Essai Porsche 911 Turbo S : violence tempérée
Suite de l'essai de la Porsche 911 Turbo S. Après avoir fait le tour du propriétaire, le passage derrière le volant.
Suite de l'essai de la Porsche 911 Turbo S. Après avoir fait le tour du propriétaire, le passage derrière le volant.
La meilleure dans la vie de tous les jours
En démarrant via la clé à gauche du volant, on réveille le sacro-saint flat-six toujours logé derrière le porte-à-faux arrière. Le premier grognement ne verse pas dans la pure folie mécanique, puis le moteur se fait discret lorsque l'on reste en mode Normal pour quitter l'enceinte du Paul Ricard. Sur la route, cette 911 Turbo S est, comme on pouvait s'y attendre, une GT très douée pour transporter ses passagers dans un niveau de confort appréciable. Mention spéciale pour le diamètre de braquage qui devient ridiculement bon lorsqu'il faut manoeuvrer dans un village, ces roues arrières directrices font le même effet dans ces conditions que celles d'une Renault Laguna GT. C'est idéal pour la vie de tous les jours et dans l'ensemble, cette Turbo S reste sans doute la plus conciliante d'entre toutes. Il y a en plus une meilleure visibilité périphérique que dans une Gallardo ou une R8 et pas de bruit de transmission qui claque comme dans une GT-R. La suspension paramétrable est bien calibrée dans son mode le plus confortable mais sur ce plan, le niveau atteint n'est curieusement pas aussi élevé que dans une McLaren 12C : malgré son tempérament de supercar, les suspensions de cette dernière peuvent se montrer prodigieusement douces grâce à cet ingénieux système hydraulique sans barres anti-roulis. Vous pourrez aussi regretter de ne pas avoir une direction plus légère en mode confort mais dans l'ensemble, la 911 Turbo S est sans doute la meilleure de toutes pour simplifier la vie de son pilote dans la routine du quotidien. N'allez pas croire que ses supercars de concurrentes sont infernales à vivre : grâce à leur suspension paramétrable et une conception souvent bien pensée, elles sont toutes capables de se tenir correctement. C'est juste que la Porsche est encore plus facile, sa silhouette plus classique y est sans doute pour beaucoup.
La violence très tempérée
Reste que j'aurais du mal à imaginer qu'au volant d'une telle machine, on puisse se contenter de voyager paisiblement. Dès que l'on change sa façon de conduire et que l'on passe en Sport ou en Sport+, on se retrouve aux commandes d'une automobile dotée d'un pouvoir d'accélération qui n'a plus rien à voir avec celui de la 911 classique. Pied au plancher en ligne droite, l'aiguille du compteur semblent défiler plus vite que dans une R8 V10 Plus ou une Gallardo LP560-4. Nous avons d'ailleurs essayé le Launch Control, qui envoie l'auto de 0 à 100 km/h en 3,1 secondes sur le papier. Même avec de légères pertes en patinage probablement dues à l'état des gommes (notre 911 Turbo S avait roulé sur circuit les 3 jours précédents l'essai), c'est effectivement une sacrée catapulte en ligne droite. Le pouvoir d'accélération semble du même ordre que dans une GT-R millésime 2013 (c'est à dire effrayant par moment), J'aurais du mal à dire si elle pousse plus fort à moins de mettre les deux autos côte-à-côte. En plaçant les paramètres mécaniques dans le mode le plus radical, la sonorité de la bête reste en revanche un peu moins violente que dans les concurrentes citées précédemment. Certes, le bloc de 3,8 litres présente une signature sonore caractéristique d'un flat-six Porsche, même gavé par ses deux turbos. Grâce à son Sound Symposer, il est d'ailleurs capable de développer une intensité en rapport avec les performances de la machine. Mais le son délivré ne fait pas dresser les poils aussi hauts que les coeurs atmosphériques des 458, R8 V10 Plus et autres Gallardo. Il n'explose pas non plus aussi violemment que dans une GT-R ou une McLaren 12C : comme pour le style extérieur, il semble y avoir un soupçon de retenue dans l’habillage sonore de cette machine.
Impossible de trouver quelque chose à redire sur le fonctionnement de la boîte PDK, dont la rapidité est au moins au niveau des meilleures transmissions double embrayage du marché. Il serait de toute façon difficile de regretter une boîte manuelle sur cette GT à la philosophie de voyageuse polyvalente, contrairement à sa cousine GT3 qui joue avec la sensibilité des puristes en sacrifiant le levier de vitesses. Mis à part une poignée d’intégristes irréductibles, personne ne pourrait souhaiter la boîte manuelle dans une 911 Turbo S et plus généralement, dans une GT aux performances de ce calibre. La Lamborghini Gallardo étant définitivement morte, il ne reste plus que l'Audi R8 V10 qui propose encore la bonne vieille grille dans cette catégorie. Un plaisir extraordinaire en conduite sportive certes, mais inévitablement moins agréable dans la vie de tous les jours. Et aussi moins efficace si vous roulez fort sur circuit et que, comme moi, vous n'avez pas le talent de Walter Rohrl. Dans la Porsche, les palettes proposent une ergonomie similaire à celles d'une McLaren 12C ou d'une R8. Elles tournent avec le volant et leur taille est suffisante pour une utilisation facile. Ah oui, il y a quand même un truc avec lequel il faut s'habituer dès que l'on se met à exploiter les capacités bondissantes de la bête : ce flat-six envoie tellement vite sa patate maximale ( les 750 Nm dès 2200 tours/minutes grâce à ses turbos à géométrie variable et à l'overboost) que l'on arrive très vite à la zone rouge, perchée infiniment moins haut que dans une 12C elle aussi équipée d'un V8 biturbo. En mettant plein gaz, la tête est aspirée contre le baquet et hop, C'est déjà le rupteur (7200 tours/minute) alors que l'on pensait disposer de 1000 ou 2000 tours/minute de marge. Et oui, pas d'envolée sonore stratosphérique. La Turbo S balance la purée tout de suite, tout le temps, mais ne perd pas de temps avec les amateurs de mélodies des hauts régimes.
Plus intimidante qu'une GT-R, au début
Sans surprise, c'est une bombe en ligne droite. Fort heureusement pour mon permis de conduire, les routes du Castellet sont pleines de virages où les quatre roues motrices et directrices de l'engin devaient logiquement faire merveille. Les roues arrières braquent dans le sens opposé aux roues avant jusqu'à 50 kilomètres / heure et à partir de 80 km/h, dans le même sens. Dans la pratique, la précision à l'inscription est chirurgicale lorsqu'on attaque les lacets d'une petite route provençale, mais on a plus de mal à se sentir invincible au volant que dans une Nissan GT-R. Il y a une petite part de cette auto qui intimide. C'est peut-être largement psychologique et relatif à mon niveau de pilotage mais ici, on a l'impression de ne pas pouvoir faire aussi souvent n'importe quoi qu'avec une GT-R. Au début, on craint d'accélérer trop tôt en sortie de virage ou de lever le pied dans une courbe rapide, alors que la japonaise invite d'office à adopter un rythme coupable quelque soit la configuration de la route. Ici la direction électromécanique est franche, le freinage (PCCB carbone-céramique) est extraordinaire et l'auto ne donne jamais l'impression d'être dépassée par ses ressources de couple et de puissance, notamment grâce à cette transmission intégrale très évoluée - équipée d'un système de Torque Vectoring - capable d'envoyer 60% de la puissance au train avant. Pourquoi diable ai-je-donc gardé un peu d’appréhension lors des premiers tours de roue ?
Pour cerner plus précisément le caractère de l'auto, je me suis ensuite rendu sur le Paul Ricard, profitant d'une piste libre en attendant que les élèves du Porsche Scholarship se préparent. Après quelques tours, je déconnectais le PSM et toute autre forme d'aide à la conduite, en laissant les paramètres mécaniques en position Sport+. Piégeuse, la Turbo S ? Pas vraiment, mais sur ce terrain aussi l'auto réclame un petit peu plus de maîtrise qu'une GT-R si on cherche à rouler le plus vite possible. Et vite, c'est vraiment très vite. Après chaque gros freinage, l'auto se montre très mobile au moment de la placer après la chicane, juste avant l'enchaînement de la Sainte Baume. Lorsque l'on réaccélère très tôt, le train avant élargit un peu et si on tente la glisse totale, il faut développer une très belle réactivité pour éviter le tête-à-queue lors des premiers gros travers. Avec un peu de pratique et à condition d'aptitudes suffisantes, il est possible d'exécuter de magistrales glissades, fumantes et bruyantes. Sur le Ricard, la 911 Turbo S est capable d'adopter un rythme impressionnant mais surtout, elle se montre étonnamment généreuse sur le plan des sensations avec son conducteur, grâce à son comportement assez fin à la limite. Ce n'est pas l'arme fatale absolue sur un circuit mais du point de vue d'un puriste, elle sera sans doute plus grisante à piloter qu'une GT-R car moins docile à pleine balle. Pour un pilote moyen, la GT-R restera plus facile à maltraiter sur la piste comme sur la route.
Pour 200 briques, t'as tout
197 288 euros, c'est le prix demandé par cette nouvelle 911 Turbo S. A quelques milliers près, c'est aussi élevé que pour une Ferrari 458 Italia, ou une McLaren 12C. C'est aussi plus cher qu'une Audi R8 V10 Plus ou dans un genre Grand Tourisme, une somme à peine inférieure à une Mercedes SLS GT. La question est donc de savoir si vous préférez investir dans une 911, aussi performante soit-elle, plutôt que dans l'une ou l'autre de ces machines follement addictives sur le plan du caractère et des sensations. Si vous répondez par oui, c'est que vous êtes un Porschiste convaincu ou que vous cherchez le plus haut degré de polyvalence possible sur une supersportive. Cette fois alors, vous n'aurez certainement plus à craindre une GT-R en matière de performances (ouf). En fait vous n'aurez plus à craindre personne sur la route puisque dans des conditions « de la vie de tous les jours », seule une poignée de supercars beaucoup plus chères pourront rouler plus vite qu'elle sur certains endroits. Ah oui, n'oublions pas la nouvelle 911 GT3 dont l'addition est nettement moins élitiste que cette Turbo S, pour des performances sur circuit non moins impressionnantes sur le papier et un caractère unanimement décrit comme enchanteur. Certes, mais sera-t-elle aussi confortable pour aller acheter ses baguettes de pain ?
Crédit photo : Porsche/le blog auto
+ | Confort en utilisation tranquille |
Performances impressionnantes | |
Finition parfaite | |
- | Prix de supercar |
Sonorité moteur trop tempérée ? | |
Pas la plus facile à piloter à la limite |
Caractéristiques Porsche 911 Turbo S | |
Moteur | |
Type et cylindrée | 6 cylindres à plat double turbo |
3800 cm3 | |
Puissance | 390 kW / 560 chevaux à 6750 tr/mn |
Couple | 750 NM entre 2200 et 4000 tr/mn |
Boîte de vitesse | PDK 7 rapports |
Transmission | |
Roues motrices | Quatre roues motrices et directrices |
Suspensions | avant : McPherson arrière : Multibras |
Jantes et pneus | alliage léger – 225/45 R19 |
Freinage | Avant : 6 pistons disques céramique ventilés Arrière : 4 pistons disques céramique ventilés |
Performances | |
Vitesse maximale | 315 km/h |
0 à 100 km/h | 3,3 secondes |
Consommation | |
Emission de CO2 | 268 g de CO2/km |
Cycle mixte | 11,4 l/100km |
Cycle urbain | 16,5 l/100 km |
Cycle extra-urbain | 8,1 l/100 km |
Réservoir | 67 l |
Dimensions | |
Longueur | 4450 mm |
Largeur | 1852 mm |
Hauteur | 1300 mm |
Empattement | 2350 mm |
Volume de coffre | 190 l |
Masse à vide | 1585 kg |
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