Essai Mercedes SLS AMG Roadster
par Pierrick Rakotoniaina

Essai Mercedes SLS AMG Roadster

Parfois, certains de nos essais se vivent comme des expériences singulières, tant le moment nous apparaît parfait, presque embarrassant. Néanmoins cet erroné sentiment de culpabilité s’envole en une fraction de seconde, dès que l’on pose son postérieur dans le cocon d’un véhicule hors du commun. La Mercedes SLS dans sa version Roadster fait son entrée dans ce club fermé, et nous en fûmes les témoins privilégiés.

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Chaque année, Mercedes organise un tour de France des circuits pour ses plus fidèles (et potentiels) clients en emmenant dans la remorque d’un camion pas moins de 9 véhicules de sa gamme AMG. Dans le lot, histoire de parer à une fâcheuse éventualité, le constructeur dispose sur ces événements de véhicules en « secours », dont un SLS Roadster, patientant dans un des stands du circuit de Bresse. Nous avons alors eu l’idée de lui faire prendre l’air, cette voiture ne méritant pas une telle punition… Avant cela, nous avons pris le temps de l’observer et de la sentir du bout des doigts à l’instar d’un pilote de jet avant de s’en aller vers les cieux.

Etrangement, il aura fallu que la SLS fasse le deuil de ses deux ailes en guise d’ouvrants pour mettre la tête de ses heureux propriétaires dans les nuages. Les portières redevenues traditionnelles ne font pas perdre de la prestance à cette voiture, qui affublée d’une capote en toile laisse présager du rêve qu’elle offre une fois sur la route. A vrai dire, l’ensemble apparaît même plus léger et fuselé à l’œil, donnant ainsi un sentiment encore plus dynamique. La réinterprétation heureuse de la mythique 300 SL s’avère définitivement comme une réussite sur le plan esthétique. L’interminable capot à peine ciselé, au bout duquel trône dans la calandre l’Etoile, impressionne et marque d’entrée les esprits que l’on soit au fait ou non de la question automobile. Le mariage de cet avant empli de nostalgie à cet arrière particulièrement moderne, à l’image de ces blocs optiques affutés illuminés par des bandes de LEDs, n’en finit pas de conquérir les cœurs. Les goûts et les couleurs se discutant, certains lui préféreront le design technologique d’une R8 ou la sensualité bestiale d’une italienne. Néanmoins la Mercedes apporte sur ce segment une vraie élégance. Elégance de façade en fait car les dessous ne font pas dans la dentelle...

A l’intérieur, l’ode à la glorieuse aïeule continue, à l’image de la fenêtre des compteurs sans casquette notamment. Pour le reste, sans même rentrer dans les détails, l’ambiance globale nous plonge dans un univers ouaté, nous épargnant une radicalité que certains clients refusent, néanmoins avec une pointe de sportivité qui ne trahit pas le caractère de ce bolide. Pour le confort et le cachet, du cuir à profusion et tout ce qu’il faut de matériaux nobles, histoire de ne pas dépayser le propriétaire de Classe E qui viendrait de gagner la cagnotte à la loterie. Toutefois, suivant le goût du propriétaire, l’âme du pilote qui sommeille en chacun pourra se manifester par le revêtement carbone ou alu des panneaux composant la planche de bord. En termes d’équipements, ne cherchez pas, il ne manque absolument rien, et ce sans même recourir à une liste interminable d’options. GPS, système multimédia de qualité même dans sa version de série (Bang & Olufsen en option), etc. La position de conduite quand à elle nous immerge dans un cockpit de GT un jour de juin dans la Sarthe, la douceur du cuir en plus. Assis au cœur du berceau hyper rigide taillé comme une cellule de survie, nos fesses flirtent dans un collé serré avec le bitume. D’ici, les dimensions hors norme du vaisseau paraissent étrangement appréhendables, même si l’on n’aperçoit même pas le bout du capot. En face des yeux, une instrumentation claire et lisible, composée d’un compte-tours et du tachymètre qui encadrent 7 petits cubes d’une importance capitale on le verra. Assis ainsi derrière le volant, on l’agrippe déjà fortement, des fois que la bête s’emballe sans crier gare, on ne sait jamais…

Sous le pied droit, on s’apprête à dompter un V8 6,3 primé moteur de l’année il y a deux ans. En tant que pièce maitresse de l’engin, il mérite non seulement son titre, mais n’apporte que satisfaction et sourire béat qu’on le contemple, qu’on l’écoute, ou qu’on le cravache. On galvaude parfois le terme d’œuvre d’art en parlant de mécanique automobile, toutefois devant une telle complexité servie par des technologies de pointe élaborée et fabriquée par des hommes, on ne peut s’empêcher de le penser.  Pour obtenir un ratio proche de 100 chevaux au litre sans suralimentation, les sorciers d’AMG se sont appliqués à utiliser des processus et matériaux de compétition. Un travail minutieux a été opéré sur les pièces mobiles comme le double arbre à cames en tête à calage variable et les pistons forgés en alu notamment. En outre la gestion des 4 soupapes dans chacun des 8 cylindres a été revue. Evidemment une solution de lubrification à carter sec a été adoptée, non seulement pour la continuité de la performance dans toutes les situations de conduite, mais aussi pour aider à l’abaissement du centre de gravité.

La puissance de 571 chevaux que développe ce gros bloc transite vers la boîte par un arbre en carbone pesant tout juste 4 kg… comme dans le coupé Classe C engagé en DTM. A l’intérieur dans ce que Mercedes appelle un tube de poussée, il tourne à la même vitesse que le moteur en sortie. On ne peut guère faire plus direct en terme de réactivité. Au bout des 1,71 m de l’arbre, on retrouve une transmission à double embrayage d’origine Getrag à 7 rapports, la même que Ferrari met notamment dans la California. D’un point de vue commande, elle utilise les classiques deux (trop) petites palettes implantées de part et d’autre du volant pour monter ou descendre les rapports. La boîte respectant l’architecture transaxle se situe donc sur l’essieu arrière, qui assure ainsi avec le moteur à l’avant, une répartition des masses de 46%(av) / 54%(ar) au bénéfice de l’équilibre.

Pour démarrer, un simple bouton Start/Stop allume le V8 dans un « broaaar » qui pousse immédiatement au sourire ou émouvra les plus sensibles. Dans le même temps, la ceinture nous serre contre le siège, pour souligner qu’à partir de maintenant, c’est du sérieux… Il fait beau, et dans un second temps, nous effaçons le toit en toile qui se plie derrière nous, sans se cacher sous un couvercle, peut-être dans le but de grapiller quelques kilos. Entre les deux appuie-têtes, un petit saute-vent transparent qui tient grâce à deux vulgaires clips. D’apparence cheap, il déconcerte par sa simplicité d’utilisation, même si on s’interroge sur l’utilité de sa fonction amovible. Timidement d’abord, le mode confort de la boîte enclenché, on effleure l’accélérateur et nous nous dirigeons discrètement vers des routes plus isolées. Dans ces conditions, notre SLS Roadster a tout d’un docile coupé confortable, permettant d’aligner les kilomètres sans sourciller. Les commandes sont douces, l’amortissement (classique sur notre modèle d’essai, dépourvu de suspensions actives) s’apparente plus ou moins à celui d’un SL, rien à signaler. Seul le bruit des échappements vient parfois troubler la quiétude qui nous entoure. On prend même le temps de manipuler le système COMMAND pour se mettre une musique douce et apaisante, on s’endormait presque…

Avant de s’engager sur une portion de départementale complètement déserte et vierge de toute présence humaine arme au poing… nous stoppons. Sport, Sport+, ou Manuel, voici les fonctions de la boîte que nous n’avons pas encore explorées. Pour faire simple, en Sport+ on laisse la gestion automatique des rapports, et en Manuel on prend la main. Le Sport simple n’a aucun intérêt. Peut-être qu’une alternative Warm-Up serait plus appropriée. Deux doigts derrière chaque palette, c’est dans un vrombissement agressif et explosif que l’on s’arrache au bitume ! Cela s’accompagne d’un cabrage qui nous fait passer du rôle de simple mortel à celui de dresseur d’étalon sauvage. En phase continue d’accélération, on apprécie la boîte à double embrayage qui égrène les rapports à chaque impulsion sans faiblir de l’un à l’autre. Pour éviter le claquage du rupteur, au sommet des cadrans, 7 LEDs, 4 blanches, une orange et deux rouges. On se prend alors rapidement pour ce qu’on n’est pas, un pilote de Grand Prix… toutefois, on se met à rêver d’occuper la place de l’homme aux commandes de la voiture de sécurité en Formule 1. En fait, assez rapidement on se fie plutôt à l’oreille, le son au fil du temps devenant le meilleur indicateur du haut régime limite avant de presser la palette de droite.

Au moment de mordre les disques, bien aidé par une assistance au freinage, la belle stoppe avec vigueur parfaitement en ligne. A 100 comme 200 km/h et au-delà, notre SLS Roadster équipé des freins en composite « AMG hautes performances » de série (40% plus lourds que les céramiques), aucune inquiétude que ce soit au premier comme 100ème freinage, on ne note aucune perte de performance. Quand on n’accélère pas pour faire gronder l’orage même sous le soleil, pour s’enivrer de ce bruit fantasmagorique… on apprécie également et peut-être plus encore le relâchement de la pédale de droite qui s’accompagne toujours d’un retour de flamme sonore qui n’en finit pas de faire dresser le poil. On regrette en revanche que la boîte soit désinvolte dans la descente des rapports en mode manuel, même si la gestion automatique semble idéale.

En terme de châssis notre SLS Roadster à peine alourdie par ses renforts et aussi rigide que le coupé démontre le savoir-faire d’AMG qui sait produire autre chose que des canapés dragsters. Pour cela, à Affartelbach on a donc fait le choix d’une architecture spécifique pour chacun des modèles afin d'assurer le meilleur équilibre possible avec une répartition presque parfaite. Etrangement, la direction lors des accélérations franches s’allège comme si tout le poids basculait immédiatement dans le coffre. Pourtant, cela ne nuit nullement à la précision de placement, mais on aurait aimé cela dit plus de consistance pour un meilleur feeling au volant. En termes d’équilibre, notre SLS Roadster montre une agilité presque inattendue au regard du poids. Les petits virages s’avalent avec une facilité déconcertante compte tenu de l’empattement long, qui le taille plutôt pour les grandes courbes. Chaque fois que l’on s’extirpe d’une épingle, on apprécie d’ailleurs l’excellente motricité qui permet un calage sur le train arrière qui colle au bitume sans prendre au dépourvu son pilote. Sur circuit, on s’amuse à mettre l’ESP en position intermédiaire, pour prendre des équerres qui nous feraient passer pour un roi du drift. Toutefois, quelque soit sa position, chaque fois qu’on passe trop rapidement de l’accélérateur à la pédale de frein en l’écrasant, l'ESP se remet automatiquement en position normale. Dommage !

Au final on prend donc bien plus de plaisir au volant de cette version découvrable, même si on y perd le charme de l’ouverture des portes. Cette effrayante musique sauvage nous hante encore… et les populations des villages traversés aussi. Le ticket d’entrée pour une place au premier rang de ce bestial récital coute 209 000€ et 227 000€ pour la déclinaison GT de 591 ch, soit 10 000 de plus que le coupé. A noter que pour ceux qui seraient dans le besoin, une offre de location longue durée vous permet de ne payer que 3 298€ chaque mois, après un acompte de 45 400€. Il ne nous reste plus qu’à trouver les bons numéros…

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Parfois, certains de nos essais se vivent comme des expériences singulières, tant le moment nous apparaît parfait, presque embarrassant. Néanmoins cet erroné sentiment de culpabilité s’envole en une fraction de seconde, dès que l’on pose son postérieur dans le cocon d’un véhicule hors du commun. La Mercedes SLS dans sa version Roadster fait son entrée dans ce club fermé, et nous en fûmes les témoins privilégiés.

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