Tommy Suharto, le fou de sport automobile
par Joest Jonathan Ouaknine

Tommy Suharto, le fou de sport automobile

Les fils de dictateurs sont parfois des incarnations vivantes du prince Abdallah de Tintin au pays de l'or noir. Papa possède le pays et ses poches semblent sans fond. Alors aucun jouet n'est trop beau pour ces grands enfants capricieux, volontiers mégalos ! Il y a eu les improbables courses à Bakou d'Ilham Aliyev. Tommy Suharto, lui, rêve de voitures de sport et de F1.

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Les fils de dictateurs sont parfois des incarnations vivantes du prince Abdallah de Tintin au pays de l'or noir. Papa possède le pays et ses poches semblent sans fond. Alors aucun jouet n'est trop beau pour ces grands enfants capricieux, volontiers mégalos ! Il y a eu les 1 200 voitures d'Uday Hussein ou les tentatives de Kim Jong-Il pour produire des Mercedes en Corée du Nord. Sans oublier les improbables courses à Bakou d'Ilham Aliyev. Tommy Suharto, lui, rêve de voitures de sport et de F1.

D'après les analystes, Suharto (NDLA : il n'avait pas de prénom) céda à la tentation du détournement de fonds avant même son arrivée au pouvoir. Au début des années 60, il n'était encore que général, commandant des forces armées d'une Indonésie nouvellement indépendante. Son armée manquait cruellement de fonds. Il mit en place des fondations bidons, chargées d'assurer un financement parallèle de l'armée.

En 1967, Suharto effectua un coup d'état, il est intronisé président et règne d'une main de fer sur le pays. La prédation et la création de sociétés-écrans devient vite le hobby de sa famille. Hutomo Mandala Putra, alias Tommy, plus jeune fils du dictateur, est le plus flamboyant du lot.

Il s'intéressa d'abord au B.T.P. A la fin des années 80, il jeta son dévolu sur les plages de Bali. Il utilisa l'armée pour "convaincre" les pêcheurs et les villageois de quitter les lieux. Il vendit ensuite les terrains à des hôteliers comme Accor ou Hilton. Par contre, son complexe pharaonique de Pecatu Graha inaugura la longue liste de ses projets mort-nés.

Timor Putra Nasional

"L'ennemi intime" malaisien possède son propre constructeur de voitures, Proton. Alors l'Indonésie aura aussi son constructeur ! En 1991, Timor Putra Nasional naquit d'un accord avec Kia. "Timor" est théoriquement l'acronyme de "Teknologi Industri Mobil Rakyat". Mais il s'agissait d'une référence à l'île de Timor, dont une partie voulait son autonomie (qu'elle finit par obtenir au terme d'une guerre sanglante.) D'où un message du type : "Cette voiture est Indonésienne, comme l'ile du Timor."

Timor ne fait qu'assembler des Kia Sephia fournies en CKD. On était loin d'une vraie production nationale. Mais ses voitures étaient dispensées de TVA et l'entreprise ne payait pas d'impôts. Par contre, Tommy Suharto, qui agissait en propriétaire de cette entreprise publique, prélevait sa dime. Un favoritisme qui faisait grincer des dents chez les rivaux.

Lamborghini

En 1993, via sa holding Humpuss, il s'offrit Lamborghini. La marque, touchée de plein fouet par la crise économique, va mal et Chrysler cherchait un repreneur.

Tommy Suharto veut relancer le 4x4 LM 002. Zagato est chargé d'en dessiner un successeur. Mais le LM 003 n'aboutira pas. Il s'offrit également Vector, qu'il tenta vainement de rapprocher de Lamborghini. Curieusement, il intervint peu dans la destiné du constructeur italien.

Humpuss F1

Tommy Suharto aime le sport auto. Il participe lui-même à des courses de tourisme. Pour l'Indonésie, il avait des rêves de F1.

La première étape, c'était la construction du circuit de Sentul. C'était le tout premier circuit asiatique moderne hors du Japon. En guise de prologue à la F1, Sentul accueillit la Formula Holden (pendant australien de la F3000) en 1993. Le circuit se révéle trop court et trop sinueux pour les monoplaces. Donc pas de F1.

En 1995, il voulu cette fois une équipe de F1. Le projet fait d'autant plus de bruit qu'on y voyait un retour de Lamborghini.

Suharto Jr exigeait un personnel Indonésien. Le kartman Roy Haryanto était alors l'unique espoir du pays. Il le poussa en Formula Holden et recruta Piers Hunnisett, ancien champion de Formula Vauxhall, comme coach.

Comme d'habitude, le projet ne restera qu'un effet d'annonce. Néanmoins, il froissa les Malaisiens, qui investirent en F1. Sans Humpuss F1, pas de sponsoring de Petronas, d'arrivée d'Alex Yoong ou de circuit de Sepang !

Timor M3 Maleo

En 1998, Suharto Jr voulait développer Timor et s'éloigner de Kia. Il fit concevoir la M3 (Sephia relookée) et S2 (un crossover avant la lettre.) Les lignes étaient signées Zagato. La S2 eu les honneurs du salon de Shanghai.

Mais la crise asiatique passa par là. Kia n'avait plus un sou vaillant. A Djakarta, les Indonésiens manifestaient contre Suharto. Toujours discret, Tommy -désigné négociateur avec le FMI- débarqua à une réunion en Rolls-Royce pour demander un prêt.

Le dictateur est déposé en mai, quelques semaines après le salon de Shanghai. Ce fut la chute du clan. La presse à scandale se gargarisa des nombreuses histoires de mœurs de la famille (alors que ses membres étaient censément des musulmans très pieux.) Les Suharto furent ridiculisés, leurs avoirs, confisqués, mais ils restèrent puissants. Le juge Syafiuddin Kartasasmita a eu la mauvaise idée de vouloir enquêter sur Tommy Suharto. Ce dernier le fit abattre et fut condamné pour cela en 2002.

En 2000, Kia réinjecta de l'argent dans Timor. En 2006, elle en prit le contrôle pour 1,23 trilliards de roupies indonésiennes (75 millions d'euros), versés à des sociétés écrans de Suharto Jr. L'état Indonésien s'en est rendu compte et a demandé à l'homme d'affaires, tout juste libéré, de payer une taxe sur la transaction.

Quoi qu'il en soit, Timor est vite renommé Kia Motors Indonesia. Il assemble depuis des voitures identiques aux Kia vendues ailleurs.

Epilogue

Le groupe Humpuss n'est plus qu'une société de transport maritime. On pensait que toute cette histoire appartient à un passé révolu et exotique. Tommy Suharto se fait discret. On le voit juste réapparaitre lorsqu'il attaque un journaliste en diffamation.

Mais qui voit-on débarquer en 2013, comme sponsor de l'Indonésien Darma Hutomo en Asia Cup Series ? Humpuss ! Pour 2014, le sponsor devient équipe à part entière, en Formula Masters China. Elle est immatriculée aux Philippines (base arrière des Suharto.) Hutomo suit l'équipe. Le deuxième pilote est un autre jeune Indonésien, Yasuo "Senna" Iriawan. Suharto Jr va-t-il concrétiser son rêve de F1 ?

Crédits photos : Asia Cup Series (photo 1), Conrad (photo 2), Kia (photos 3 et 9), Lamborghini (photos 4 et 6), BMW (photo 5), Mercedes (photo 7) et Formula Masters China (photo 10)

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Les fils de dictateurs sont parfois des incarnations vivantes du prince Abdallah de Tintin au pays de l'or noir. Papa possède le pays et ses poches semblent sans fond. Alors aucun jouet n'est trop beau pour ces grands enfants capricieux, volontiers mégalos ! Il y a eu les improbables courses à Bakou d'Ilham Aliyev. Tommy Suharto, lui, rêve de voitures de sport et de F1.

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