Le bonus/malus et le marché automobile français en 10 points
par Joest Jonathan Ouaknine

Le bonus/malus et le marché automobile français en 10 points

Au 1er janvier 2014, le bonus/malus écologique "6.0" entrera en vigueur. Depuis 2008, il façonne le marché automobile français, pour le meilleur et aussi pour le pire.

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Au 1er janvier 2014, le bonus/malus écologique "6.0" entrera en vigueur. Depuis 2008, il façonne le marché automobile français, pour le meilleur et aussi pour le pire.

1. Les voitures polluent moins

Le bonus/malus est un héritage du Grenelle de l'environnement (octobre 2007.) L'idée, c'est le principe de "la carotte et du bâton". Le barème est peu ou prou calqué sur le marché français. Ainsi, bonus et malus sont censés s'équilibrer financièrement...

Mais d'emblée, les Français se sont rués sur les voitures "bonifiées", tandis que les modèles "malussés" restaient englués en concession. D'où des révisions successives pour rendre le schéma plus sévère et le rendre financièrement rentable... Sauf qu'à chaque fois, les acheteurs se réalignent. L'inconvénient pour l'Etat, c'est que ça lui coûte cher, vu qu'il n'y a pas assez de voitures "malussées" pour rembourser les bonus. Ce qui explique en partie le barème 2014, très sévère sur le malus. Conséquence positive : cela signifie aussi que le parc français émet moins de CO2.

2. Le flou sur la notion de "pollution"

L'une des principales différences avec les normes Euro, c'est que le bonus/malus est uniquement basé sur le CO2, alors que les normes Euro définissent des seuils moyens acceptables pour différents polluants. Certes, c'est en ligne avec l'objectif du Grenelle de l'environnement, réduire les émissions de CO2. Mais c'est un critère assez réducteur, qui avantage le diesel (on y reviendra.) D'ailleurs le dernier épisode de pollution sur la France concernait les particules fines, émises notamment par les diesels...

3. Les constructeurs font des efforts

A l'apparition du bonus/malus, les émissions de CO2 figurent rarement dans les fiches techniques. Personne n'y fait attention. Puis, les constructeurs bricolent : un changement de rapports de boîte de vitesses, un filtre à particules, quelques équipements de confort en moins et hop, on change de catégorie !

Force est de constater que les voitures ont beaucoup évolué. Stop & start et autres KERS se sont largement généralisés. De plus, pour avoir une voiture frugale en CO2, il faut gagner du poids. Terminés, les tanks pesant 1,5 tonne. L'heure est à la chasse aux kilos superflus et au downsizing.

4. Cela a suravantagé le diesel...

On peut largement soupçonner le lobby des constructeurs d'avoir orienté le bonus/malus sur le CO2. En 2008, les moteurs essence descendaient rarement à moins de 120g. Les diesels sont donc sacrés champions de l'écologie ! Le processus de dieselisation du parc, entamé à la fin des années 90, s'accélère. L'acheteur n'a plus le choix. La question de la rentabilité du diesel ne se pose plus. Pour les sceptiques, les constructeurs (surtout les français) débarquent avec des schémas pour montrer que oui, le diesel est bon pour l’environnement. L'essence est malussée et invendable en occasion. De toute façon, la plupart des concessionnaires n'en ont pas en stock. L'essence se limite  désormais aux sportives, aux grosses cylindrées et à ceux qui acceptent d'attendre 6 mois leur voiture neuve.

5. ... Mais cela finira par tuer le diesel

Depuis quelques années, la marge de manœuvre du diesel se réduit. Les normes Euro 6 sont particulièrement compliquées à atteindre. Les moteurs essence effectuent leur grand retour. Ils ont un meilleur rendement et sont moins chers à l'achat. Qui plus est, les Ecoboost, FSI et autres Multiair émettent peu de CO2. Sans oublier les hybrides essence/électrique. Signe du renouveau, les constructeurs communiquent de nouveau sur leurs motorisations essence. Et les concessionnaires en passent directement commande.

Reste que pour l'instant, le déclin du diesel, maintes fois annoncé, reste très lent à se matérialiser.

6. Cela a tué le segment D ; le C est le prochain sur la liste

On l'a indiqué plus haut, les Français se sont rués sur les voitures "bonifiées". Les grosses voitures, plus lourdes et équipées de moteurs plus gros, émettent logiquement plus de CO2 que les autres. En 2007, la Laguna fermait le top 10. Aujourd'hui, il n'y a plus aucune berline moyenne dans le top 10. Certes, depuis la fin des années 90, le segment "D" est en perte de vitesse. On préfère aux berlines des SUV ou des monospaces. Le bonus/malus n'a fait qu'accélérer la tendance. Le "D" se limite désormais aux flottes. Le plafonnement des frais kilométriques leur a porté un coup fatal. A quoi bon avoir une grande berline de fonction, si vous devez payer de votre poche une partie des frais ?

Mais aujourd'hui, c'est le "C" qui est à son tour marginalisé. Les Clio, 208, C3, Captur et 2008 monopolisent le top 5 français. Les monospaces de moyenne taille (Scenic, C4 Picasso...) sont en train de décrocher.

7. Pas de changements aux extrêmes

C'était prévisible, les extrêmes sont peu concernés par l'apparition, puis l'évolution du bonus/malus. Dans le haut de gamme, le malus représente une part minime du prix de vente. Prenez par exemple, Land Rover. Mis à part l'Evoque eD4 (bonus/malus neutre), TOUTE sa gamme est malussée (avec le barème 2013.) C'est donc le cas typique du vilain petit canard. Pourtant, ses ventes françaises sont passées de 3 160 unités en 2008 à 4 317 unités en 2012.

Dans l'électrique, l'achat reste avant tout un acte militant. Malgré le bonus généreux (qui passera de 7 000€ à 6 300€ en 2014), les ventes restent marginales. En novembre 2013, il s'est vendu 694 électriques. C'est 110,3% de mieux qu'en novembre 2012... Mais cela reste une goute d'eau comparé aux 168 164 ventes de voitures du mois.

8. Cela empêche les Chinois de venir

Great Wall a posé le pied en Grande-Bretagne et en Italie. MG n'arrive pas à sortir de Grande-Bretagne et DR Motor (Chery), à rayonner depuis l'Italie.

En France, en revanche, on ne voit poindre aucun projet sérieux. L'une des causes, c'est le bonus/malus. Avec 188g de CO2 (donc malus 4 000€ au 01/01/2014 ), la MG6 1,8l turbo est invendable. La version diesel fait à peine mieux avec 139g de CO2 (donc malus 500€.) Les Chinois fabriquent essentiellement de grandes berlines et de gros SUV équipés de vieux moteurs essence. Certes, les mécaniques ont été dépoussiérées à coup d'injection directe. Mais atteindre la barre des 130g (bonus/malus neutre) est pour l'instant de l'ordre du virtuel. Et donc, aucun importateur ne veut sauter le pas. Or, la France reste un marché incontournable pour qui vise l'Europe. L'invasion des voitures du pays du milieu n'est donc pas pour sitôt...

9. L'automobile devient un objet strictement utilitaire

Les dernières campagnes publicitaires sont édifiantes. On ne parle plus d'équipements, de qualités routières, de modularité ou même de consommation/émission de CO2. Non, le discours s'axe uniquement sur le prix, la reprise de votre ancien modèle ou le taux de financement. Les "journées portes ouvertes", "offres exceptionnelles" et autres "instants privilèges" se succèdent. D'ailleurs, dans les spot, le véhicule n'apparait qu'à l'extrême fin. C'est la solderie permanente. Dire que dans les années 90, on brocardait Fiat et ses enchaînements de séries limitées. Aujourd'hui, tous les généralistes (sauf Fiat) font cela.

Les enquêtes montrent que la voiture n'est plus un objet de plaisir ou de statut social. Terminé, le jeune cadre fier de sa voiture de fonction. Cela devient un moyen de locomotion pour aller d'un bouchon à un autre. On fait le tour des concessionnaires et on achète la citadine diesel la moins chère, point final.

10. Les constructeurs français se retrouvent dans l'ornière

Les généralistes européens sont dépendants de leurs marchés d'origine. PSA et Renault sont donc touchés par la morosité du marché hexagonal. Le top 10 de novembre est exclusivement composé de françaises (à l'exception de la Dacia Sandero, écoulée dans le réseau Renault.) Mais le marché est en chute libre. La Clio IV, meilleure vente actuelle, ne serait même pas dans le top 10 de 2007 ! Le problème, c'est qu'à cause de la compétition sur les prix, les marges s'effondrent.

Renault s'en sort mieux, grâce à sa présence extra-européenne. Par contre, PSA, peu internationalisé, est en mauvaise posture. Le bonus/malus a été du sur-mesure pour leurs diesels. La firme au losange a timidement préparé l'après-diesel avec ses "Z.E.". A contrario, celle au lion fait figure de dernier défenseur du diesel. Allant jusqu'à pousser l'hybride diesel-électrique.

Crédits photos : GM (photo 1), Peugeot (photo 2, 3 et 11), Toyota (photo 4), Renault (photos 5, 7 et 10), Ford (photo 6), Land Rover (photo 8) et Brillance (photo 9.)

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Pour résumer

Au 1er janvier 2014, le bonus/malus écologique "6.0" entrera en vigueur. Depuis 2008, il façonne le marché automobile français, pour le meilleur et aussi pour le pire.

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