Les deux premières générations de la GS étaient avant tout pensées pour le marche américain même si elles étaient discrètement présentes dans la gamme Toyota sur le marché local du constructeur. Avec la troisième génération en 2005, Lexus a élargi le champ d’action du modèle avec une motorisation plus musclée originale utilisant le système hybride THS comme dopant pour le moteur thermique dans la GS 450h. Il le fallait pour l’envoyer en reconnaissance en territoire hostile, l’Europe.
L'arrivée de cette GS coïncidait également avec l'établissement de la marque au Japon. Malgré des chiffres de production en nette hausse par rapport à ses deux devancières, cette génération S190 (pour reprendre la manie des codes internes que les fans des production d’Outre-Rhin aiment à utiliser) n’a que partiellement rempli ses objectifs. Bien que bardée d’une débauche de technologie, elle est restée perçue comme trop sage, trop anonyme pour remettre en cause les références allemandes plus luxueuses (classe E), plus dynamiques (série 5), plus... allemandes (Audi A6).
Intégrant ce retour d'expérience, les hommes de Lexus ont changé de ton en concevant la GS 2012. La menace explicite de Akio Toyoda de tout simplement faire disparaître le modèle de la gamme si la nouvelle génération ne représentait pas un saut qualitatif majeur a également servi, s’il le fallait, de motivation efficace. Et de fait la façon de présenter la voiture par Lexus à la presse ne pouvait être plus différente de ce qu’elle était la fois précédente. Si la voiture a été conçue d’abord avec l'Amérique et le Japon en ligne de mire, les responsables insistent sur le fait que la sensibilité des clients d’Outre-Atlantique dans ce segment est nettement plus “européenne” qu’auparavant et qu’au Japon la mission de cette voiture est de ramener en douceur les brebis égarées sensibles au charme des productions Deutsche Qualität vers des produits made in Japan.
Du coup, si la technologie est toujours le péché mignon du constructeur, ce sont des valeurs plus habituelles dans les communiqués de presse d’Outre-Rhin qui sont mises en avant : géométrie de suspension, rigidité de caisse, comportement, qualité intérieure... Les visuels présentent l’auto en mouvement sur des routes sinueuses bien éloignées de l'image du parking de clubhouse que traîne la marque. Autre signe que les temps ont changé, la finition sportive F-Sport, équivalente des pack M ou S-line, est disponible d'entrée au catalogue. Une vraie GS F pour aller chercher les M5, RS6 et autre AMG est également dans les cartons s’il faut en croire le sourire entendu que les responsables de Lexus donnent en guise de réponse non verbale lorsqu’on leur pose la question.
En attendant cette hypothétique GS F, la gamme de motorisations au Japon comprend deux V6, un 2,5 l de 215 chevaux et 260 Nm de couple maxi pour la 250, et un 3,5l de 318 chevaux et 380 Nm de couple maxi pour la 350, alors que la GS450h sur laquelle mes collègues métropolitains se repencheront bientôt ajoute au V6 de la 350 un système THS qui promet 343 chevaux .
Les deux voitures testées ici sont les deux extrêmes de la gamme japonaise hors hybride. Une 250 à finition L et une 350 F Sport. Plus sobre, la 250 n’est pas la moins séduisante. Au revoir L Finesse, bonjour Spindle Grille, pour être fidèle au vocabulaire maison. Le nouveau visage de la GS reprend en l’affirmant la grille concave ébauchée sur la CT et qui est étendue progressivement au reste de la gamme comme on l’a vu avec les nouvelles RX et ES. Qu’on aime ou pas, c’est la première fois que Lexus est en train de se trouver une identité reconnaissable, quelque chose qui dise Lexus instantanément, même sans connaitre le modèle, et qui distingue les productions de la marque de celles de Toyota sans ambiguïté.
La F Sport rajoute des angles vifs dans le contour des boucliers, ce qui donne un air agressif à la voiture, d’autant plus dans cette teinte sombre jusqu’aux grandes roues de notre voiture d’essai. Le traitement sportif est tout aussi net à l'arrière. Avec ce parti pris d'agressivité, on ne pourra pas reprocher à la F Sport d'être anonyme et ce modèle pourrait bien devenir le symbole de la nouvelle GS. Lexus fait le pari que cette nouvelle attitude “rentre dedans” attirera de nouveaux acheteurs sans faire fuir la clientèle traditionnelle, plus portée sur la confortable discrétion qui caractérisait la marque jusqu’ici.
Si l'extérieur sportif peut faire réfléchir à deux fois la placide clientèle, l’intérieur par contre la séduira à tous les coups. Que ce soit dans la 250 L ou la 350 F Sport, la GS accueille très bien ses passagers. Les sièges, dans un très beau cuir rouge dans la F Sport, sont très confortables, alliant maintien latéral et souplesse, et une fois assis et bien positionné grâce aux multiples réglages électriques du siège et de la colonne de direction, on y resterait bien plus que strictement nécessaire. Un appui sur le bouton start met en branle l’ensemble, un terme particulièrement peu adapté dans ce cas précis tant la mise à feu est un non-évènement. Vibrations imperceptibles, démarrage feutré qui se cale dans un murmure de ralenti à peine audible et qui se noie presque tout à fait dans le son cristallin du remarquable système audio Mark Levison, légère brise de l’air conditionné...
Pour quelqu’un qui n’est pas familier des voitures de ce niveau, c’est ce moment qui est vraiment le premier chox de la différence d’avec le tout venant populaire : le souffle d’air à juste la bonne température, le toucher du cuir, l’ambiance sonore élégante prolongée par des manifestations visuelles tout aussi mesurées, faisant le meilleur usage d’un éclairage indirect blanc dans l’instrumentation et de la grande qualité de l’affichage du large écran incrusté dans la planche de bord. La grande nouveauté du cockpit de cette GS c’est cet écran très large et de très grande definition, au curseur manipulé par un hybride souris/joystick sur la console. Il accueille tous les menus audio/vidéos, la navigation et quelques paramètres de conduite. Comme toujours avec ce niveau de service, la complexité et les menus à rallonge l’emportent sur l’intuitif, mais au moins Lexus fait les choses élégamment. La 350 F Sport propose également un système d’affichage tête haute qui présente les informations de conduite essentielles et certaines indications de navigation sobres mais efficaces auxquelles on s’habitue très vite. On s’en rend compte par défaut lorsqu’on passe à la 250 qui n’en est pas équipée.
Le V6 3,5l s’avère coupleux à souhait mais assez timide en conduite normale. Pour briser la glace il faut placer la molette située sur la console centrale sur la position Sport qui indique à la boite automatique 6 rapports (un mode manuel permet d’utiliser les palettes derrière le volant) de monter dans les tours et rend la réponse de l’accélérateur et la direction plus directe. Signalons au passage, pour mieux l’ignorer ensuite, le mode eco pour ceux qui aiment la vie en sous-régime, et concentrons nous sur le mode Sport+, qui, comme on s’en doute, fait la même chose que le mode Sport mais avec tous les potentiomètres en butée. Dans ce cas le chant du V6 se fait plus présent et plus joyeux dans l’habitacle, profitant de l’expérience sur l’acoustique moteur dont Lexus commence à avoir la maîtrise, ayant particulièrement travaillé la chose sur l’IS F puis la LFA.
Pour autant le V6 Lexus ne déclenche pas de réponse émotionnelle, tout compétent qu’il soit. Trop bien élevé sans doute, même si l’effort du constructeur pour le dévergonder un peu est louable. Il propulse efficacement la F Sport a des allures parfaitement acceptables pour une voiture de ce calibre mais on eut apprécié un tantinet de spectacle en plus. Ce sera sans doute la mission de la GS F. Pour ce que nous avons pu en constater, le châssis semble être le point sur lequel la voiture a particulièrement progressé, surtout dans l'exécution F Sport. La GS atteint cette rigueur de comportement sans brutalité qui semble être le nouveau standard auquel aspirent les ingénieurs de Lexus, la fameuse dynamique “à l'européenne” du comportement routier. La GS 250 L est un peu moins rigoureuse sur ce point, tout en restant très confortable. Le V6 2,5l qui l’anime est également un peu moins idéal pour la taille et le poids (1670 kg) de la voiture, signifiant poliment en conduite soutenue qu’il n’est pas fait pour ça contrairement au 3,5l et ses 318 chevaux toujours à l'aise.
Pour conclure cette première impression, la GS est indéniablement en progrès par rapport à la version précédente, s’étant trouvée une identité plus affirmée. Plus dynamique sans renoncer au confort caractéristique de la marque, moins geek dans son utilisation de la technologie, elle n’est sans doute pas encore à même de détrôner immédiatement les berlines moyennes allemandes auxquelles elle s’attaque frontalement mais s’invite au club sans complexe et représente, comme l’Infiniti M mais dans un genre un peu différent, une alternative à ne pas négliger. Le seul (gros) problème de cette GS pour l’Europe est l’absence assumée de motorisation diesel, décidément pas la tasse de thé de Lexus comme le souligne la moue dubitative des responsables quand on évoque le sujet. Lorsque l’on leur parle gazole ils répondent hybride, arguant que la 450h est une parfaite grande routière qui peut en remontrer en sobriété aux meilleures. Au Japon ou aux Etats-Unis le discours peut porter, le long des autoroutes de l’Union Européenne ce sera sans doute plus difficile à vendre aux clients. L’essai à venir de la GS450h ici même apportera un début de réponse à la question dans quelques semaines.
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