Toyota pédale dans le yaourt!
par Joest Jonathan Ouaknine

Toyota pédale dans le yaourt!

C'est le feuilleton de l'hiver: les problèmes d'accélérateurs et de freins des Toyota. Au-delà du coût rappel, il en va de la crédibilité du constructeur Japonais, sérieusement entachée.

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C'est le feuilleton de l'hiver: les problèmes d'accélérateurs et de freins des Toyota. Au-delà du coût rappel, il en va de la crédibilité du constructeur Japonais, sérieusement entachée.

La sécurité est une préoccupation ancienne. Dés les années 30, certains constructeurs ont effectué des crash-tests.

A l'époque, on pensait que plus un véhicule était solide, mieux c'est. Citroën jette ainsi une Traction en haut d'une falaise devant une caméra. Un tonneau plus tard, la voiture repart (grâce à un camion et à un câble hors-champ.)

Les équipements se multiplient (ceinture de sécurité, vitres feuilletées...) Néanmoins, il faut attendre Mercedes et la fin des années 50 pour voir une réflexion profonde sur l'accidentologie. Il ne s'agit plus de rendre sure une voiture déjà développée, mais d'intégrer l'aspect sécuritaire dans la conception du véhicule.

Malgré tout, aux Etats-Unis, on se fout de la sécurité. Monsieur Smith veut un V8, des chromes et tout ce qui peut rendre jaloux son voisin, pas une voiture "sécuritaire". C'est une truc de vieilles filles, ça!

L'opinion change au milieu des années 60. Ralph Nader publie son pamphlet Unsafe at any speed. Simple coup de pub d'un jeune avocat en mal de reconnaissance? Ou vrai travail militant d'un homme engagé? Les avis sont partagés.

Néanmoins, la NHTSA se montre désormais sévère envers les voitures qui ne remplissent pas des critères de sécurité. Comme par hasard, les premiers véhicules bannis sont la Honda N360, la Subaru 360 et la Mini.

Les procès fait à des constructeurs, suite à des accidents mortels, se multiplient. Ce qui n'empêche pas le cynisme. Lors de la conception de la Pinto, Ford se rend compte que le réservoir est trop exposé. Il calcule le coût d'un redesign et le cout des procès éventuels. Le deuxième chiffre est inférieur au premier et la Pinto d'être lancée en l'état.

Dans les années 90, GM est épinglé. Sur ses pick-up, là encore, le réservoir est trop exposé.

Quelques années plus tard, les pick-up Ford sont dans la tourmente: les pneus Firestone sont defectueux. Les famille Ford et Firestone sont emmêlées, mais le constructeur est contraint de changer de crémerie.

En France, l'importateur Volvo avait été condamné pour un problème identifié de freins sur les break 850 qu'il n'avait pas jugé important de corriger.

Désormais, les rappels de constructeurs se sont banalisés. Dans Fight club, le personnage principal travaille pour un constructeur et il est chargé d'estimer si un accident mortel mérite un rappel.

Ce qui frappe d'autant plus l'opinion US, c'est que le fautif du jour est Toyota. Or, dans les années 80-90, il a bâti sa réputation sur la fiabilité et la sécurité. Deux soucis récurrents des productions des "3 grands".

Du coup, il semblait invincible: depuis la 2ème guerre mondiale, il a toujours eu des résultats financiers positifs (on y reviendra), ses méthodes de production sont devenues une référence et c'est le premier constructeur mondial.

Aux Etats-Unis, ce n'est plus un simple importateur: il y produit un million de véhicules par an et, suprême symbole d'intégration, il est présent en Nascar.

Toyota fut sans doute victime du "syndrome Ignacio Lopez". Du nom de José Ignacio Lòpez de Arriortùa (ci-après), ancien responsable des achats d'Opel, puis de Volkswagen.

Ce dernier était surnommé "le tsar des achats". Sa politique consistait à chercher les fournisseurs les moins chers et à leur mettre la pression pour qu'ils baissent les coûts. Le problème est qu'au-delà d'un certain point, la qualité est sacrifiée. D'où une baisse de niveau chez les constructeurs où il est passé.

Et aujourd'hui, Toyota a dépassé ce "point".

Il s'agissait également de produire toujours plus de voitures. Certains accusent même le constructeur Japonais d'avoir retardé sa campagne de retours pour profiter au maximum des ennuis de Chrysler, Ford et GM.

Actuellement, on est en plein buzz. On parle de 19 morts et 815 accidents. Les témoignages affluent et comme d'habitude, il y a à boire et à manger. L'emballement médiatique est terrible car la presse généraliste manque de discernement et d'expertise. Elle mélanger les modèles concernés et rapporte les propos de n'importe qui.

Les problèmes d'accélérateurs concernent également des Ford, des Pontiac Vibe (construites sur base Toyota), ainsi que des C1 et des 107 (jumelles de la Aygo.) Pourtant, on ne parle que du constructeur Japonais.

Ce n'est pas un hasard, il est évident que les lobbys pro-constructeur US tournent à plein régime. La déclaration des loueurs de voitures était ridicule: cela fait longtemps que les "3 grands" leur soldent leurs invendus et ils sont guère regardant sur la sécurité de ces modèles. Quant à celle de Ray LaHood, patron de la NHTSA, c'était uniquement de l'anti-toyotisme primaire.

La séquence précédente était très dure pour les "3 grands". Chrysler et GM se sont retrouvés en faillite; Ford valait guère mieux. Ils ont du quémander des aides auprès du gouvernement Américain et se séparer de marques. A Detroit, ils ont présenté des liftings, des nouvelles motorisations, des nouvelles carrosseries, pas mal de séries spéciales, mais rien de totalement inédit.

La Prius est victime d'un tir de barrage. Or, cette hybride est une véritable épine dans le pied des constructeurs US. C'est le symbole de l'inventivité de Toyota (ce qui souligne, par un effet de miroir, leur immobilisme.) La Chevrolet Volt se fait attendre en concession. Et "Prius" est devenu quasiment un terme générique pour désigner une hybride.

Ainsi, Chrysler, Ford et GM espèrent que les malheurs de Toyota feront revenir leurs anciens clients. Quitte à en rajouter une couche.

Les crises de confiance sont terrible. En France, on se souvient que lors de leurs lancements, les Laguna II et 605 avaient des problèmes de fiabilité. Les corrections et liftings de ces modèles n'y ont rien fait: pour l'homme de la rue, elles étaient marquées au fer rouge tout au long de leur carrière.

Or, ici, chez Toyota, ce sont 8 modèles qui sont impliqués. Cela fait autant de modèles dont les ventes vont plonger.

Jusqu'ici, la stratégie de communication du constructeur fut déplorable. Il a longtemps minimisé, voir nié, les problèmes. Le dernier communiqué était particulièrement pathétique (notamment le hors-sujet sur comment Toyota a tout fait pour sauver NUMMI, que GM a abandonné.) En Chine, il jurait lundi dernier que les Rav4 produits localement seraient épargné par le rappel... Pour organiser un rappel le mardi.

Comment s'organisera la sortie de crise?

Le scénario N°1 est le plus classique: s'autoflageller jusqu'à ce que l'orage passe. En 1997, Mercedes fut attaqué: la Classe A ne passait pas le "test de l'élan", la Smart avait des problèmes de tenue de route et Lady Di s'est tué dans une Classe S. Une certaine presse n'a pas hésité à faire un amalgame. Mercedes multiplia les excuses et après deux années, l'incident était clos.

Le scénario N°2 est plus "web 2.0": un buzz en chasse un autre. Les problèmes de pédales de Toyota ont fait oublier les feuilletons Volvo/Geely et GM/Saab. Toyota peut jouer la montre; se dire que dans un mois, il y aura un nouveau feuilleton et que le public oubliera l'affaire.

Le scénario N°3 est le plus noir. Décrédibilisé, le constructeur voit ses ventes s'effondrer et les dettes s'accumuler. Pour survivre, il est obligé de s'allier à un autre, voir de se vendre. Ce fut le cas d'Austin-Rover dans les années 80.

Pour autant, Toyota a gagné la guerre de Google: si vous tapez "Toyota problem", on vous propose plein de "solve". Comme si tout était sous contrôle chez Toyota...

Il est difficile de prévoir ce qu'il va se passer sur le long terme.

L'un des enseignements, ce que Toyota n'est plus sur un piédestal. L'annonce de perte, fin 2008 (une première dans son histoire moderne), était déjà un coup dur pour son image d'invincibilité.

L'histoire de l'automobile n'est jamais finie. Dans les années 20, Ford dominait la planète automobile et Henry Ford ne se gênait pas pour se prendre pour un messie. Puis il a été dépassé par GM, lequel subit une lente érosion de ses parts de marchés. Depuis les années 70, Toyota était devenu le nouveau veau d'or. Les problèmes actuels prouvent qu'il est humain, trop humain. Donc, un autre (Hyundai?) pourrait un jour prendre sa place de N°1. Nous sommes donc peut-être en train d'assister à la fin de l'ère Toyota.

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C'est le feuilleton de l'hiver: les problèmes d'accélérateurs et de freins des Toyota. Au-delà du coût rappel, il en va de la crédibilité du constructeur Japonais, sérieusement entachée.

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