Galop d'essai Nissan Fuga : l'Infiniti comme on l'M
par Pierre-Laurent Ribault

Galop d'essai Nissan Fuga : l'Infiniti comme on l'M

Si la nouvelle Infiniti M n'est encore en Europe qu'européen des berlines de luxe.

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Si la nouvelle Infiniti M n'est encore en Europe qu'une belle de salon comme on l'a vue à Genève en début de mois, les Japonais en profitent déjà depuis quelque temps sous le nom de Nissan Fuga. Nissan Japon nous a fourni l'opportunité d'une rapide prise de contact avec cette version autochtone de l'Infiniti en attendant un essai plus conséquent lors de l'arrivée de la voiture en France. Premières impressions de cette nouvelle prétendante au marché européen des berlines de luxe.

L'Infiniti M a modestement commencé sa carrière américaine sous la forme d'une Nissan Leopard rebadgée, mais depuis l'avant-dernière génération la voiture est conçue en priorité pour les Etats-Unis qui constituent son plus grand marché. Au Japon, où Nissan a toujours vendu de grandes berlines sous sa propre marque, l'introduction d'Infiniti n'est pas à l'ordre du jour mais la plupart de ses modèles y sont présents: la G est la Nissan Skyline, l'EX est la Skyline Crossover et la M est donc cette Fuga. Si cette dernière est en tout point identique à l'Infiniti, l'étagement de la gamme est un peu différent. La clientèle japonaise n'ayant pas montré un intérêt flagrant pour la version V8 de la génération précédente, la nouvelle Fuga n'est disponible qu'avec un choix de deux V6 essence, le VQ25HR de 2,5l et le VQ37HR 3,7l. Ce moteur, déjà vu dans la G37 et la 370Z, est couplé ici à une boîte automatique à 7 rapports. Notre voiture d'essai, dans sa finition 370GT, en était équipée et on retrouvera cette motorisation en Europe à côté d'un V6 diesel indisponible au Japon et aux Etats-Unis en attendant la version hybride.

De premier abord, la Fuga apparaît plus imposante que le modèle 2009. C'est une illusion : bien que prenant près de 5 cm en largeur, avec 4945 mm elle n'est plus longue que d'un petit centimètre en longueur et conserve un empattement identique. Malgré une taille similaire, il n'y a pas de risque de se tromper entre les deux : la nouvelle voiture adopte le language stylistique inauguré sur le concept Essence de Genève 2009, tout en courbes et arrondis organiques, et l'absence d'arêtes et de baguettes donnent un style très original à la voiture qui la démarque radicalement de ses concurrentes au prix d'un manque de classicisme qui pourra rebuter certains.

Même singularité à l'intérieur : continuant dans une voie entamée avec le crossover EX et la Nissan 370Z, Infiniti applique dans l'habitacle un traitement différent de ce à quoi on est habitué dans les berlines haut de gamme. La tonalité générale est un camaïeu de bruns. La planche de bord et les contreportes sont inscrites dans des entrelacs de courbes et de lignes. Les inserts bois qui courent sur la planche de bord, la console et les contreportes ont également la particularité d'être couverts d'une laque qui contient de la poudre d'argent, une technique typiquement japonaise. Le cuir des sièges est particulièrement souple et l'ensemble est plaisant même si pas vraiment dépouillé. Le responsable des matériaux intérieurs, rencontré à l'occasion de cet essai, revendique une inspiration japonaise décomplexée et indique avoir particulièrement travaillé la texture des différents matériaux, y compris les plastiques utilisés, en partant de l'analyse des sensations du toucher. Selon lui, le débat très européen plastique dur/plastique mou est vain puisque l'on peut manipuler le ressenti en jouant sur les motifs dans la texture du plastique, ce qui a été mis en pratique ici. On devrait retrouver plus largement l'application des résultats de cette recherche dans les futurs modèles des gamme Nissan et Infiniti.

Au niveau des commandes, on est plus dans une philosophie Lexussienne qu'allemande : au lieu des successions d'écrans et des cascades de menus d'un système informatique intégré, on garde des boutons, des boutons et encore des boutons sur la console, le volant, le tableau de bord, la contreporte, et j'en passe. On peut argumenter que c'est mieux ou que c'est moins bien, selon le point de vue où l'on se place. On ne saurait dans tous les cas se plaindre de la jolie montre sous l'écran du système de navigation. Un peu de tendresse analogique dans ce monde de bits... Nissan est particulièrement fier de son nouveau système d'air conditionné poétiquement nommé Forest Air qui délivre une "brise" aux occupants, tout en filtrant les odeurs et ajustant le taux d'humidité. En pratique, la brise promise est effectivement un poil plus agréable qu'une bouche d'aération standard mais de là à se croire dans un sous-bois... Notre voiture d'essai était également équipé du "Bose Studio Surround Sound System with 5.1 channel", un système audio aussi complexe que le nom le laisse penser et qui fait pousser les hauts-parleurs aux endroits les plus improbables comme le dossier des fauteuils. N'ayant pas de DVD de Transformers 13 ou autre assommoir sonique sous la main, nous nous sommes contenté d'une bande son lounge à niveau modéré et le système s'en sortait fort bien. Le contraire aurait été décevant.

Une fois en route, on retrouve l'agrément du V6 Nissan et son couple généreux qui est particulièrement bien adapté à ce type de grand berline qui demande surtout une conduite coulée. Que ceux qui ne sont pas d'accord avec cette façon de voir les choses ne désespèrent pas, Nissan propose également (au Japon tout au moins) une version S avec des tarages de suspension plus durs et des roues plus grandes pour profiter à fond du mode Sport. Pour ce petit galop d'essai sur les périphériques urbains de Yokohama, la voiture dont nous disposions était largement suffisante. La suspension privilégie le confort mais ne transforme pas la voiture en tapis volant. Après tout, Nissan souhaite conserver, même dans la version normale, un caractère assez sportif à sa voiture. Le traitement du niveau sonore dans l'habitacle est en une autre preuve : le V6 veut bien se faire entendre à qui prête l'oreille, ce qui est plutôt agréable.

Si les conditions de cette prise de contact ne permettaient pas de s'attaquer sérieusement au mode Sport (ni de trouver un meilleur environnement pour les images, désolé), il nous a été possible de goûter au mode Eco et surtout à l'Eco-Pedal, un système qui donne à la pédale d'accélérateur la capacité de résister gentiment à la pression si on appuie plus que nécessaire. Il y a un cran net à l'appui sur la pédale au régime estime optimal par le système, qui s'accompagne d'un témoin (vert, vous l'aurez deviné) au tableau de bord, mais il est possible de passer outre à volonté. C'est convaincant et ce dispositif présente l'avantage d'être particulièrement intuitif. On le retrouvera sûrement très vite sur des modèles plus roturiers, une fois les coûts de production maîtrisés.

L'impression générale est largement positive. La Fuga est en gros progrès par rapport à la version précédente, et l'approche originale prise par Nissan/Infiniti dans un segment où les règles du jeu sont dictées par le triumvirat germanique mérite d'être suivie de près. Si l'Infiniti M pourra bâtir sur la clientèle existante aux Etats-Unis comme au Japon, l'Europe est terra incognita pour la marque dans ce segment. les clients du vieux continent seront-ils sensibles aux charmes de cette japonaise cossue ? Rendez-vous pour un essai plus complet de la version européenne dans quelques mois.

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