Si vous avez, ne serait-ce qu'allumé 1 minute, une radio ou un poste de télévision, vous ne pouvez pas être au courant : 6 centimes de baisse à la pompe dès aujourd'hui ! Si cette annonce peut paraître anodine vu les plus de 13 centimes de hausse que les litres de carburants ont connu depuis début juillet elle a au moins le mérite de provoquer les réactions de certains acteurs du marché.
Les 6 centimes de baisse annoncés sont donc instaurés à partir d'aujourd'hui et pour une durée de 3 mois. Cette baisse artificielle du prix de l'essence sera supportée à moitié par l'Etat et à moitié par les pétroliers. Attention toute fois, elle ne devrait pas être de 6 centimes partout en France et ce situera dans une fourchette de 3 à 6 centimes. Du coté du ministre Moscovici, on se félicite bien entendu de la mise en vigueur du dispositif en occultant rapidement que la promesse de campagne était un blocage des prix et surtout en brouillant les cartes vis-à-vis du financement de cette mesure dont le coût de 300 millions d'euros pour 3 mois sera "compensé par un redéploiement budgétaire".
D'ailleurs cette baisse sera-t-elle réellement de 6 centimes par litre ? Rien n'est moins sur ! En effet, les pétroliers comme Total ne se sont engagés que sur 2 centimes de baisse, et 3 pour les stations d'autoroute qui se rattrapent avec les ventes de sandwiches et autres boissons. Quant aux indépendants, hors de question pour eux de toucher à leurs marges déjà faibles. Christian Roux, président de la Branche nationale des propriétaires-exploitants de stations-service au sein du Conseil national des professions automobiles, déclare : "Si nos fournisseurs nous appliquent des baisses nous les appliqueront, pour le reste, sur nos propres marges, il est hors de question qu'on les baisse car elles sont déjà très faibles".
Du coté des grandes surfaces, certains comme Leclerc ou Système U ont annoncé une vente à prix coûtant pour le mois de Septembre. Une vente à prix coûtant qu'est-ce que c'est ? Sur un litre de carburant, la grande surface paie un prix d'achat A, applique un pro rata de ses charges de structures C (salaires, électricité, etc.) puis une marge M (annoncée à 1 centime par litre par Michel Edouard Leclerc). Le prix de vente est donc A+C+M . Leclerc et Système U (entre autres) s'engagent donc à proposer le carburant à ce même prix A à la vente et de prendre en charge leur frais de structure. Le manque à gagner est estimé à 20 millions d'euros mais en échange d'un sacré coup de publicité.
Du coté des associations d'automobilistes enfin, l'Automobile Club Association (ACA) se dit satisfaite par cette première mesure mais réclame bien entendu plus de la part du gouvernement et des pétroliers. "Nous demandons la mise en œuvre d’une 'TICPE flottante', comme l’avait évoqué François Hollande lors des élections présidentielles. Elle empêcherait ainsi l’Etat de faire plus de profits au détriment du consommateur. Lors d'une augmentation du prix du pétrole, la baisse de la TICPE compenserait la hausse et ne pénaliserait plus le consommateur. L’Etat conserverait tout de même un niveau de recettes satisfaisant." déclare le Président de l’Automobile Club Association, Didier Bollecker.
TICPE flottante ou effort sur les taxes, l'effet sera le même pour l'Etat, à savoir une baisse des recettes fiscales. Comme souvent évoqué, 2 centimes de TICPE par litre de carburant représentent 1 milliard d'euros de recette en moins sur un an. Ainsi, si l'Etat doit compenser une hausse de 14 centimes par litre comme nous connaissons depuis le 1er juillet, le manque à gagner sera sur 1 an de 7 milliards d'euros qu'il faudra alors trouver "ailleurs" (lire: hausse d'impôts, coupes de budgets, etc.).
Le gouvernement demandera dans les prochains jours aux autres pays du G7 de signer conjointement une demande officielle aux pays de l'OPEP d'augmenter leur production ce qui mécaniquement devrait détendre les prix du baril de pétrole. Une question se pose alors : le carburant "bon marché" est-il d'un passé révolu ? Une question plus générale doit également se poser : Est-ce à certains, par le biais d'impôts supplémentaires, de supporter le coût d'une baisse des taxes sur un bien de consommation comme le carburant ?
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Source : ACA, Ministère, Photo : Ministère