La démarche de Toyota avec ce modèle prend le contre-pied de l’approche classique consistant à choisir un modèle existant ailleurs, le dépouiller au maximum pour en abaisser le coût et le renforcer tant bien que mal pour les rigueurs locales. Dans le cas de l’Etios, la voiture a été développée à partir de zéro pour répondre spécifiquement aux besoins du marché indien et elle est produite sur place. Sa plateforme sera par la suite utilisée comme base pour développer d’autres modèles destinés à attaquer d’autres marchés de l’ensemble BRICS. Le Brésil est ainsi le second objectif avoué par Toyota, et la Russie pourrait suivre rapidement ensuite. Une démarche qui se rapproche assez dans l’esprit de celle de Renault avec la Logan.
Les spécificités du marché indien nous ont tout d’abord été expliquées par l’ingénieur en charge du projet à grand renfort de transparents montrant le joyeux chaos régnant dans les rues indiennes, les routes à ne pas mettre un SUV dehors et le climat brutal, rude avec les hommes et les machines.
L’Etios, sous ses dehors de petite berline discrète, est en fait taillée pour répondre à ces contraintes et représente un intéressant paradoxe : la garde au sol de 170 mm, les plaques de protection sous le châssis et les bas de caisse renforcés ne dépareraient pas sur un bon crosser-adventure-allroader-outland softroader de nos contrées, mais au lieu de l’esbroufe ushuaïesque qui va habituellement avec la voiture fait au contraire de son mieux pour ressembler à une citadine... Les essayeurs de Toyota ont d’ailleurs pour en avoir le coeur net torturés deux exemplaires de l’Etios jusque sur les contreforts de l’Himalaya, sans dommages particuliers.
L’intérieur utilise des ruses similaires. Propret mais simple, coûts serrés obligent, il est en fait équipé comme pour affronter pour une traversée du désert : le système d’air conditionné dimensionné pour un bus, trahi par des bouches peu discrètes sur le tableau de bord, souffle dans l’habitacle un ouragan glacé avec un bruit de Boeing jusque dans la boite à gants qui peut embarquer 13 litres en bouteilles d’eau (!).
La banquette arrière plate est faite pour accueillir 3 adultes et des idées intéressantes sont appliquées comme les rails des sièges avant conçus pour ne pas blesser les pieds souvent nus des occupants. Bien sûr, pas question de philosopher ici sur la mousse et les plastiques. Ici c’est dur, solide, sans fioriture hormis quelques joncs chromés, et surtout pas cher. Même verdict pour les sièges qui malgré la sellerie bicolore vue ici ne représentent pas le dernier cri en matière de confort ergonomique mais qui sont loin d’être un supplice. L’automobiliste indien, qui accède dans bien des cas à sa première voiture, n’a pas les états d’âme du difficile acheteur européen qui a plusieurs générations de conducteurs dans les gènes...
L’Etios existe en deux versions : la berline tricorps, vendue depuis l’année dernière, s’adresse aux familles installées. Plus accueillante, avec une longueur de 4,26 m, elle est équipée d’un moteur 1,5l de 90 chevaux et 132 N.m de couple et d’une boîte manuelle 5 rapports. Ce moteur est spécifique à la voiture. La consommation est de 5,6l aux 100 km, bien aidée par un poids de 930 kg. En terme de sécurité, la voiture reçoit un ABS et 2 airbags. Elle est vendue entre 496 000 et 696 000 roupies (7880 à 11000 euros). La 5 portes qui s’appelle Etios Liva est plus dépouillée et son moteur fait 1,2l et 80 chevaux. Elle s’adresse aux jeunes avec un prix qui s’échelonne entre 399 000 et 599 000 roupies (6340 à 9520 euros).
Les voitures n’étant pas immatriculées au Japon, l’essai se déroulait sur la piste de perfectionnement de conduite de Toyota, ce qui présentait un inconvénient majeur : la surface en état impeccable ne permettait pas de se rendre compte de l’utilisation de la voiture dans les conditions qu’elle est faite pour rencontrer. De fait, le niveau sonore est parfaitement acceptable, et la voiture ne se dandine pas comme on pourrait s’y attendre avec ces trains roulants réglés pour encaisser toutes sortes de terrains. C’est encourageant mais difficile dans ces conditions de donner un avis autorisé. Si la Liva demande de jouer de son levier de vitesses quelque peu imprécis pour tenir un rythme soutenu, le 1500 cm3 de l’Etios est agréablement coupleux à bas régime, en accord avec les accents de respectabilité que Toyota a voulu donner à sa voiture.
Dans l’ensemble l’impression est plutôt bonne une fois que l’on se recale sur des standards un peu différents de l’habitude. On a un peu le sentiment de se retrouver dans une compacte européenne des années 90. C’est une voiture simple, légère, sans artifices, qui remplit parfaitement sa tâche. Les premiers chiffres de vente sont bons avec 37 000 commandes depuis le 1er décembre 2010 pour un objectif de 30 000.
Quand on y songe, il n’est pas étonnant que Toyota ait réussi l’Etios. D’une certaine façon, la petite berline qui accompagne l’émergence d’une population dans un nouveau mode de vie, c’est le coeur de l’identité du constructeur de Nagoya depuis ses débuts. Ce n’était d’ailleurs pas par hasard qu’une Corolla de première génération trônaît dans le hall du bâtiment où nous étions accueillis. Spirituellement, l’Etios en est la descendante directe. Souhaitons lui le même destin.
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