On s'y attendait plus ou moins. Plus de budget, plus d'écurie, plus de motivation... Le programme "Indycar" de Lotus était on ne peut plus mal barré. Les fans espéraient malgré tout un dernier sursaut. Hélas, il n'y a pas eu de miracle et Lotus d'annoncer la fin officielle de son engagement en Indycar. Retour sur de 3 années d'errements.
Lotus et l'Indycar, c'est une vieille histoire d'amour.
Dans les années 60, les écuries de F1 cherchent des sources de revenus, quitte à participer à des courses hors-championnat, voir à d'autres séries (F2, Formule Tasman...) Jack Brabham démontre qu'une F1 à moteur central peut gagner à Indianapolis, face aux gros roadsters. Surtout, le vainqueur repart avec 400 000$, l'équivalent d'un et demi du budget d'une écurie de Grand Prix!
De quoi aiguiser bien des appétits... McLaren, Lola, Cooper et Brabham (en tant que constructeur) se lancent à l'assaut des 500 miles. Lotus participe à un mini-programme et il en profite pour se rapprocher de Ford.
En 1965, après 3 tentatives, Jim Clark s'impose.
Colin Chapman, toujours en quête d'innovations, tentera ensuite de faire triompher le moteur à turbine. L'USAC restreint, puis interdit cette mécanique et Lotus claque la porte.
Les années KV
A l'automne 2009, Dany Bahar arrive chez Lotus.
A l'époque, la marque est une belle endormie: les programmes sportifs se limite à la Lotus Cup et à des engagements semi-officiels d'Elise en GT. Il faut remonter aux années 90, avec les Esprit V8 et Elise GT1 pour voir des Lotus officielles quelque part...
Pour dépoussiérer le constructeur, Bahar opte pour la facilité: le sponsoring. En 2010, Lotus est ainsi partenaire d'une des deux voitures de KV en Indycar. Bahar veut un pilote "Lotus": Jacques Villeneuve est approché, avec la promesse d'un volant en F1 en 2011. Le Canadien décline et Lotus se tourne vers Takuma Sato, en mal de F1.
Cosworth apparait également sur la carrosserie, bien que le moteur soit un Honda.
A l'automne, le salon de Los Angeles tombe peu après le Mondial de Paris. Bahar, qui marche alors sur l'eau, veut passer la 2 en Indycar.
En 2011, Lotus sponsorisera les deux voitures de KV. Puis, en 2012, il profitera de la nouvelle règlementation pour construire moteurs et kits aérodynamique.
Clou du spectacle: la participation de Jean Alesi ("ambassadeur" du constructeur) aux 500 miles d'Indianapolis!
Le premier couac a lieu quelques mois plus tard. Le constructeur souhaite deux pilotes "Lotus".
Or, KV recrute sans rendre de compte. Tony Kanaan, à pied, hérite de la voiture N°2. En prime, l'écurie engage une troisième voiture pour E.J. Viso!
Mi-2011, le V6 Lotus prend forme.
Il est construit par Judd. Un choix très surprenant car Lotus est partenaire de Cosworth sur la T125/Exos et de Renault en F1. Qui plus est, Judd n'a pas conçu de moteur pour l'Indycar depuis une dizaine d'années (un projet mort-né pour MG.)
KV réagit... En signant avec Chevrolet. C'est un coup de tonerre pour le constructeur qui a bâti sa stratégie autour de l'écurie.
Lotus en piste
KV parti, il faut improviser. Or, à cette époque, les autres top teams sont déjà maqués.
Du coup, Lotus doit faire avec des seconds couteaux: Dragon Racing (deux voitures), Dreyer & Reinbold (une voiture), Bryan Herta Autosport (une voiture) et HVM (une voiture.)
Bahar veut que toutes les écuries portent les couleurs noir et or de Lotus.
Le moteur Lotus/Judd se fait beaucoup désirer. Les écuries doivent faire des "tests photos" avec des Indy Lights ou d'anciens châssis.
Faute de blocs, les écuries "Lotus" doivent zapper les essais privés et certains moteurs ne sont livrés que dans le paddock de St Petersburg...
Sébastien Bourdais (Dragon Racing) termine 9e à St Petersburg. Une performante encourageante.
Le problème, c'est que les Lotus/Judd sont fragiles. Or, à chaque casse, l'Indycar vous rétrograde de 10 places. Et en prime, le motoriste manque de blocs de secours!
De toute façon, le V6 est asthmatique. Rétrogradage ou pas, les clients de Lotus sont en fond de grille.
A Long Beach, où plusieurs mécaniques partent en fumée, on frôle le forfait.
Au mois de mai, les écuries se rebellent.
L'Indycar veut préserver les apparences: chaque écurie doit conserver son motoriste durant au moins une saison.
Néanmoins, face au lobbying des "Lotus", l'Indycar cède.
Jay Penske (responsable de Dragon Racing) détaille ses griefs. Il n'est pas content des performances du bloc. De plus, Lotus devait participer au financement des écuries, en tant que sponsor. D'après Penske Jr, ça n'a pas été le cas.
Dreyer & Reinbold, puis Bryan Herta Autosport quittent le navire. Dragon Racing suit peu après et reçoit ses Chevrolet peu avant les qualifications d'Indianapolis.
HVM est la seule équipe restée fidèle au moteur anglais.
Et Alesi? Son programme se met en place au dernier moment. Newman-Haas, qui doit l'aligner, juge qu'il n'a pas le temps de préparer sa voiture.
Fan Force United, une équipe débutante en Indy Lights, saisit la balle au rebond.
L'Avignonais passe in extremis le "rookie orientation test". Heureusement, il y a 33 voitures pour 33 places sur la grille. Alesi est qualifié 33e, juste derrière Simona de Silvestro (sur l'autre Dallara/Lotus.)
Les deux voitures sont à l'arrêt. Après 9 tours, on leur passe un drapeau noir.
Ex-futur
Après Indianapolis, HVM et de Silvestro poursuivent seuls l'aventure. La Suissesse consomme environ un bloc par meeting (alors qu'en théorie, elle devrait en changer toutes les 3 courses.)
L'Indycar autorise Lotus et Judd à développer le bloc (ce qu'il interdit à Chevrolet et Honda) pour lui offrir quelques chevaux.
Au début, le constructeur déclare que les choses "vont s'améliorer" et qu'il est en contact "avec d'autres équipes, dont des nouvelles structures". En fait, depuis le printemps, Lotus est carbonisé dans le paddock.
Mais en parallèle, Bahar est viré. Le nouveau propriétaire taille à la hache dans les budgets. Le ruineux programme Indycar est montré du doigt.
Les communiqués suivant sont d'une franchise désarmante: les finances sont à sec.
Lotus a signé en Indycar pour 2 ans. Mais qui peut le forcer à rester?
Sans surprise, rien ne se concrétise avec de nouvelles équipes. La Fan Force United ne réapparait pas.
HVM souhaite fusionner avec KV (encore eux!) pour bénéficier de leur Chevrolet. Finalement, de Silvestro signe avec l'équipe, emportant avec elle nombre de mécanos.
HVM part en WEC, abandonnant Lotus. Le retrait du constructeur n'est donc qu'une officialisation d'un fait accompli.
De ces 3 années, il restera quelques belles performances lors de l'époque KV.
On retiendra surtout une gestion déplorable et d'argent jeté par les fenêtres.
Crédits photos: Dragon Racing (photos 1, 8, 9, 10), Lotus (photos 2, 3, 4, 5, 7, 11 et 14), KV (photos 6 et 13), HVM (photo 12)
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