Emerson Fittipaldi, Nelson Piquet, Ayrton Senna, Mika Hakkinen, Jean-Eric Vergne, Daniele Ricciardo et Cao Hongwei. Attention, il y a un intrus. Ou pas, car ils sont tous champion britannique de F3.
C'est presque une question philosophique. Vaut-il mieux un calendrier de 4 dates, comme en 2013, mais avec un plateau correct ? Ou bien un calendrier complet, mais avec une demi-douzaine de pilotes, comme en 2014 ?
Sur l'affiche du meeting, la F3 est en arrière-plan, presque cachée.
Pour la première fois depuis 2009, ce n'est pas un pilote Carlin qui sera titré. Les deux prétendants courant chez Fortec et ce sont des débutants. Ils sont d'un niveau à peu près égal et la bagarre promet de durer jusqu'au bout.
Cao Hong Wei arrive en leader à Donington. A 22 ans, ce Chinois possède un long parcours. En 2008, il court de front la Formule BMW Pacific, la Formule Campus ChangAn-Ford (dont il termine "meilleur Chinois") et l'Asia Formula Renault. Ensuite, il se concentre sur la AFR. Il survolle le classement "Chinois" et se montre capable d'aller chercher les mercenaires Européens et Japonais. En 2011, FRD (qui organise l'AFR et la Formule Campus ChangAn-Ford) lui propose un contrat en CTCC. Pour Kenneth Ma, Cao est "le plus rapide des pilotes Chinois." Cao est une star. A la surprise générale, il s'exile en Grande-Bretagne, où il est parfaitement inconnu. Etudiant la semaine, il court le week-end en Protyre Formula Renault (avec Fortec.) Il lui faut un an pour retrouver le chemin des podiums. En 2013, il s'impose et rejoint le cercle très fermé des Chinois vainqueur en monoplace à l'étranger. En 2014, FRD lui propose de rentrer en Chine et retrouver son volant en CTCC. Il refuse et Ma d'embaucher Xie Xinzhe (qui mène le classement.) Cao reste chez Fortec et "monte" en British F3. Il a déjà prévu de disputer les deux dernière manches de championnat européen et d'aller à Macao.
Du reste, Cao est régulier. Il est souvent présent aux essais, mais à plus de mal à confirmer en course. Et lorsque la grille se remplit, il a tendance à reculer dans la hiérarchie...
Son challenger est Matt Rao. A 20 ans, il a lui aussi eu un long parcours. Il effectue d'abord 2 saisons de FF, sans grands résultats. Il est 2e du scholarship 2011, mais ne confirme pas en 2012. Sa fidélité à Fluid Motorsport et à leurs châssis Sinter n'a pas payé. Il s'essaye en parallèle à la Protyre Formula Renault. Puis il y effectue un temps-plein en 2013 (avec Hillspeed.) On le retrouve en Toyota Racing Series à l'hiver 2013-2014, où il est carrément invisible. A peine rentrée de Nouvelle-Zélande, il signe avec Fortec en British F3. Avec un tel palmarès, on n'en attendait pas grand chose. Mais il est d'emblée dans le coup. Il brillé davantage que Cao face aux nombreux pigistes. Par contre, c'est un finisseur assez moyen. Il a une tendance à partir tout seul à la faute.
Les essais
Santino Ferrucci et Dan Wells sont rentrés chez eux. La finale se jouera donc à 5. Au moins, ils jouent le jeu. Les 5 pilotes se relayent en tête des essais. Cao semble avoir fait le break, mais Rao attaque et décroche la pole au buzzer.
Course 1
Au feu vert, Rao cale. Cao et Max Marshall (Double R) ne l'attendent pas. Le Britannique passe les frêles Li Zhi Cong (Carlin) et Camren Kaminsky (Double R) pour s'installer au 3e rang. Il a beau aligner les temps canons, Cao et Marshall sont déjà au large. Derrière Kaminsky a une panne de cerveau et Li manque de lui chiper la 4e place.
Cao creuse son avance, tandis que Marshall s'offre son premier podium en F3. Rao est 3e.
Course 2
Le poleman Caminsky se fait souffler la tête au feu vert par Rao. Pire : il est harponné par Marshall. Les deux hommes repartent, mais l'Américain doit s'arrêter aux stands. En tête, Rao mène devant Cao et Li. Caminsky, avec une rage qu'on ne lui connaissait pas, revient sur Li. Puis il le passe in extremis.
Rao s'impose devant Cao et Kaminsky.
Course 3
Les points de 5e place (qui est donc la dernière place) suffisent à Cao pour être titré. Le Chinois snobe sa pole et part des stands pour éviter tout chahut fatal. Ensuite, il roule pépère jusqu'au damier. En tête, Rao mène pour l'honneur, devant Marshall et Caminsky. Li veut se vanger de la course 2 et il harcèle l'Américain, en vain.
Au terme d'une course sans dépassements, Rao gagne la finale, devant Marshall et Caminsky.
Bilan
Avec 285 points, Cao est le champion 2014 de British F3. Vu le plateau, ce sacre est à peine meilleur que celui de son compatriote Sun Zheng, en National, en 2013 (face à un unique concurrent régulier.) Au moins, cela devrait générer de l'intérêt en Chine (donc des pilotes et des sponsors potentiels.) Quant à Cao, il doit désormais démontrer qu'il peut s'imposer au sein d'un vrai peloton.
2e à 283 points, Rao va regretter ses quelques bévues. Kaminsky est 3e à 161 points. Dominé par ses équipiers successifs, l'Américain ne s'est vraiment réveillé qu'à Donington. Enfin, Li, 4e et dernier "temps plein" termine...5e derrière l’intermittent Sam MacLeod. Au moins, on peut lui reconnaitre une progression constante. En début de saison, il rendait 3 secondes au tour. Il finit sa première saison hors de Chine en candidat au podium. L'an dernier, il annonçait qu'il serait en F1 en 2015. Cela peut faire sourire, sauf que Li possède un compte en banque a priori bien garni. Des écuries comme Caterham ou Sauber ne saurait passer à côté d'un tel talent sonnant et trébuchant...
Et maintenant ?
Si les choses restent en l'état, 2015 ressemblera à 2014. Carlin, Double R et Fortec vont louer leurs monoplaces à des seconds couteaux. Avec sans doute une bonne proportion d'Asiatiques. SRO, le promoteur, n'a sans doute pas envie de revoir un championnat à 5 voitures. C'est une mauvaise blague.
SRO, et les équipes seraient d'accord pour un rapprochement avec la F3 ATS. Mais qu'apporterait un championnat anglo-germanique face à l'Euro Formula Open ?
Une fusion avec la F3 Cup de MSV semble plosible. Des équipes comme CF Racing, Enigma, Lanan, MGR ou Omicron rêvent de British F3. Cela pourrait attirer des pilotes aux poches trouées, dans la lignée d'Alice Powell et Toby Sowery. De plus, cela offrirait un débouché à la F4 MSV. Mais quid des gentlemen-drivers de la F3 Cup ? Accepteront-ils une professionnalisation de leur discipline ? Seront-ils acceptés dans la nouvelle structure ?
Crédit photos : British F3