Les prochains défis de la F1
par Joest Jonathan Ouaknine

Les prochains défis de la F1

La F1 se retrouve à la croisée des chemins. Modèle économique, circuits, pilotes, moteurs, règlement... La discipline est au pied du mur. En apparence, la FIA dicte ses lois. Mais sans pilotes, sans voitures et sans circuits, elle n'est rien.

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La F1 se retrouve à la croisée des chemins. Modèle économique, circuits, pilotes, moteurs, règlement... La discipline est au pied du mur. En apparence, la FIA dicte ses lois. Mais sans pilotes, sans voitures et sans circuits, elle n'est rien.

1. L'effet FIFA

La FIA est indirectement concernée par l'affaire FIFA. La F1 est un championnat mondial, annuel et non un évènement sportif qui a lieu tout les quatre ans. Il y a moins d'enjeux à décrocher l'organisation d'un Grand Prix qu'à obtenir celle d'un Mondial. Donc moins de tentations de corrompre pour remporter le morceau. Reste que la FIA, comme la FIFA, a le gout du secret et du huis clos. C'est d'ailleurs pour cela que son entrée en bourse avait été refusée, dans les années 90.

Avec l'affaire touchant la FIFA, cette position n'est plus tenable. Au mieux, les sponsors vont exiger davantage de transparences (publication de rapports financiers, appel d'offres rendus publics, élections plus ouvertes...) Au pire, c'est la justice suisse (la FIA possédant une double-domiciliation suisse et française) qui viendrait mettre son nez "au cas où". Une information judiciaire, ça fait toujours mauvais genre (même si la FIA était blanchie au terme d'une -longue- procédure.)

Jean Todt a toujours été un fin tacticien. Depuis 24h, il songe probablement à la meilleure manière de jouer la carte de la transparence apparente... Tout en ne divulguant rien sur rien.

2. La 12e équipe

Depuis 1996, le plateau est limité à 12 équipes. Bernie Ecclestone voulait privilégier la qualité à la quantité. Mais depuis, il y a presque toujours eu entre 10 et 11 équipes. On soupçonne que dans les contrats avec les promoteurs de Grands Prix, Mr E se soit engagé à aligner au moins 20 voitures. Il préférerait porter lui-même les caisses de la 10e équipe que d'avoir à rembourser un promoteur !

Pour se prémunir (on y reviendra), il chercherait donc une équipe, en sus de Haas. Dans les années 80-90, entre les écuries de F3000 (Jordan, DAMS, Pacific, Forti...) et les constructeurs de châssis (Reynard, Lola, Dome...), les candidats ne manquaient pas. Aujourd'hui, Dallara est le seul constructeur de châssis (et il n'a pas vocation à s'engager en son nom.) Quant aux écuries de GP2 ou de F3, elles préfèrent multiplier les programmes (F4, GP3, GT, etc.) que de courir après une F1 chimérique.

Surtout, la dernière ouverture en a refroidi plus d'un. En 2010, trois écuries (Marussia/Manor, HRT et Lotus Racing/Caterham) débarquaient. 5 ans et un unique point attribué plus tard, seule Manor a survécu. Et à la régulière, elles n'ont jamais été capable d'atteindre la Q2. Mieux vaut donc racheter une écurie existante que de partir d'une feuille blanche. Quitte à utiliser une coquille vide, afin de bénéficier de ses droits TV.

3. Les 11 autres équipes

Si Ecclestone cherche une 12e équipe, c'est qu'il sait que la santé des autres est chancelante. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les armées mexicaines de "pilotes d'essais et de tests" chez Force India ou Lotus. Il y a une vraie raréfaction des sponsors. Y compris chez le top teams comme McLaren (photo.)

Dans les années 90, les équipes pouvaient compter sur la générosité des cigarettiers. BMW -alors allié à Williams- a interdit à son partenaire de faire de la pub pour le tabac. Les autres constructeurs ont suivi, s'engageant à compenser eux-même la perte. Puis les constructeurs sont partis. Les écuries ont prospecté dans les nouvelles technologies, l'informatique, les boissons énergisantes, le secteur financier, etc. Mais les sponsors fidèles sont bien rares. En prime, les alcooliers sont aujourd'hui dans la ligne de mire des "anti" ; les législations sur le sponsoring pourraient se durcir.

4. La bande des quatre (motoristes)

Les contrats actuels des motoristes courent jusqu'en 2016. Mercedes fournit 4 équipes, Ferrari, 3 et Renault, 2 (suite à la faillite de Caterham.) Les "power unit" coutent cher et l'idée était de lisser l'investissement en en vendant un maximum.

Un constructeur veut des podiums et des tirs groupés des voitures qu'il motorise. Honda a l'excuse de débuter. Parmi les deux autres, Renault est le seul sans voiture pouvant jouer la gagne à la régulière. Sa meilleure équipe -Red Bull- pointe au 4e rang après Monaco. Williams, le 3e, a quasiment deux fois plus de points. Quant au leader, Mercedes GP, il déjà a six fois plus de points que le limonadier autrichien !

Et après 2017 ? Si Renault rachète une équipe, voudra-t-il toujours en motoriser d'autres ? Surtout si Honda se contente d'un seul client -McLaren-. Mercedes et Ferrari pourraient aussi être tentés par un recentrage. Charge à Ecclestone de négocier un motoriste pour les petites équipes ou celles brouillées avec un motoriste. D'autant plus qu'il n'y a pas de 5e Homme : Audi a dit, redit et re-redit qu'il ne viendra pas en F1.

5. L'âge du capitaine

La F1 se retrouve face à un problème générationnel. Chez Mercedes, les deux pilotes courent depuis une dizaine d'année. Doyen des pilotes, Kimi Räikkonen (Ferrari) va bientôt fêter ses 36 ans. Ca ne vaut pas le duo de McLaren, qui affiche 69 ans et 31 saisons à eux deux !

Il y a quelques années, la F1 faisait face à une poignée de squatteurs grisonnants (Rubens Barrichello, Giancarlo Fisichella, Jarno Trulli...) Mais ils étaient en fond de grille. Les trentenaires actuels monopolisent les premières lignes. Or, personne n'est éternel. Le cauchemar de la FIA, c'est l'Indycar des années 80, avec ses pilotes quadragénaire, voir quinquagénaire (bonjour l'image.) Les "jeunes" ont du mal à percer. Sergio Perez et Kevin Magnussen se sont liquéfiés chez McLaren (qui hésite à envoyer Stoffel Vandoorne au casse-pipe.) Ferrari se gardait Jules Bianchi au chaud. Maintenant, elle n'a guère qu'un Raffaele Marciello, qui ne fait pas vraiment d'étincelles en GP2. Quant à Red Bull-Toro Rosso, sa "carte jeune" ne lui réussit guère.

6. La F1 chez Ubu

En début d'article, nous évoquions la FIFA. Comme cette dernière (et comme le CIO), la FIA a fait flamber les enchères. Même en remplissant les tribunes avec des billets à 100€ (voir beaucoup plus), les promoteurs ont beaucoup de mal à rentrer dans leurs frais. En Europe, les collectivités refusent de payer. Du coup, la F1 ne se rendra plus en France ou en Allemagne. En Grande-Bretagne, la BRDC et la BARC ont fait la paix ; mieux vaut un Grand Prix à Silverstone que pas de Grand Prix du tout.

A contrario, des pays comme la Russie, Singapour, les monarchies du Golfe et l'Azerbaïdjan sont prêts à payer le prix fort pour accueillir un évènement international. On pourrait très bien imaginer que demain, l'Angola et le Kazakhstan (autres pays riches en mal de reconnaissance) sautent le pas.

En théorie, Ecclestone peut dire aux Européens : "Payez ou je vais voir ailleurs." Mais il a également des comptes à rendre aux sponsors et aux TV. Pas sûr que les sponsors soient motivés par un championnat du monde des pays de l'OPEP... Les sponsors rêvent plutôt de Chine et d'Inde, où la F1 a beaucoup de mal à percer. D'ailleurs, elle a du quitter l'Inde en 2013. Quant aux TV, les téléspectateurs viennent majoritairement d'Europe. Les TV (Européennes) exigent des Grand Prix qui tombent le dimanche après-midi. Donc en Europe. Sans quoi, elles refuseront de payer les droits de retransmissions.

Or, cela fait des années que l'on n'a pas construit de circuit "normes F1" en Europe. Il n'y a pas non plus de projets crédibles. Ecclestone doit donc jouer au poker menteur avec les promoteurs existants.

Crédits photos : Mercedes (photos 1, 6 et 7), MSA (photo 2), Renault (photos 3 et 5) et McLaren (photo 4)

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