Comme peu de sanctions sont appliquées, autant les supprimer ?
JL Nadal dresse certains constats comme "en matière de conduite sans permis, une peine privative de liberté n’a été prononcée que dans 10,09 % des cas, au demeurant pour un quantum moyen assez faible. Ces sanctions obéissent par ailleurs, de manière plus ou moins transparente, à des barèmes qui ne laissent – parfois en raison même de contraintes légales – qu’une place résiduelle à l’individualisation, ce qui pose inévitablement la question de la raison d’être de l’intervention du juge".
Partant de cela, JL Nadal considère donc que la rétrogradation en contravention de 5ème classe de plusieurs délits ne fera qu'entériner ce qu'il se passe dans les faits. Au lieu d'appliquer plus strictement la loi, on va donc l'alléger. Cela n'enlèvera pas les problèmes mais devrait désengorger les tribunaux de ces centaines de milliers de cas jugés chaque année et afficher un nombre de délits en baisse la prochaine fois.
Conduite sans permis, alcool, drogue et défaut d'assurance
Quels sont les délits qui pourraient passer dans la catégorie des contraventions ? La conduite sans permis (!) ou sans assurance (!!) ou même la conduite sous l'emprise d'un état alcoolique ou de drogue ne seraient donc plus que des contraventions. A complet contre-courant des préconisations habituelles de la Sécurité Routière. A noter que le délit de grand excès de vitesse ne serait pas concerné.
En matière d'alcool, actuellement on est en infraction contraventionnelle entre 0,25 et 0,40 mg d'alcool par litre d'air expiré. Le rapport préconise de passer à 0,80 mg soit le double du taux actuel. En grammes d'alcool dans le sang, cela fait donc 1,60 g/l au lieu des 0,8 ! On marche sur la tête. Que sont donc devenues les études montrant qu'à partir de 0,8 g/l la conduite était vraiment dangereuse ? Les milliers d'accidents annuels (et les morts) dus à l'alcool ne sont donc "rien" ? Etrange. Toute fois, la répétition de ces contraventions pourrait entraîner la requalification en délit.
En rétrogradant ces délits en contravention, ne va-t-on pas encourager ces comportements ? Un accident sans assurance n'impacte pas seulement le conducteur en défaut, mais également la ou les personnes impliquées dans l'accident, à 1,60 g/l d'alcool dans le sang, le champ de vision, les réflexes ou même l'appréciation des distances sont largement altérés. La dépénalisation concernerait également la consommation de stupéfiants et par conséquence la conduite sous leur emprise.
Un cadeau empoisonné
Mais ce qui peut apparaître comme un "cadeau" aux conducteurs est également empoisonné. En effet, en "contraventionnalisant" certains délits routiers, on systématise et "forfaitise" les infractions. Difficile de se défendre quand on ne passe plus devant un juge.
Pour les acteurs de la sécurité routière, cet assouplissement apparent cache en fait une justice plus aveugle et plus systématique. "La Chancellerie veut faire une justice encore plus expéditive, aveugle et anéantir les droits de la défense" considère Me Rémy Jousseaume, de l'Automobile Club des Avocats.
"Si on veut désengorger les tribunaux, faisons en sorte qu'il y ait moins de contrevenants et appliquons, pour ce faire, avec fermeté les sanctions prévues. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Certains qui auraient besoin d'une autre réponse pour bénéficier d'une aide médicale pour des problèmes d'alcool ne seront plus repérés, puisque l'orientation des dossiers, encore l'affaire des magistrats aujourd'hui, se fera de manière automatique" dénonce pour sa part Chantal Perrichon de la ligue contre la violence routière.
Un conflit entre Ministres ?
Il sera intéressant de voir le sort qui sera réservé à la partie routière de ce rapport. Si Christiane Taubira suivait les recommandations, elle se heurterait sans aucun doute au Ministre de l'Intérieur Manuel Valls qui souhaite "maintenir la pression" pour atteindre son objectif de 2 000 morts par an d'ici 2020.
Source : Ministère de la Justice