C'est en tout cas ce que révèle "L'Institut de l'Accident", une étude publiée par l'association "40 millions d'automobilistes" analysant les différents accidents de la route en France. Si l'alcool ou une vitesse inadaptée figurent toujours en bonne place dans les causes primaires ou aggravantes des accidents, la somnolence se révèle tout aussi meurtrière.

L'association "40 millions d'automobilistes" utilise une approche différente pour construire son étude. "Ce qui nous intéresse, ce sont les faits : Que s’est-il passé sur la route et qui s’est conclu par un accident mortel ?". Pour cela, pas de parti pris, pas d'a priori, toutes les causes sont analysées, et bien souvent les idées préconçues sont balayées par l'analyse à froid.

Alcool et grande vitesse, peu de conducteurs concernés

Concernant l'alcool (et les drogues précise l'association), on en trouve dans 32% des accidents mortels. Cela ne veut pas dire que le responsable de l'accident était alcoolisé, mais qu'au moins un des conducteurs impliqués l'était. Or sur ce point, l'association note que sur 11 millions de contrôles d'alcoolémie effectués chaque année, 3,3% se révèlent supérieurs aux 0,5 g/l légaux. Très peu de personne sont donc concerné par le problème de l'alcool au volant et imposer des mesures sur ce point sera forcément vécu comme inutile par une majorité des conducteurs. C'était par exemple le cas de l'éthylotest obligatoire.

La vitesse est elle aussi souvent montrée du doigt par les différents acteurs de la Sécurité Routière. Pour "40 millions d'automobilistes" plus qu'une vitesse excessive, il convient en premier lieu de parler de "vitesse inadaptée". En effet, les radars, s'ils contribuent à réduire la vitesse moyenne ne le font que sur les lignes droites. Or beaucoup d'accident se déroulent en virage, où clairement la vitesse était inadaptée.

L'étude dénombre 638 morts par perte de contrôle due à une vitesse inadaptée, tout réseau confondu et fustige donc l'attitude jusqu'au-boutiste des pro-radars puisque selon la Sécurité Routière elle-même, seulement "1,5% de conducteurs dépassent les 110 km/h sur les routes à grande circulation et 1% dépassent 150km/h sur les autoroutes de liaison".

La perte de contrôle due principalement à la somnolence ?

En segmentant les différents accidents selon le type de route sur lesquels ils se sont déroulés, l'association pointe du doigt un fait souvent ignoré, 1687 morts sur la route sont dues à des perte de contrôle sur le réseau secondaire. Cela fait 46% du nombre de tués total et 67% des tués sur ce réseau.

Une analyse poussée de ces accidents par perte de contrôle montre que 547 accidents sont visiblement dus à une vitesse inadaptée (chaussée glissante, virage, etc.) et 1106 morts ont eu lieu en ligne droite, là où une "sur-vitesse" n'a qu'un impact très très limité sur la sortie de route même. En retirant les accidents où l'alcool ou l'inattention ont joué un rôle, il reste 690 morts dus à la fatigue ou la somnolence (soit 27,3% sur le réseau secondaire).

Les chiffres de cette analyse sont d'ailleurs corrélés avec les fiches BAAC que remplissent les forces de l'ordre lors d'un accident qui trouvent environ 24% des accidents dus à la fatigue.

Quelles solutions ?

Devant de tels chiffres, difficile de ne pas se dire que lutter contre la somnolence et la fatigue au volant serait un excellent levier pour faire réellement baisser le nombre de tués chaque année sur les routes et atteindre la barre des 2000 morts par an voulue par le Ministre Valls. Bien entendu, on ne peut pas être derrière chaque conducteur pour vérifier qu'il a bien son compte de sommeil avant de prendre la route, d'autant que le déficit de sommeil est un mal très répandu dans notre société.

Première solution, adapter les infrastructures. "Le marquage au sol avec des lignes sonores sauve des vies. Et cela ne coûte pas trop cher. Les nouvelles technologies embarquées sont une autre piste, par exemple, avec les avertisseurs de lignes continues" souligne l'association. Ce marquage serait bien entendu financé avec une partie des amendes collectées par les radars automatiques.

La généralisation des glissières de sécurité (doublées pour prendre en compte les deux-roues) sur le réseau secondaire, et pas seulement en virage dangereux éviterait elle-aussi de nombreuses sorties de route en ligne droite. L'Allemagne a par exemple décidé d'installer bon nombre de glissières sur son réseau secondaire dans des endroits jugés pourtant "peu dangereux" (lignes droites, virages peu prononcés, etc.).

Mais selon "40 millions d'automobilistes" c'est avant tout le message de la Sécurité Routière qu'il faut changer pour pointer du doigt les causes méconnues responsables de plus de 1000 morts par an. A voir si ce discours sera entendu par le CNSR et les pouvoirs publics lors de leur prochaine réunion en juin.

Pour découvrir toute l'étude, de "40 millions d'automobilistes", c'est ici.

Source et photo : 40 millions d'automobilistes.