Il y a tout juste vingt ans, sur le circuit italien d'Imola, la Formule 1 vivait l'un des pires week-ends de son histoire. La vie de deux pilotes, l'un débutant et anonyme, l'autre illustre et adulé, s'achèvera lors de ce Grand Prix maudit. Depuis, aucun pilote n'a trouvé la mort au volant d'une F1 et c'est sans doute grâce aux mesures prises consécutivement à cette série de drames. Retour en détails sur ce sinistre Grand Prix de Saint-Marin.
Vendredi 29 avril 1994
Le temps est splendide en Emilie-Romagne pour l'ouverture de la saison européenne sur le circuit d'Imola où se courra dimanche 1er mai le troisième Grand Prix de l'année.
Après deux épreuves, Michael Schumacher sur sa Benetton-Ford a réalisé le carton plein en s'imposant à Interlagos puis sur le nouveau circuit d'Aïda au Japon. A contrario, le début de saison d'Ayrton Senna qui a récupéré le baquet de la Williams-Renault du jeune retraité Alain Prost a été catastrophique.
Certes "Magic Senna" a signé deux pole positions mais son compteur de points est toujours bloqué à zéro après deux abandons consécutifs. Au Brésil sa course s'est achevée sur un tête-à-queue au 55ème tour. Au Grand Prix du Pacifique le Brésilien n'a même pas bouclé le premier tour, percuté au départ par Hakkinen puis par la Ferrari de Nicola Larini.
Autant dire qu'en arrivant à Imola, le Brésilien a à coeur de réduire l'écart qui le sépare du jeune prodige Allemand. Il faut dire que sa Williams se montre extrêmement difficile à piloter depuis l'entrée en application du nouveau règlement technique qui bannit toutes les assistances électroniques au pilotage.
Mais un autre sujet, beaucoup plus préoccupant, suscite l'intérêt de Senna et de ses confrères en ce début de saison: celui de la sécurité. Depuis le début de l'année, deux des leurs ont été sérieusement blessés dans des accidents. J.J. Lehto, pilote Benetton, a manqué les deux premiers Grands Prix suite à un crash survenu sur le circuit de Silverstone lors des essais d'intersaison. Touché aux vertèbres, le Finlandais a du subir une intervention chirurgicale pour soigner ses blessures.
Entre les Grand Prix du Brésil et du Pacifique, c'est Jean Alesi qui tape à haute vitesse et de dos le mur du circuit de Mugello au volant de sa Ferrari. Comme pour Lehto, les plus importantes blessures se situent au niveau des cervicales. A Imola Lehto fait son retour au volant de la Benetton à la place de Verstappen (qui s'est sorti indemne d'un impressionnant tonneau au Brésil pour son premier Grand Prix) alors que la Ferrari n°27 est encore pilotée par Nicola Larini.
Essais libres 2 - 13 h 16
Dans son premier tour rapide de la séance d'essais libres du vendredi après-midi, Rubens Barrichello aborde à 220 km/h au volant de sa Jordan-Hart le premier virage à droite de la "Variante Bassa" qui précède la ligne droite des stands. C'est 14 km/h de plus que son tour le plus rapide de la matinée et bien trop vite pour franchir normalement cette chicane. Dans l'impossibilité de négocier le gauche qui suit, la Jordan tire tout-droit et décolle sur le vibreur. La rangée de pneus positionnée devant le mur de béton ne sert absolument à rien pour ralentir ce projectile incontrôlable. La Jordan vient s'écraser contre le grillage avant de tomber sur le nez et terminer sa course sur l'arceau de sécurité après une série de tonneaux.
A cause de la violence du choc, Barrichello perd connaissance. Les commissaires immédiatement présents sur les lieux ne s'embarrassent pas de précaution pour remettre l'épave sur ses quatre roues. Très vite les vrais secouristes prennent le jeune pilote en charge. Après d'interminables minutes d'angoisse, c'est Ayrton Senna en personne qui donne les premières bonnes nouvelles sur l'état de santé de son compatriote devant le centre médical du circuit.
Le docteur Giuseppe Piana viendra un peu plus tard détailler les blessures subies par Rubinho: "Aucune lésion neurologique, fracture du nez, contusions multiples au dos, contusions thoraciques droites et au pouce droit, traumatisme crânien sans lésion cérébrale. Amnésie rétrograde."
Après une nuit en observation à l'hôpital de Bologne, Rubens Barrichello est de retour tout sourire dès le lendemain matin dans le paddock d'Imola. Bien entendu il n'est pas question pour lui de prendre part au Grand Prix mais il est sur pied et sera rétabli pour Monaco dans quinze jours. Une fois encore le miracle a eu lieu mais tout le monde ignore que le pire reste à venir...
Partie 2: F1 Imola 1994: Qualifications mortelles pour Roland Ratzenberger
Partie 3: F1 Imola 1994: La planète en état de choc
Crédit photos: Image 1: R.V. Racing Press, image 2: D.P.P.I