mais des fermetures entières d'usines".
Estimant que ces mesures sont prises "dans une continuité de la politique Michelin qui a fermé ces dix dernières années plusieurs sites en France (Toul, Poitiers, Lille)", ses inquiétudes sont les plus vives quant au devenir de la dernière usine de fabrication de pneus poids lourds en France, à La Roche-sur-Yon. Pour la CGT, il ne s'agit également qu'un début. Le syndicat s'attend à des annonces début 2016, lesquelles pourraient concerner Clermont-Ferrand et son site de La Combaude. Il considère également que les activités de Tours, Monceau-les-Mines et celles du Puy-en-Velay sont aussi dans la balance.
Face à ces nouvelles qui ne laissent présager rien de bon, la direction de Michelin assure toutefois qu'aucune autre fermeture n'est prévue à ce jour et que "tous les dispositifs d'accompagnement" vont être mis en place pour permettre à l'ensemble des salariés concernés de retrouver un emploi, "dans le groupe si possible ou à l'extérieur". Michelin emploie plus de 65 000 salariés en Europe, ses 40 sites industriels représentant 40% de l'activité du groupe.
Reste que globalement, les s syndicats de Michelin éprouvent quelques doutes sur les investissements effectivement réalisés par l'industriel au regard aux engagements pris en juin 2013, lors de l'annonce de la fermeture du site de Joué-lès-Tours. Tant et si bien qu'ils ont mandaté le cabinet Secafi en vue d'y voir plus clair. Si Michelin s'est engagé à dépenser 800 millions d'euros en investissements en France entre 2013 et 2019, les syndicats s'interrogent face à la division par deux des investissements prévus à La Roche-sur-Yon. Le retard pris dans les programmes d'autres sites, voire le gel des dépenses promises, comme au Puy ne font que raviver leurs doutes.
Contacté par le journal Les Echos mi-octobre, le groupe avait alors assuré que le programme était bien engagé (520 millions d'euros depuis 2013) et que le cap des 800 millions d'euros devrait être dépassé en 2019.
Sources : Michelin, syndicats Michelin, les Echos
Crédit Illustration : Michelin