Nicolas Hayek, patron Suisse d'origine Libano-Palestinienne, est mort lundi. Son nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, si vous avez une Swatch au poignet ou que vous roulez en Smart, c'est grâce à lui.
Nicolas Hayek est né à Beyrouth, en 1928. Diplômé en mathématique à Lyon, il effectue un stage à Zurich, dans la réassurance. Il y épouse la fille d'un fondeur. Ce dernier a une attaque et Hayek est propulsé à la tête de l'entreprise.
Il s'improvise manager et lance une entreprise de consulting, en 1963.
Il y effectue une étude sur les horlogers Suisses. A l'époque, les montres Japonaises envahissent le marché et cette industrie pluri-centenaire est moribonde. Mais il est persuadé que la Suisse peut rebondir dans les montres bon marché.
Il exploite un prototype de 1978, la Delirium tremens (une montre entièrement en or massif!) et crée la Swatch, en 1983.
C'est un carton.
Hayek est persuadé qu'il peut décliner le concept. Il lance ainsi un téléphone Swatch (qui fut un flop.)
En tant que consultant, Hayek a découvert qu'il existe un marché pour une voiture urbaine, stricte deux places et équipée d'une boite automatique.
En 1991, il approche Volkswagen. Ca tombe bien, ce dernier vient de présenter la Chico (ci-dessous.)
Nicolas Hayek et Ferdinand Piech se prennent à rêver d'une "Swatch-VW". Tout en plastique, cette citadine électrique basique serait produite en Chine et son prix de vente serait de l'équivalent de 7 000€ actuels. Elle aurait du sortir en 1995, juste après la Polo 3.
Le duo Hayek-Piech tourne à la querelle d'égos surdimensionnés.
En 1994, c'est le divorce officiel. Hayek a déjà approché Mercedes (après un refus de GM.)
Là aussi, ça tombe bien, car Johann Tomforde travaille sur les micro-citadines depuis 1972. Il a même conçu un prototype, la NAFA, en 1981. La NAFA fut alors jugée trop chère (autant qu'une 190) et pas assez "Mercedes". Mais 12 ans plus tard, la firme à l'étoile veut descendre en gamme.
Mercedes et Swatch fondent une société commune: MCC (Micro Compact Car), dont le siège est en Suisse, mais avec une usine à Hambach, en Moselle. Le modèle s'appellera Smart (Swatch Mercedes ART.)
MCC présente deux concept-cars: l'Eco-Sprinter et l'Eco-Speedster:
Comme d'habitude, Hayek veut changer le monde.
Pas de bon de commande! Les concessionnaires auront d'immenses tours en verre: on choisi et on repart avec dans la foulée.
La couleur ne vous plait plus? Un tour chez votre concessionnaires et en 20 minutes, on vous remplace vos panneaux de carrosserie.
Il a également prévu un achat sur internet (avec livraison à domicile), une possibilité d'auto-partage et même que l'on ne paierait plus que la moitié d'un stationnement (vu que vous ne prenez qu'une demi-place.)
Seul le projet de motorisation électrique est repoussé à "plus tard".
En parallèle, Mercedes lance la Classe A avec une campagne marketing très "jeune". Le buzz se change en bouse en 1997, lorsqu'un prototype se retourne suite au "test de l'élan".
La presse tire à boulet rouge sur Mercedes. Certains se trompent et illustrent leurs articles avec des photos de la Smart.
Pour s'en sortir, le constructeur se replie sur ses valeurs traditionnelles (solidité, fiabilité...); plus question d'accepter les excentricités d'Hayek.
Officiellement, tout va bien. Hayek se vante du succès de sa voiture et évoque de nouveaux projets.
En fait, il est mis sur la touche. Il revend petit à petit ses parts de MCC et alors que la première voiture sort d'Hambach, en 1996, il n'a plus grand chose à voir avec elle.
Hayek continuait de travailler sur 1 000 idées. Il a tenté de développer la "vraie" Smartmobile, telle qu'il l'avait imaginé en 1991.
En 2003, il a confié les raines de son entreprise, le Swatch Group, à son fils Nick. Il n'était pas pour autant retraité, en témoigne ce récent avion solaire, conçu et financé par le Swatch Group.
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