par Pierre-Laurent Ribault

Benoît Tréluyer, champion Super GT 2008 : l'interview

Benoît Tréluyer n'est pas un inconnu des lecteurs du blog auto, puisqu'il nous avait accordé à la fin 2006 une interview décrivant son arrivée et sa vie de pilote professionnel au Japon. Cette année il a ajouté une couronne de plus à son palmarès et pas n'importe laquelle avec la victoire au championnat de Super GT dans la catégorie reine GT500 en compagnie de son équipier Satoshi Motoyama sur la Nissan GT-R no23 du team Nismo. C'est le volant le plus convoité du sport auto japonais et une des voitures de course les plus en vues de l'année, y compris en dehors des frontières japonaises, et il a su en faire bon usage. Il devient ainsi membre du club très fermé des pilotes ayant remporté les trois titres les plus importants du sport auto japonais, F3, Formula Nippon et Super GT. Ajoutez à cela une 7ème place au Mans, "les premiers des autres" derrière les intouchables Audi et Peugeot, et l'occasion était belle de revenir avec lui en détail sur cette saison et ses projets pour la saison 2009.

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Benoît Tréluyer n'est pas un inconnu des lecteurs du blog auto, puisqu'il nous avait accordé à la fin 2006 une interview décrivant son arrivée et sa vie de pilote professionnel au Japon. Cette année il a ajouté une couronne de plus à son palmarès et pas n'importe laquelle avec la victoire au championnat de Super GT dans la catégorie reine GT500 en compagnie de son équipier Satoshi Motoyama sur la Nissan GT-R no23 du team Nismo. C'est le volant le plus convoité du sport auto japonais et une des voitures de course les plus en vues de l'année, y compris en dehors des frontières japonaises, et il a su en faire bon usage. Il devient ainsi membre du club très fermé des pilotes ayant remporté les trois titres les plus importants du sport auto japonais, F3, Formula Nippon et Super GT. Ajoutez à cela une 7ème place au Mans, "les premiers des autres" derrière les intouchables Audi et Peugeot, et l'occasion était belle de revenir avec lui en détail sur cette saison et ses projets pour la saison 2009.

LBA : Tu as intégré au début de l'année dernière le team Nismo, qui plus est au volant de la voiture la plus prestigieuse, la no23. C'était ton objectif depuis longtemps ?

BT : J'étais déjà pilote Nismo détaché depuis 4 ans chez Impul et j'y étais bien, mais il est évident que la 23 est une opportunité qui ne se refuse pas. Cependant je ne voulais pas y aller dans n'importe quelles conditions. Je voulais avoir un maximum de contrôle sur le setup, les évolutions, et surtout être désigné pour faire les qualifs qui sont un de mes points forts. Nismo m'a proposé en fin de saison dernière de passer sur la 23, parce quils voulaient monter un équipage fort avec Motoyama et moi pour contrer Toyota qui avaient fait la même chose en 2007 avec Wakisaka/Lotterer et Honda avec Firman/Ito, clairement les deux meilleurs pilotes de chaque constructeur sur la même voiture. Ils ont accepté mes conditions, donc j'ai plongé. J'ai quitté la voiture Impul un peu à regret et sur de très bons souvenirs, tout en continuant d'ailleurs avec eux en Formula Nippon.

LBA : Quand est-ce que vous avez su que vous pourriez viser le championnat ?

BT : Immédiatement, au premier roulage. La voiture est apparue tellement bien née, plus facile et confortable que la Fairlady Z de 2007, beaucoup plus exploitable à la limite. On était très confiants dès le départ.

LBA : Comment ça s'est passé avec Motoyama ? Vous êtes apparu très complémentaires et très soudés pendant toute la saison.

BT : Ça s'est très bien passé. On se connaît bien, on a déjà couru dans le même team et il n'y a pas de tension entre nous. On ne cherche pas particulièrement à savoir en permanence les temps de l'autre, c'est une ambiance très relax. On se répartit les rôles assez naturellement, je suis plutôt mieux pour faire les phases d'attaque et les relais courts, et lui il gère bien les relais longs. On n'a pas exactement la même façon de piloter, il a tendance à décomposer ses attaques de courbe en freinant en ligne avant de changer vivement de direction alors que je préfère me freiner un peu plus sur les pneus en amorçant le virage, mais on peut rouler quand c'est nécessaire avec les réglages de l'autre. Ça marche très bien. On a constamment pendant la saison été plus vite que ce que nous demandait Nismo.

LBA : Après avoir gagné les deux premières courses, vous avez pris une pénalité très handicapante en poids et au restricteur et vous avez passé une bonne partie de la saison dans l'anonymat du peloton. C'était frustrant ?

BT : Oui, bien sûr. On avait plus de lest que Bridgestone n'accepte d'en supporter pour des raisons de sécurité, et donc le surplus était transformé en réduction du diamètre du restricteur. A Fuji, lors de la 3ème course, il était même difficile de décrocher les voitures de la catégorie inférieure. Je voyais dans mes rétros les Porsche GT300 qui faisaient mine de me déboîter en fin de ligne droite ! Bon, le système est le même pour tout le monde, mais c'est quand même compliqué pour les spectateurs. A part pour ceux qui suivent le championnat dans le détail, il n'est pas simple de faire comprendre aux gens qui viennent voir la course que la voiture qui gagne la course précédente se traîne à ce point là... C'est très tactique. Le pire moment de ce point de vue c'était à Motegi, quand il y a eu une bagarre de chiffonniers en fin de course pour la 9ème place, en vue de la course d'après.

LBA : Vous avez perdu espoir a un moment donné ?

BT : Après Sepang, la quatrième course, on était inquiet. On devait s'en remettre aux simulations très élaborées faites par Nismo qui en fonction du circuit et du poids embarqué pouvaient prédire la performance avec beaucoup d'exactitude (si le pilote assure comme prévu, évidemment), mais on a pu sortir la tête de l'eau au fur et à mesure, en particulier à la course de Suzuka où on a vu qu'on pouvait revenir malgré le poids.

LBA : Quand est-ce que vous avez su que c'était dans la poche ?

BT : Quand on a gagné à Autopolis, l'avant-dernière course, on avait vraiment confiance, car hormis une catastrophe on ne pouvait plus être rejoint. Mais on a quand même été tendus jusqu'au bout à la dernière course à Fuji. J'ai fait un super temps aux essais, et on est même entré dans le top 10, ce qui n'était pas prévu, mais pendant la course on a un peu pataugé dans les choix de pneus et on s'est retrouvé à un tour, sous la menace d'une victoire de la Lexus de Tachikawa/Lyons si jamais la GT-R Impul en tête à ce moment-là avait un problème. Mais Sébastien [Philippe] sur la GT-R a bien conduit, la GT-R Impul a gagné et on s'est donc retrouvé champions.

LBA : Est-ce que la position aux essais est importante en Super GT ?

BT : Oui. Ça conditionne la tactique de course. Si tu es qualifié au-delà des deux premières lignes, tu dois compter avec le trafic. Il y a deux solutions, selon les conditions de course : soit tu pars léger en espérant pouvoir te dégager suffisamment du reste du peloton avant le ravitaillement, soit tu joues l'endurance en chargeant au maximum en essence pour retarder le ravitaillement. Quelle que soit la tactique adoptée, partir loin complique terriblement les choses.

LBA : Qu'est-ce qui va changer en 2009 ? As-tu déjà essayé la voiture dans la configuration de l'année prochaine ?

BT : A partir de 2009 on va avoir beaucoup moins de charge aéro. Les Lexus et les Honda vont adopter le même V8 3,4l que la Formula Nippon et nous comme on n'a pas de moteur équivalent on va garder le V8 4,5l de cette année, mais on sera pénalisé, en poids ou en restricteur, pour l'équivalence de performance. Il y aura aussi les changements de rapport au volant. Ça c'est vraiment super et ça marche très bien, contrairement au système sur la Nippon en début 2008. On se croirait sur la Playstation ! (rires) La GT-R 2008 était peu ou prou conforme au règlement 2009, et on repart l'année prochaine avec les voitures 2008 reconditionnées, alors que les deux autres constructeurs vont avoir de toutes nouvelles autos. Il y a des avantages et des inconvénients à cette situation : on a déjà un an d'expérience avec la voiture, alors qu'ils ont tout à découvrir, mais en même temps une voiture de course perd un peu de rigidité au cours du temps, et les nôtres auront une saison au compteur... On verra bien. Pour l'instant, la nouvelle Lexus a l'air de bien marcher pour ce que j'ai pu en voir.

LBA : Tu finis quatrième au Mans sur le premier proto essence derrière les Audi et les Peugeot, quelles ont été tes impressions ?

BT : C'était fantastique ! L'équipage était le même que l'année dernière, avec Christophe Tinseau et Harold Primat. On s'entend bien, on a fait une course parfaite. Je suis particulièrement satisfait parce que cette année j'ai le sentiment d'avoir vraiment bien piloté. J'espère vraiment pouvoir participer l'année prochaine, mais en ce moment la situation est incertaine pour les sponsors...

LBA : Comment tu compares la Pescarolo LMP1 et la GT-R ?

BT : C'est très différent. Quand tu montes dans la LMP1, tu ressens tout de suite que c'est beaucoup plus grand. Il y a plus de couple sur le moteur, et plus d'aéro aussi. La voiture est beaucoup plus stable en courbe. Plus de puissance (675 ch contre environ 500 ch), plus légère... Beaucoup plus rapide, fatalement.

LBA : En Formula Nippon, ça n'a pas été ça par contre ?

BT : En Super GT comme au Mans, j'ai vraiment l'impression d'avoir fait ma meilleur saison, au top de mon pilotage. C'est d'autant plus bizarre de ne pas avoir mieux marché en Formula Nippon, mais j'ai été handicapé toute l'année par une coque pas au niveau. Comme c'était la dernière saison avec ce type de voiture, il n'y avait pas de coque neuve disponible donc on a galéré. En fin de saison on a finalement décidé de rebasculer sur la coque avec laquelle j'avais été accidenté à Suzuka en fin 2007. C'était mieux mais il était trop tard pour faire quelque chose.

LBA : La Formula Nippon a adopté en 2007 le format de deux courses par week-end avec grille inversée pour les quatres premières lignes dans la seconde, comme en GP2. Qu'est-ce que tu en a pensé ?

BT : Ca ne m'a pas franchement convaincu, surtout si les deux courses sont disputées le dimanche... Pour moi il vaudrait mieux faire la première course le samedi, ce serait mieux pour les fans qui viennent ce jour-là. En plus, avec les deux courses à la suite, les conditions ne changent pas et vu que la seconde est plus courte, le 8ème de la première se retrouve avec les meilleures chances de gagner comme on l'a vu. Ça n'est pas très logique.

LBA : Là aussi il va y avoir une nouvelle voiture à partir de 2009. Quelles sont tes premières impressions ?

BT : Au départ, j'étais très sceptique et comme tout le monde, je ne l'ai pas trouvé très séduisante. De l'extérieur, un camion comparé à la Lola de cette année. Quand je suis allé à Sugo pour la tester, je m'étais dit que si ça ne plaisait pas je ne referai pas de Nippon. Et puis en fait, une fois au volant elle m'a bien plu. Elle convient bien à mon style de pilotage, j'ai été tout de suite rapide avec, le plus rapide de la séance en fait. En plus elle est pas mal avec la décoration prévue que j'ai pu voir. Ça m'a donné la motivation pour re-signer pour l'année prochaine. Ça devrait être sympa.

LBA : De l'extérieur, elle a l'air d'être très figée. Elle répond bien aux réglages ?

BT : Oui, en fait. Il y a largement matière à travailler le setup. Actuellement elle est en cours de développement, et devrait pas mal évoluer encore d'ici la première course. Pour l'instant la direction est lourde, c'est son principal problème, mais ça devrait pouvoir s'arranger.

LBA : Qu'est-ce que ça va donner en terme de course en peloton ?

BT : Je ne sais pas encore, mais de toute façon pour moi si on veut favoriser la bagarre et les dépassements, c'est moins une question de voiture que de changement de mentalité. Il faut arrêter de coller des pénalités au moindre mouvement pas orthodoxe, et plus récompenser la victoire. Je suis assez d'accord avec l'esprit de la proposition des médailles d'Ecclestone. On est là pour la gagne, pas pour faire septième.

LBA : As-tu des informations sur les projets supposés de Nissan en GT en Europe avec la GT-R FIA-GT ?

BT : Non, je n'en sais pas vraiment plus que toi... Quand Carlos Ghosn est venu au Nismo Festival, on espérait qu'il ferait une annonce, mais il est resté muet sur le sujet. Wait and see.

[NDLR : l'interview a été réalisée avant les premiers essais de la voiture à la fin décembre. Benoît a eu l'occasion d'approcher la voiture de plus près à la mi-janvier, lors des essais d'intersaison de Nissan à Sepang. Selon lui, elle a un aspect très différent de la Super GT, plus imposante, avec un bruit très impressionnant.)]

LBA : Toi le roi des pilotes de la GT-R de course, qu'est-ce que tu penses de la GT-R de série ?

BT : En fait, je n'ai pas beaucoup eu l'occasion de rouler avec. Mais j'ai essayé celle de mon coéquipier Satoshi Motoyama, et ça m'a suffit pour me rendre compte que ce ne serait pas très raisonnable pour moi d'avoir une auto pareille. Je suis encore trop jeune, me connaissant je sens que je ne pourrais pas résister et je m'attirerais rapidement des ennuis (rires).

LBA : En dehors de la compétition, tu as des projets ?

BT : J'essaye de développer les rapports avec les fans japonais, qui sont très chaleureux. Je me suis lancé dans la création de tee-shirts, et j'ai pas mal travaillé sur mon site internet et mon blog (www.benoittreluyer.com), et j'espère pouvoir le développer encore plus l'année prochaine. Mon objectif est de le tenir le plus à jour possible y compris pendant les week-ends de course. Je discute en ce moment avec des sponsors pour pouvoir m'aider à faire ça mieux. Il y a des choses sympas en préparation, n'hésitez pas à venir y jeter un oeil de temps en temps !

Merci Benoît, et bonne chance pour ton programme 2009 que l'on suivra avec attention sur le blog auto

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Pour résumer

Benoît Tréluyer n'est pas un inconnu des lecteurs du blog auto, puisqu'il nous avait accordé à la fin 2006 une interview décrivant son arrivée et sa vie de pilote professionnel au Japon. Cette année il a ajouté une couronne de plus à son palmarès et pas n'importe laquelle avec la victoire au championnat de Super GT dans la catégorie reine GT500 en compagnie de son équipier Satoshi Motoyama sur la Nissan GT-R no23 du team Nismo. C'est le volant le plus convoité du sport auto japonais et une des voitures de course les plus en vues de l'année, y compris en dehors des frontières japonaises, et il a su en faire bon usage. Il devient ainsi membre du club très fermé des pilotes ayant remporté les trois titres les plus importants du sport auto japonais, F3, Formula Nippon et Super GT. Ajoutez à cela une 7ème place au Mans, "les premiers des autres" derrière les intouchables Audi et Peugeot, et l'occasion était belle de revenir avec lui en détail sur cette saison et ses projets pour la saison 2009.

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